Quand j'étais Dieu

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Un délire qui délie la langue. Lire les signes là où il n'y en a pas, dépasser les limites de l'invisible et oser raconter ce qu'on a vu. Ou non. Salader la grammaire, poivrer les idées. Idéalement se faire comprendre mais c'est rare. Un cheval bon marché c'est rare, ce qui est rare est cher, donc un cheval bon marché est cher ? Jusque dans nos chairs, une autre logique, syllogismes et relâchement des associations idéatoires. Certains se ferment, paranoïaques, tandis que d'autres s'ouvrent, dans tous les sens du verbe. La verve facile, volatile, sans loi ni cage. On n'est pas des singes, ou peut-être que si. Macabre matraquage qui tambourine comme une comptine contre ma raison mise en sourdine. Ah, on mange de la sardine pour midi ? Les heures passent et repassent, à l'endroit et à l'envers. Un autre versant du décor. Mais freine, tu vas trop vite ! Quand plus personne ne me suit, pas même moi-même. Arrêtez cette tempête, que diable, c'est un ouragan ! Je danse en pleine rue, sans tutu mais presque nu. Ca suffit, salsifis ! Je suis l'apôtre de Jésus et je combattrai Satan. D'ailleurs, la fin du monde est proche. Regardez, j'ai gravé le compte-à-rebours sur mes poignets.

Je n'ai pas la clé de ma propre chambre, ils l'ont avalée pour que je m'isole. Camisole chimique et abolition de la concentration. Je perds mes mots, ils me volent mes idées. Et d'abord, c'est qui lui, le docteur ? Non ? Non ? C'est moi ? Oh, j'y comprends plus rien ! Oui, on va faire la piqûre. Ah non, pas les aiguilles, comment je vais savoir l'heure moi si vous les piquez ? Mais bien sûr que tout va bien se passer. J'ai changé l'eau en vin il y a un instant, regardez mon plateau-repas si vous ne me croyez pas. Heu, certes, je n'ai rien mangé mais j'ai dégueulé toutes vos p'tites pilules de couleur alors vraiment pas faim. La nourriture est bleue, bleu comme le cyanure. Moi ma couleur préférée c'est la baleine. J'ai de la peine... à parler. Je cherche... je sais plus trop... quoi. Je voulais dire... les médisants-comment... m'assomment.

Réveil pâteux au beau milieu d'une nuit farinée. C'était bien quand je volais avec les autres oiseaux. Oiseau rare, l'oisiveté c'est cher ? Désir d'un peu de loisir, la bibliothèque est en pagaille parce que je baille trop souvent mais je me suis porté volontaire pour la ranger, peut-être que ça arrangerait mes affaires. Tiens, la poignée est cassée. Bon, je retourne me coucher. La bibliothèque ? J'ai quelque chose à y faire ? Bof, ça attendra demain. Je suis tellement fatigué que je vois flou de toute façon. La société façonne bien ses fous. Fou rire. Ces oiseaux sont tellement drôles à pencher la tête d'un côté puis de l'autre. La pendule s'est arrêtée puisque le temps n'existe plus, je l'ai renvoyé. J’aimerais bien renvoyer le cameraman aussi, on ne me donne jamais un rôle à la hauteur de mon talent et le cadrage est aussi mauvais que le scénario. J'ai décidé qu'hier j'arrêterai le cinéma. Je me demande d'ailleurs pourquoi la chambre est si pauvre. Juste une table et un lit, fixés au sol de surcroît ! Moi, le Gardien de la Sainte Croix, j'ai les moyens de me payer un meilleur hôtel.

L'espace d'un clignement de paupières, le jour s'est levé. C'est l'un des nombreux dons que me confèrent la divinité. N'ai-je pas dit que j'avais renvoyé le temps un peu plus tôt ? Je suis le Chronos des temps modernes.

Pouah, mais qu'est-ce qu'ils ont mis dans le jus d'orange ?!

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