23 Parc Maillol - Quignon

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Jeudi 5 octobre.

Dans le hall du siège social de l’entreprise Robert, près d’une machine à café, Edmond et Gilles discutent.

— Alors hier ? Combien de retard ?

— Que dalle, mon frère ! J’étais à l’heure ! Comme tout gars du bâtiment qui se respecte : un quart d’heure de retard !

Ils rient.

Ce soir, hors de question de se faire avoir, il partira une demi-heure plus tôt.

 

Vingt minutes, c’est le temps qu’il met pour garer la voiture et rejoindre la station Masséna.

Il prend un ticket, attend avec la dizaine de personnes réglementaire qu’un tram plein arrive. C’est qu’il espère que tout se passe comme prévu.

Le tram arrive, il entre, se met tout de suite près de la porte automatique. Station Le Parc, il descend, regarde sa montre : dix minutes d’avance par rapport à mardi. Le tram repart, il se retrouve seul après que les gens sortis se soient éloignés et avant que les prochains n’arrivent. La station longe le parc Maillol et son enceinte : un muret maçonné piqué de grilles en fer forgé vert foncé et de l’autre côté de la voie, la route et les voies passantes avec les boutiques.

Il se poste derrière un kiosque à journaux sur le trottoir commerçant, et après quelques minutes, un tram apparaît. L’arrêt est plein, une vingtaine de personnes sont là à attendre. Peu sortent, tous rentrent, la logique est étrange.

Il ne distingue pas Mila. Non, elle n’est pas là.

Il est décidé à attendre tant que cela ne paraîtra pas trop ridicule.

Il achète un quotidien, un sportif.

Une autre rame arrive et suivant la même mécanique, des gens sortent, une trentaine entre.

Pas de Magnan. Toujours Pas.

Machin a pris sa retraite. Je ne savais même pas qu’il avait continué à faire du foot avec ses genoux en platine. Aux États-Unis. Ah oui, d’accord.

Une autre rame, des gens sortent, d’autres entrent.

Ah Magnan. Ah Ah !

Rangeant un livre probablement, dans sa sacoche sur la hanche, elle traverse les voies et passe de l’autre côté du kiosque, sur le trottoir marchand.

Edmond plie son journal.

Il fait frais. Mila remonte le col de son manteau. Elle est toujours habillée pareil, ses cheveux clairs bouclent sur le col de son manteau. Son visage est fermé, elle ne prête attention à personne, elle trace sa route parmi tous ces gens.

La nuit est quasi tombée. Les éclairages publics épaulent des éclairages des boutiques pour ouvrir la voie aux chalands.

Mila avance, Edmond n’a pas de mal à la suivre. Elle entre alors dans une boulangerie et deux minutes plus tard, elle est dehors, une baguette dans une main, un quignon dans l’autre.

Edmond prend alors conscience par ce geste si personnel finalement, la façon dont les gens grignotent leur quignon de pain, qu’il suit Blanche Magnan, la personne qu’il connaît la plus verrouillée, celle qui met le plus d’écrans entre elle et les autres personnes. Il réalise l’intrusion faite dans son système de protection.

Ah AH !

Mila continue à grands pas, elle a dépassé au moins une station de tramway : Blanche Magnan aime bien marcher. Ou bien elle non plus, elle n’aime pas les transports en commun. Puis elle se tourne vers une large porte en bois vert sculptée mal entretenue, elle insère une clé et disparaît.

Et maintenant mon gars, tu fais quoi ? Tu montes et tu lui dis : « Salut Bébé, je passais dans l’quartier, tu m’offres une bière ? »

 

Edmond traverse la route, les rails et se retrouve le long du parc.

L’immeuble est plus bas que ceux de chaque côté et il a seulement deux fenêtres de largeur. Il donne sur une entrée du parc, l’entrée est, qu’Edmond aperçoit sur sa droite, à quelques mètres.

Et il reste là. À attendre. Quoi ? Ne sait pas trop. Un signe, divin ou non, il prendra ce qu’il y aura.

Et il est exaucé, une fenêtre du dernier étage s’allume.

— Ah ah ! crie-t-il, machiavélique, Blanche Magnan, je sais où tu crèches !

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