8. Dîner

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 Lorsque Nathalie sort de la salle de bain, nue telle Ève au jardin d’Eden. Robin, captivé par le spectacle permanent de nouveaux équipages abordant les rives de Malport, ne la remarque pas. Déçue, elle s’habille. Après tout, sa robe de soirée fera un peu trop chic, mais au moins ne l’aura-t-elle pas emmenée pour rien.

 — Y’en a au moins cinq qui ont débarqué pendant ton bain, lui dit Robin, sans tourner la tête vers elle.

 — Dommage pour toi !

 — Hein ? répond-il en se retournant enfin.

 — Tu as loupé le clou du spectacle !

 Il se lève enfin et vient l’embrasser, alors qu’elle chausse ses escarpins vernis.

 — Il y a au moins quinze barques…

 — Et ?

 — Bah… C’est beaucoup quand même.

 — Tu m’inquiètes.

 — Pourquoi ?

 — Tu préfères mater les gros pêcheurs plutôt que ta jolie sirène dénudée. Aurais-tu quelque chose à m’annoncer ?

 — Non ! Je me change et on va manger, conclut Robin, il se maudit d’avoir raté son spectacle préféré.

****

 Le vide et le silence de la salle de restauration les saisissent. Une seule table est dressée au centre. Ils s’installent. L’agencement des couverts donne à la fois l’impression d’un souci de suivre les règles, mais aussi un certain relâchement dans la rigueur. Les fourchettes et couteaux sont à leur place, mais leur alignement hasardeux, les trois verres (eau, vin blanc et rouge) sont parfaitement disposés, mais leurs surfaces présentent des marques de doigts.

 Le doute s’insinue. Personne ne les attend, mais objectivement, leur table est installée. Ils s’asseyent.

 À la carte, du poisson, en entrée des vérines, en plat principal du barbu, seul le dessert permet d’y échapper. Le service forme un alliage curieux de standing et d’une désinvolture insolente et hostile envers les deux jeunes gens. Le patron et l’unique serveuse ont revêtu des tenues adéquates, mais l’homme leur semble négligé. La jeune femme qui les sert à table pose systématiquement les assiettes de manière trop brusque, sans aménité. Ses yeux, un peu trop grands et écartés, affichent une certaine animosité. Associé à l’impression qu’elle fixe en permanence Nathalie, même lorsque son regard se porte ailleurs, il se dégage de son attitude un sentiment d’oppression dont le jeune couple ne parvient pas à se défaire.

 Nathalie et Robin goûtent les plats, y trouvent des saveurs amères, ils n’échangent pas un mot le temps que dure leur repas. Finalement, c’est avec un peu de précipitation qu’ils regagnent leur chambre une fois leur dessert terminé.

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