Je sors doucement des limbes du sommeil. À travers la fenêtre, j’aperçois les premières étoiles briller haut dans le ciel : j’ai dû dormir toute la journée, épuisée de mes « escapades » nocturnes. Je me redresse et aperçois quelqu’un, assoupi, dans le fauteuil qui se trouve au côté de mon lit. Malgré l’obscurité je reconnais sans trop de difficulté Mathias. Il est resté là toute la journée à veiller sur moi. Une bouffée de chaleur monte en moi et, alors que je sors de mon lit, je lui mets la couverture qui me tenait chaud.

Je le porterai bien jusqu’au lit mais j’ai peur de ne pas être assez forte et de le renverser lamentablement… Tout en le bordant, j'embrasse son front tendrement.

Je sors de la chambre pour accomplir mon devoir d’espion. J’espère de tout cœur revenir dans cette chambre quelque heures plus tard et de pouvoir passer le reste de la nuit avec la personne que j’aime. En attendant, il ne faut pas que je perde ma concentration, il en allait de ma survie.

Machinalement, mes pas me conduisent jusqu’aux bois, bois que désormais je détestais. Tout cela à cause de trois personnes contrôlées par des esprits machiavéliques qui les poussaient à détruire. Je me précipite vers ma cachette habituelle tout en retenant mon souffle : je ne sais pas de quoi sont capables les loups et je n’ai pas d’envies suicidaire.

« Je n’en peux plus ! Ils sont en train de nous détruire un par un ! Il faut que nous les éliminions, ils sont trop unis…

- Je suis tout à fait d’accord avec toi mais ne laisse pas ta haine te contrôler, sois plus intelligent que ça, voyons ! Vous les mecs, il faut vraiment que vous appreniez à vous contrôler… »

Enfin un indice important : sur trois des loups je pouvais être certaine qu’un était un garçon et, vu comment le troisième loup hochait la tête pour soutenir le deuxième, que les deux autres étaient des filles. On avançait.

« Oh et madame a une idée brillante peut-être ? Moi je dis qu’on devrait tuer Tom, ou Mathias ou même encore Manon et Louna. Ils sont unis comme les doigts de la main, si on en tue un ils seront brisés et n’auront pas la force de nous traquer !

- Oui. Pour l’instant notre ennemi numéro 1 est Florine, c’est le maire, elle possède donc deux votes. Cela pourrait jouer en notre défaveur… Tuons là et demain, faisons tout ce que nous pouvons pour nous rapprocher de ce groupe : leur prouver nos bonnes intentions. Après tout, nous les connaissons depuis toujours ! »

Bien. Demain je saurai enfin les noms des loups et la fin de ce délire sera proche. Malheureusement d’autres innocents vont mourir. Pauvre Florine. J’ai un pincement au cœur pour elle mais j’ai aussi l’impression de ne plus rien ressentir. Après la mort de mon frère je me sens si vide…

Je me dirige en silence vers ma maison, laissant mes pas me guider. Je sens le sommeil m’emporter, il faut croire que ma longue sieste n’a pas suffi.

Je me glisse silencieusement dans mon lit, laissant la couverture réchauffer mon ange gardien qui n’avait pas bougé. Je détaille son visage illuminé par la lumière des étoiles qui passe par la fenêtre. Je grave scrupuleusement chaque détail, chaque grain de beauté dans ma mémoire et je laisse cette douce vision m’emporter dans le pays des rêves.

***

C’est la lumière chaleureuse du soleil qui me réveille. Étrangement, j’ai chaud. Très chaud. Pourtant je me souviens parfaitement d’avoir volontairement laissé ma couverture à Mathias. Comment est-ce possible, je suis pourtant de nature frileuse. J’ouvre difficilement les yeux pour comprendre l’origine de cette douce chaleur : mon oreiller est vivant. Il se soulève doucement au rythme d'une respiration. Je me redresse vivement et aperçoit Mathias, parfaitement réveillé et qui me caresse tendrement les cheveux en guise de bonjour. Voyant mon regard intrigué il se justifie :

« Je me suis réveillé précipitamment après avoir eut mes visions habituelles et je t'ai vu grelottante dans le lit alors… Je t’ai rejoint. »

Voyant que je ne lui répond pas, il continu son monologue.

« D'ailleurs, je suis ravie de t'apprendre que j’ai trouvé notre sorcière. Ou plutôt notre sorcier, c’est Marc. J’irai lui parler, il se rangera de notre côté. »

Je ne peux m'empêcher d’éclater de rire, la vision de Mathias tellement gêné de la situation qu’ il serait presque prêt à me parler de la météo est hilarante. Il me rejoint vite et cela finit en fou rire. Ça fait tellement de bien de rire avec les gens qu’on aime. J’ai l'impression que cela fait une éternité que ce n'est pas arrivé… Je me redresse et rapproche nos visages. Là, je murmure doucement :

« Merci. De veiller sur moi, de me faire rire, d'être toi. Mathias. Je voulais te dire… »

Des exclamations provenant de la rue m'interrompe, marquant ainsi la fin de ma petite bulle de bonheur.

Nous nous levons rapidement et descendons dans la ruelle qui borde notre logis. J'hésite à baisser le regard. Je sais déjà quel corps se trouve à nos pieds. Pourtant, les murmures surpris me poussent à regarder. J'ai le souffle court. Sur le sol pavé du chemin se trouve deux corps. Deux. C'est la première fois que cela arrive et la confusion se répand parmi les habitants.

Florine est étendu par terre, le corps lacéré par les gigantesques griffes des monstres qui peuplent notre ville. A ces côtés réside une arme. Un long fusil utilisé pour la chasse au gros gibier tel que le sanglier ou les loups lorsqu’ ils s approchent de trop près de nos troupeaux de moutons. Un peu plus loin se trouve un autre corps recouvert de fourrure : un loup garou. Florine est morte mais, tel un chasseur, elle a aussi abattu ce monstre. Elle nous a tous sauvé d'une menace imminente.

Je m'approche pour essayer de distinguer plus facilement les traits du visage d’une personnes qui, auparavant, fut mon ami.

« C'est Elio. S'exclame Clarisse avant de fondre en larmes »

Elio. C'était donc lui le loup mâle d'hier. Il ne reste donc plus que deux loups. Deux filles.

Je remonte mon regard et observe mes proches, récapitulant mentalement les données ramassées depuis le début de ce cauchemar.

Il y a Manon et Tom, accrochés l'un à l'autre, qui viennent juste d'arriver. Ils sont ma famille et ils ont toutes ma confiance.

À ma droite se trouve Mathias, mon fidèle compagnon. Celui qui est prêt à rester toute une journée coincé dans un vieux fauteuil miteux juste pour veiller sur mon sommeil. La voyante qui, chaque nuit, apporte de nouvelles informations pour nous aider à démasquer les loups.

A la gauche de Mathias il y a Marc. Son meilleur ami et surtout la sorcière.

En face de moi, de l'autre côté des corps, se trouvait Clarisse. Elle s'accrochait désespérément aux bras d Auriana. Elle pleurait énormément. Étais ce la mort de son complice Elio qu’ elle pleurait ? Il est vrai qu’ elle était très proche d Eliott aussi, l'autre loup. Je ne sais pas quoi en penser… Innocent ou coupable ?

Auriana caresse gentiment le dos de Clarisse, essayant vainement de la réconforter. Nana semble si douce… Mais un visage d'ange peut cacher un de mon. Innocent ou coupable ?

Enfin, huitième et dernière survivante, du moins pour l'instant, était Lou-Anne. Elle de tenait à la droite d Auriana et semblait aider celle-ci à réconforter Clarisse. Innocent ou coupable ?

Je sais pertinemment que deux des trois filles sont coupables. Qu’ elles sont possédés par les loups. Mais qui était innocente ?

« Regardez, s'exclame Marc en s'approchant du corps sans vie de Florine. Il y a une lettre dans sa poche. »

En effet, trop absorbé par l'observation des habitants je n'avais pas remarqué ce papier. Il désignait Tom comme étant son successeur au poste de maire, Tom étant l'ainé de notre petit groupe. Elle avait prévu l éventualité de sa mort.

« Il nous faut voter maintenant. Dit Lou-Anne. »

Tout le monde hoche la tête. Clarisse se détache d Auriana et s approche de moi pour me chuchoter a l oreille :

« Je voulais te dire que j'étais vraiment désolé pour la mort de Thomas. Je sais que vous étiez très proches. Toutes mes condoléances. »

Je fronce légèrement les sourcils. Je me souviens que cette nuit, les pouvez avaient dit qu’ ils allaient qu’ elles se rapprochent de mon groupe. Étais ce ça la tentative de rapprochement. Clarisse est elle coupable ? Est elle un loup garou ?

Mathias sent mon désarroi et se rapproche encore plus de moi, comme pour me protéger de tout danger.

Personne ne souhaite prononcer un nom en premier, craignant des représailles. Je sens le regard de Mathias qui me demande conseil. J'hésite. Je ne suis sûre de rien… Je finis par couler un bref regard vers Clarisse, la condamnant ainsi. En effet, immédiatement Mathias, Tom, Manon et même Marc disent son nom. Ne souhaitant pas créer de conflit, les deux filles restantes se joignent à nous. Clarisse est condamnée. Elle ne se débat pas. Elle se contente d éclater en sanglots. Sa tristesse me brise le cœur mais je n'oublie pas la possibilité qu’ elle soit un loup garou.

Le coup part. L abattant d un tir dans la tête. Clarisse s effondre… et son corps ne se transforme pas en loup. J ai eut tord. Clarisse était innocente. Je connais maintenant le nom des deux loups restants : Lou-Anne et Auriana. Mes deux amies de longue date.

Je me raccroche désespérément à Mathias a mes côtés pour ne pas m'effondrer. Par ma faute il y allait avoir encore d'autres morts. Elles allaient continuer à tuer. Il m'amène immédiatement a l'intérieur. Manon et Tom nous rejoignent.

Cette après midi est peut être la dernière que nous passons tous réunis. Alors, je chasse ma tristesse pour profiter de ce moment. Nous nous forçons à rire pour chasser nos larmes. Je ne quitte pas les bras réconfortant de mon ange de la journée. Manon fait de même avec Tom. C'est une belle après midi. Je garderai ces souvenirs gravés en moi pour toujours. Mais la nuit finit toujours par tomber…