Cacophonie

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Jours et 3 et 4

Le matraquage médiatique continue. Les journalistes s'occupent comme ils peuvent, font d'un rien une affaire d'état : des masques qui manquent, des lotions aseptisantes qui s'arrachent, des gants et tout le reste.
Et surtout, une flopée de messages contradictoires qui me déboussolent. Aller bosser, rester chez moi... Un Président qui voudrait que nous restions tous enfermés entre nos murs, une ministre scandalisée par les réticences de certaines personnes qui se croient sincèrement en danger, un autre ministre qui voudrait que les entreprises se fendent d'un billet de 1000 balles pour remercier les courageux qui vont au charbon malgré les risques... La vie des courageux ne vaudrait donc pas plus que ça ? Et encore, parce que les primes seraient libres de toute taxe et impôt ?
Quelle maladresse, non ? Le pragmatisme aveugle de ces gens finira bien par les rendre odieux à tous, même aux plus indulgents. Ce sont pourtant des pères et des mères, eux aussi. A force de communiquer, à force de se prêter au jeu à double tranchant du responsable paternaliste et protecteur, ils prennent l'énorme risque de se décrédibiliser et d'échouer dans leurs efforts, fort louables, d'empêcher la propagation de la panique dans le pays.
Cacophonie à tous les étages.

Tous les salaires sont garantis, mais les premières mauvaises surprises arrivent, par le biais de SMS qui expliquent que, pour être pris en charge par l'Etat, tout une série de conditions d'honorabilité financière et fiscale font déjà un premier tri parmi ceux qui pourront effectivement demander de l'assistance... Toutes les informations se percutent, balancées dans le plus grand désordre. Les médecins, les chefs de service des grands hopitaux parisiens répètent inlassablement que pour écourter la mise en quarantaine qui frappe, il est définitivement impératif de se cloîtrer chez soi, de ne sortir que sous la contrainte nécessaire du pissou du clébard, de l'achat des croissants du matin, que les masques sont inutiles, que les dépistages le sont aussi, que de toute façon presque toute la population se retrouvera in fine touchée par le virus et que les moins veinards rendront leur peau et leur âme pour un monde qui ne pourra, de toute façon, qu'être meilleur que le nôtre.

La phrase est longue et pénible à lire, n'est-ce pas ? Je vous comprends. Elle est comme cette incessante litanie de messages médiatiques qui me rappellent à chaque instant que je dois me laver les mains, me moucher, rester à distance des miens, des autres.

L'insouciance d'une minorité qui joue encore les gros bras, la sévérité inflexible des spécialistes qui s'alarment à grand renfort de mots durs et définitifs, les menaces d'un super flic qui prévient qu'il sévira avec la plus grande rigueur, des pneus parisiens qui sont crevés sur les plages atlantiques. L'Italie pleure ses morts, maintenant championne du monde des victimes, presque loin devant la Chine, les Ricains qui commencent à comprendre qu'ils seront touchés, eux aussi. Et les pays nordiques qui jouent la carte de l'infection généralisée.

Quatrième jour d'enfermement.
Je vais couper ma télévision, au moins me tiendrais-je à distance respectable de ces viro-journalistes qui empoisonnent tout ce qu'ils voient pour alimenter l'indigence de leurs reportages : les décomptes des victimes se font un peu plus lourds à chaque fois, la quantité de celles et ceux qui sont "partis" augmente, visiblement pas assez vite pour les présentateurs puisqu'ils globalisent maintenant les sommes et les pourcentages pour rendre la crise encore plus dramatique.

Et puis ces gens qui, une pandémie durant, se torcheront le cul avec les montagnes de papier-cul qu'ils se sont achetés, parfois à grands coups de poing dans la gueule...

Le monde n'est pas malade du Covid 19. Non, le monde vire un peu dans la folie. La peur envahit et embrume les esprits des plus enclins à croire que la fin du monde est en route. Que faut-il comprendre du comportement de ces personnes très inquiètes, pas encore affolées, qui restent persuadées que cinq kilos de sucre en plus dans les placards permettront de passer l'épreuve ? Comment les blâmer ? La peur de manquer est là, gravée dans les certitudes de ceux qui n'ont pas grand chose et qui redoutent d'être oubliés dans le lot des éternels négligés par la République.

Heureusement, c'est aujourd'hui le printemps. Le soleil est là, indifférent mais réchaufffant l'air encore trop frais pour moi. Il me tarde d'en sentir les effets sur ma peau.
Le ciel est bleu.

Et ça, c'est le seul message positif de ma journée numéro 4 en confinement.

A suivre...

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