22 Parc Maillol - Plaid Vert
Mercredi 4 Octobre.
Dans le hall du siège social de l’entreprise Robert, près d’une machine à café, Edmond et Gilles discutent.
— Merde, faut qu’je bouge.
— C’est mort mon frère, tu n’y seras jamais !
Edmond arrive à l’adresse en centre-ville. Le bâtiment est récent. Les portes automatiques le laissent entrer, il se présente à l’hôtesse du hall.
— Monsieur Vallone, j’ai rendez-vous avec monsieur Niel à 14 h.
La dame pianote sur son ordinateur. Elle lui dit d’une voix flatteuse :
— Monsieur Niel vous attend, quinzième étage.
Edmond entre dans l’ascenseur et appuie sur le 15.
La porte s’ouvre avec un bruit de cloche, donnant sur un autre hall, une autre hôtesse. Des piédestaux cubiques et blancs présentent des sculptures très contemporaines. Elles ne ressemblent à rien.
Il s’approche. La moquette au sol et le revêtement des murs produisent un effet très particulier sur les sons. L’étage a l’air d’une ruche, mais sans le bruit.
— Monsieur Vallone, dit Edmond.
Avec le même sourire formel, l’hôtesse indique le couloir, dernière porte au fond.
Edmond suit les lignes de la moquette jusqu’au dernier bureau. Il frappe.
— Entrez, dit une voix forte et sèche d’homme.
Edmond ouvre la porte sur une immense pièce. Une grande salle avec des vitrages sur les deux côtés d’un angle donnant sur des grands bâtiments et en second plan, le parc Maillol comme un plaid vert posé au milieu des immeubles. Edmond a surtout vu cela, plutôt que monsieur Niel en face de lui, assis derrière son grand bureau de bois rouge.
— Edmond, bonjour ! C’est beau n’est-ce pas ?
— … oui !
Edmond ne comprend pas pourquoi, comment, il n’a pas envisagé la transformation de sa ville dans ce sens-là.
— Quand êtes-vous parti, précisément ?
— Il y a un petit peu plus que deux ans.
— Alors tout cela était juste en chantier.
La pièce est très grande, moquette gris moyen au sol, les cloisons en parement imitation bois foncé, peintures abstraites accrochées aux murs.
Monsieur Niel invite Edmond à s’assoir sur l’un des deux fauteuils en velours à accotoirs placés en face de lui.
— Allez, montrez-moi vos merveilles !
Edmond sort une liasse de papier et avec impatience, monsieur Niel contourne le bureau. Il fait de la place comme on nettoie une table après manger et s’installe sur le second fauteuil.
— Allez-y, posez tout ça là.
Edmond pose les esquisses en deux tas.
— Donc ici, c’est ce qui se rapporte le plus à ce que vous m’avez demandé. Et ici c’est, euh une idée… comme ça.
— Hum Hum !
Déjà monsieur Niel est dans l’analyse.
— Ah oui, hum hum. Allez-y, racontez-moi !
Edmond explique la première maison.
C’est une immense maison contemporaine toute de vitrages et de murs blancs. Tout y est parfait, épuré. Des lignes perpendiculaires, des angles droits. Deux coloris, le blanc et l’anthracite, pour les vitrages, la piscine, les éléments structurels.
— Elle est comme votre maison actuelle, mais de plain-pied. Avec quelques changements, une entrée moins monumentale, un nombre de chambres plus réduit. Elle est plus intimiste. La cuisine et les pièces de vie sont équivalentes. Et j’ai pu ajouter une lingerie plus spacieuse.
Il regarde alors le second projet.
— La seconde en fait, c’est ça… !
La maison dessinée semble plus petite, elle est étendue sur la pente naturelle, sur plusieurs demi-niveaux. Elle est beaucoup moins vitrée. Les murs sont en pierres apparentes et en bois, les toits ne sont pas plats mais inclinés sur un ou deux pans, il y a des tuiles et des gouttières. La piscine est une piscine naturelle. Il a dessiné une terrasse avec une pergola toute végétalisée, des tables et chaises en fer forgé blanc, des lanternes…
Monsieur Niel fronce les sourcils.
— Effectivement. Celle-ci n’est pas dans ce que je vous ai demandé.
Il regarde Edmond, surpris, il sourit et dit :
— Edmond, je peux garder vos dessins ? Les deux. Je voudrais les montrer à Émilie.
— Bien sûr. Je peux aussi vous montrer des vues sur l’ordinateur.
— Oui. Oui. S’il vous plaît.
Edmond sort le portable de la sacoche, pianote et des images s’animent à l’écran.
Edmond explique dans le détail la maison version un puis il raconte à nouveau, la maison version deux.
Et ce soir, trop tard, à la station Le Parc, il n’y aura pas Magnan.
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