Chapitre 4

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« Quand on voit un cheval, il ne faut pas penser homme, il faut penser cheval. » - Clémentine Hass

Les jours passent et continuent de se ressembler. Orion est toujours aussi méfiant, c’est à peine si j’arrive à l’approcher. Le vétérinaire est passé quelques jours après son arrivé, il a été obligé de le sédater pour réussir à soigner ses blessures. Elles étaient plus impressionnantes que vraiment grave. Heureusement car le seul capable de l’approcher, c’est Biscotte.

Il risque d’avoir du mal à lui faire des soins.

Après les avoir laisser s’habituer à travers la barrière, nous avons pris la décision de mettre Biscotte avec lui de temps en temps durant la journée, ça lui permet de ne pas s’ennuyer et d’avoir des interactions sociales. J’ai remarqué que cela lui avait fait du bien, même s’il n’est pas toujours rassuré en ma présence, Orion semble plus apaisé dans son environnement.

C’est un bon début.

Je les observe encore un peu avant de partir vers les écuries, saluant les cavaliers que je croise. En ce samedi matin, le centre équestre grouille d’adolescents. C’est bientôt l’heure de notre balade avec Milo et Jade, ma sœur ne nous accompagne pas, se terrant dans sa chambre avec sa montagne de devoirs, déçue de ne pas profiter du soleil. Je ne suis qu’à demi triste pour elle car nous allons en profiter pour explorer la forêt afin de découvrir l’endroit ou Orion est passé.

- Ophélie !

Jade me salue, habillée d’une tenue d’équitation marron et sa bombe déjà sur ses cheveux noirs comme le charbon. Pour une fois, elle est la première à arriver, Milo manquant à l’appel.

- Tu sais qui ta mère veut que je monte ?

Depuis que nous sommes assez âgés et expérimenté pour partir seuls dans la forêt, mes parents confient souvent les jeunes chevaux du club pour nos explorations, mes deux amis ne possédant pas de cheval. Ils ne font évidemment pas cela avec toute la clientèle mais Milo et Jade font partit de la famille et ils ont gagné la confiance de mes parents au fils des années. Ce sont d’ailleurs les seuls à posséder ce petit privilège.

- Je crois qu’elle t’a mis Voltali.

- Je vais aller lui poser la question et voir pour celui de Milo au passage. Il m’a envoyé un message tout à l’heure. Pour une fois, c’est lui qui est en retard.

Nous étouffons un rire moqueur avant de partir chacune de notre côté. Deux licols sur l’épaule, je pars chercher Feunard et Voltali dans les prés à côtés des écuries. Les deux chevaux sont complètement à l’autre bout de la pâture, j’appelle leurs prénoms plusieurs fois sans succès. Désespérée, j’émets un long sifflement, leurs deux têtes se relèvent, les oreilles pointées vers moi sans grande réaction.

Après un moment infini où je pars à l’autre bout du terrain pour attraper le duo de fainéant. Temps durant lequel Milo et Jade me rejoignent avec le licol de Neptune alors que je ne suis toujours pas arrivé de l’autre côté du pré. En discutant de l’itinéraire à suivre, nous attrapons les trois chevaux avant de rentrer les préparer dans leurs box respectifs. L’intérieur du bâtiment est très moderne avec de grands box côté prés pour chaque pensionnaire, séparés de portes coulissantes en bois afin de facilité le curage. Sur le mur d’en face sont installées différentes aires de pansage ainsi que les selleries club et propriétaire.

Une fois à cheval, nous marchons en direction de la forêt. Les feuilles craquent sous les sabots alors que le petit vent relève les crinières. Comme prévu initialement, je les dirige vers l’endroit ou Orion est apparût et nous élargirons nos recherches à partir de là. Les arbres se ressemblent presque tous en cette période de l’année avec leurs feuillages d’automne qui s’envole mais je retrouve aisément mon chemin. Les heures passées à explorer la forêt avec ma sœur lorsque nous étions plus jeunes m’aident à ne pas me perdre. Je connais cet endroit comme ma poche. Enfin presque.

- Alors, quel chemin nous prenons maintenant, guide ?

- Très bonne question mon ami.

En face de nous, trois possibilités s’étendent à travers la forêt. Sans compter le nombre d’autres qui s’enfoncent encore plus dans cette nature sauvage. Tout d’un coup, découvrir ne semble pas être une si bonne idée que ça. Milo fait avancer Neptune, choisissant pour nous le trajet de gauche :

- Nous n’allons pas rester plantés là.

- Pour une fois, tu as raison. Il faut plonger au cœur de la forêt, approuve Jade, lançant Voltali derrière lui.

- C’est parti pour l’aventure !

Je m’exclame pressant les mollets afin de faire avancer Feunard. Mon petit Appaloosa semble content de se balader, tout comme les deux alezans en tête de file. Leurs oreilles sont droites et ils marchent avec enthousiasme. Nous nous enfonçons entre les arbres, discutant d’un peu n’importe quoi.

La direction que nous avons prise nous emmène au niveau des prés où sont installés les chevaux à la retraite des écuries. Mes parents les laissent en semi-liberté dans plusieurs hectares, ils vivent une fin de vie paisible et loin de l’agitation typique de la maison. Au moins une fois par jour, Paul ou mon père viennent les voir pour vérifier leur de santé ainsi que l’eau et l’herbe présentes dans les champs, quitte à les changer de zone lorsque celles-ci viennent à manquer. Ils sont une dizaine à vivre au cœur de la forêt. Au loin, une jument noire attire mon attention, c’est Prunelle, celle de ma sœur, près de Pistache, un retraité que j’ai longtemps monté lorsque j’ai commencé l’équitation. Ils mangent tranquillement, ne faisant pas attention au petit convoi qui passe près de leur demeure.

Notre groupe s’éloigne pour continuer d’avancer vers les coins plus reculés. Les arbres se font plus denses tandis que le chemin se rétrécit au fur et à mesure que les chevaux pénètrent dans la forêt. Plusieurs animaux s’enfuient sous le son des sabots foulant la terre meuble, certains, plus courageux, reste pour observer de loin le déplacement gracieux des chevaux dans ces endroits confinés de nature.

- Nous devrions peut-être rentrer, il est bientôt dix-sept heures. Les chevaux ont encore le retour à faire.

- Tu as raison Ophélie. Nous ne trouverons rien aujourd’hui.

- Nous reviendrons, Jade, promet Milo.

J’acquiesce, tournant derrière un tronc pour entamer le demi-tour. De ce côté-ci, le grillage est beaucoup plus loin que ce que j’imaginais. Ce n’est pas très grave, nous avons pu profiter d’une balade sous le beau temps. Comme dit Milo, nous reviendrons. Nous découvrirons d’où vient Orion.

Je me le promets.

Lorsque nous rentrons aux écuries, le soleil entame sa descente. Chacun de notre côté, nous brossons longuement nos chevaux qui l’ont bien mérité. Ils ont tous les trois été exemplaire, même quand notre excursion à commencer à s’éterniser, ils nous ont ramener calmement à la maison alors qu’ils auraient eu le droit d’être impatients. Une fois tous les chevaux retournés dans leur pré pour la nuit, Milo et Jade sont rentrés chez eux, nous aussi ayant des devoirs à rendre pour lundi. Malheureusement, nous ne pouvons pas passer tout notre temps à gambader dans la forêt. Même si cette perspective m’enchante plus que mon devoir de mathématique.

Ma mère termine ses cours plus tard le samedi, j’en profite pour faire un petit détour jusqu’au rond de longe où réside notre pensionnaire clandestin. Au passage, j’enfourne une poignée de carotte dans mes poches, suivie à la trace par Biscotte, qui a bien compris dans quelle direction j’allais.

- Doucement petit diable, tu sais très bien que tu vas en avoir un morceau toi aussi, plaisanté-je en ébouriffant son toupet.

Je m’approche doucement de la barrière en métal, pour ne pas effrayer Orion qui mange son foin, bien à l’abri. Je souris en le voyant faire, heureuse qu’il continue de s’alimenter correctement malgré son stress toujours bien présent.

- Salut mon grand. Alors ? Comment tu vas ce soir ?

Je lui parle doucement, entrant dans le rond alors que ses oreilles se pointent vers moi et qu’il relève la tête. Orion ne semble toujours pas enclin à me laisser m’approcher plus que quelques mètres mais il ne bouge pas de sa place pour autant. C’est déjà une victoire !

Une petite certes mais un exploit quand même.

Comme d’habitude maintenant, je casse mes carottes en petits morceaux, sans oublier d’en donner une partie à Biscotte qui passe sa tête entre les barreaux. Assise par terre, je lance les bouts de façon à faire une ligne qui se dirige de plus en plus près vers moi. Orion mange la portion proche de lui, suivant l’exercice que je lui propose. A force de le faire, il engloutit rapidement ceux qui sont à sa portée, s’approchant de quelques centimètres à chaque bouchés.

La plus proche de moi doit être à deux mètres, Orion ne s’est encore jamais aventuré avec autant de proximité à mes côtés, pourtant, ce soir, il semble bien engagé. Il mange sans vraiment se soucier de ma présence. L’étalon garde malgré tout une oreille et un œil dans ma direction, mais je le laisse faire sans bouger ni parler. Il vaincra sa peur, je le sais.

En tailleur sur le sol, le reste des carottes est posé contre mes pieds mais c’est sûrement rêver pour qu’il ose venir jusqu’ici. Je continue de suivre ses mouvements des yeux, osant à peine respirer. Plus son nez se rapproche, plus je suis en apnée.

Quoi qu’il arrive, aujourd’hui est une victoire, Ophélie.

Je tente de rester la plus immobile possible tandis que la carotte face à moi est la dernière étape de cet exercice. Orion m’observe longuement alors que j’essaie par tous les moyens de paraître la plus calme et la plus détendue possible. Je le fixe un moment alors que rien ne se passe, il ne s’enfuit pas mais n’avance pas pour autant. Au bout de quelques minutes qui passent comme une éternité, je me décide à fermer les yeux afin de commencer un semblant de méditation, ne souhaitant pas lui transmettre la tension qui coule dans mes veines. Tout en essayant de ne pas perturber Orion, je prends de grande inspiration par la bouche, soufflant doucement par le nez durant un instant. Lorsque mes paupières s’ouvrent à nouveau, c’est pour voir Orion croquer dans la carotte avant de s’éloigner sous l’abri la seconde d’après. Intérieurement, je saute de joie même si ce n’est pas grand-chose et qu’il s’est éloigné le moment suivant, il a réussi.

C’est ça que je retiens.

Je rentre dans la maison quelques minutes plus tard, heureuse de cette légère avancé. Pas à pas, nous y arrivons. Je balance mes boots dans l’entrée, rejoignant la cuisine pour y découvrir ma mère et mon père en train de préparer le repas du soir. Le plan de travail est rempli de sauce et je me questionne sur la qualité de ce que l’on va manger. Faisant abstraction de leur inventivité, je leur détaille le comportement exemplaire des chevaux ainsi que les progrès d’Orion pendant qu’ils me parlent de leur journée avant que je ne m’éclipse dans la chambre de ma sœur. J’ouvre la porte à la volée, retrouvant Charlotte dans la même position que le matin. La tête penchée sur son cahier, soufflant de désespoir.

- Tu as besoin d’aide ?

Elle sursaute, se tournant vers moi :

- C’est toi, dit-elle rassurée, Tu es déjà rentrée ? Il est quelle heure ? J’ai l’impression d’être sur ces exercices depuis une éternité.

- Il est bientôt vingt heure. Tu n’as pas pris de pause ? Demandé-je inquiète.

- Je n’ai pas vu le temps passer. J’ai dû prendre dix minutes en milieu d’après-midi pour grignoter mais j’ai des tonnes de devoir à faire et je n’en ai pas fini la moitié. Nos professeurs sont complètement fous. Entre les matières générales et les matières professionnelles, je sature. Nous ne sommes qu’en octobre pourtant mais j’ai l’impression qu’ils veulent nous dégouter avant le bac. Vivement les vacances.

- Dans quelques semaines. Je n’ai pas fait les miens aujourd’hui, nous pourrons clôturer tout ça demain matin et partir en balade pour nous détendre avant lundi dans l’après-midi ? Cela te convient ?

- Tu es la meilleure.

Elle ferme son cahier et repose ses stylos, me remerciant avant de partir se doucher. Mon père m’appelle depuis la cuisine, disant qu’il a eu des nouvelles du commissariat. Je parcours la distance qui me sépare de la pièce en courant, impatiente d’en savoir plus. Il y a quelques jours, ils sont allés porter le portrait d’Orion à la police, le déclarant découvert sur leur propriété et après examen vétérinaire, sans puce d’identification.

- Je t’écoute.

- Il n’y a pas de déclaration de vol, ni de perte. Aucune trace de lui.

L’espoir monte en moi comme une flèche, je sens un sourire naître sur mon visage lorsque je regarde celui de mon père.

- Cela veut dire que…

- Que tu peux le garder pour l’instant.

- C’est vrai ?

Je me retiens d’exploser de joie, attendant la suite de son annonce.

- Je préfère te préciser que la police recherche toujours son propriétaire légitime, celui-ci risque une amende pour la détention d’animaux non identifié. Normalement, au bout de huit jours sans nouvelle du gardien, nous serons en règle pour adopter Orion légalement.

- Merci papa.

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