3.3 Trahison
Les rebelles attendent une information capitale. Un contact doit leur remettre les plans mis à jour de la prison où Inès et Déborah sont captives. Un rendez-vous est pris dans une maison close. Chen, Rudolf, Gaël, Diego, Lou et Renée sont chargés de prendre contact. Les filles se font passer pour des Deltas perverses, elles passent de fausses laisses aux garçons et rentrent dans la maison close. Elles se posent dans une alcôve et observent la salle, les garçons assis au sol à leurs pieds. Ils regardent partout et cherchent leur indic.
Soudain, deux femmes s'approchent. Une d'elle est masquée. Elles sont habillées de tenues faites de lacets de cuir et de drapés. Un jeu de tissu qui dévoile et recouvre leur corps. Impossible de savoir comment elles sont vraiment foutues. Toutes les deux coiffées de nattes très serrées. Celle qui n'est pas masquée commence à parler aux filles. Elle veut savoir le prix pour passer du temps avec Chen. Lou lui dit qu'il n'est pas à louer et essaye de la faire partir.
— Si on ne peut pas lui causer en tête-à-tête, est ce qu'on peut au moins le nourrir ? Ma copine est une fétichiste de la bouffe.
Lou est paniquée. Chen déteste se faire toucher, mais si elle refuse encore, elle va attirer les soupçons. La demoiselle masquée s'est fait apporter un plateau de fromage et de charcuterie. Chen fait un signe discret à Lou pour lui dire que ça ira. S'il suffit de manger, il arrivera à supporter. La demoiselle masquée s'assoit près de lui tandis que son amie donne une liasse de billets à Lou en panique.
La jeune femme au visage dissimulé fait manger du jambon à Chen, puis coupe un morceau de fromage. Un gros morceau de fromage. Chen a la bouche pleine et ne peut plus parler. Elle s'approche de son oreille et lui murmure dans le creux de son lobe.
— Plus ça pue, plus c'est bon, hein Chen ? Devine qui s'est enfui de prison. Chuuuuut, ne fait pas de bruit. Vous avez été trahi. Votre contact ne viendra pas. Il faut que vous fuyiez vite. Vous n'avez pas assez d'armes et ni de moyens de vous défendre. Des soldats vont arriver dans pas longtemps pour vous arrêter. Aie confiance en moi. Je vous protégerais et je libérerais les esclaves ici présents, mais vous ne devez pas vous battre. Il faut vous enfuir vite. Ok ?
J'ai aussi besoin que tu me rendes un service Chen. Rends toi seul sur la place des Horloges de cette ville, au building 4, troisième étage, appartement 2. Là-bas, tu trouveras une femme blessée. Je te demande de veiller sur elle et de l'amener à Irène ou Igor. À eux et personne d'autre. C'est important. Tu es le seul ce soir en qui j'ai confiance. Tu veux bien me rendre ce service ? Tu me promets de veiller sur elle jusqu'à ce qu'elle soit avec Irène ?
Chen écarquille les yeux. Une seule personne lui disait ça. Une seule personne connaît son fromage préféré qu'il a en ce moment en bouche. Une seule personne lui a appris que manger du jambon sec juste avant décuplait le goût de ce fromage. Une personne qui devrait être en prison. INES. Tandis qu'elle lui susurre ses paroles à l'oreille, il ne peut s'empêcher de poser ses mains dans son dos et sur ses cuisses. Il voudrait la garder auprès de lui. Il ne peut pas parler, juste secouer la tête pour accepter les demandes et la toucher pour lui faire comprendre combien elle lui manque.
— EEEEh la morveuse. Arrête de te faire tripoter. On a encore du taf, s'exclame l'amie.
Inès part déjà et Chen n'a pas pu placer un mot. Elle et sa copine se dirigent plus loin. Elles dansent lascivement l'une contre l'autre en surveillant la salle. Chen s'empresse de répéter à ses amis la trahison du contact. Ils avaient tous compris qu'il y avait un souci en voyant Chen toucher une femme volontairement et de manière aussi prononcée. Quand Chen annonce à Rudolf et Gaël que c'est Inès qui est là, ils sont médusés. Les rebelles hésitent un instant. Inès n'a jamais fait de mal à leurs troupes. Elle les a toujours protégés.
Ils s'apprêtent à lui obéir et à partir quand une vingtaine de femmes soldats débarquent avec des armes à feu et tirent en l'air. Elles hurlent à tout le monde de se mettre en fond de salle. La salle se met à crier. Profitant de la panique, Inès et son amie se rapprochent des rebelles.
— Ne bougez pas. N'intervenez pas. Vous nous gêneriez. Nous sommes des soldats d'élites. Elles ne sont pas assez nombreuses. Nous les maîtriserons vite. Restez cachés. Ayez confiance. Dès qu'on aura la situation en main, sortez et récupérez les hommes. Un autobus vous attend dehors. Voici les clés.
Inès donne un trousseau à Renée et la pousse vers le fond de la salle avec les autres. Tout le monde recule. Seules cinq soldats ont des armes, ce sont les gradées. Les autres ont juste des bâtons d'électrocutions. Les rebelles voient Inès et son amie observer attentivement les troupes de soldats et se séparer. L'amie cache son visage sous un masque. Inès se place en plein milieu de la salle et s'avance. Les rebelles sont prêts à se battre, cependant, ils restent calmes.
Inès a raison. Ils sont moins nombreux, ils n'ont pas d'armes et sont entourés de personnes innocentes. Cela pourrait vite se transformer en massacre. Les rebelles ignorent les intentions d'Inès et de son amie. Toutefois, s'il y a une chose dont ils sont sûrs, c'est qu'Inès sait se battre et est très intelligente et stratège. Elle leur a demandé de rester sages, ils obéissent par confiance en elle.
— Recule connasse. T'es qui pour contester les ordres des soldats d'Alpha Célia ? Dégage, vocifère une soldate.
Inès se met à rire. Elle retire son masque. Ses gestes sont lents et méthodiques. Rudolf comprend qu'elle attire l'attention des soldats pour que sa copine se place au bon endroit. Inès a un plan, c'est certain. Il n'a aucune idée de ce qu'elle a en tête , cependant, il sait qu'elle et son amie savent très bien ce qu'elles font.
— Qui je suis petite soldate d'Alpha Célia ? Je suis Inès, Suprême Inès et je vais toutes vous neutraliser en commençant par toi puisque tu es la plus gradée.
Inès a toute l'attention des soldats. Les cinq gradées sortent leurs armes. Inès et son amie s'élancent. En quelques secondes, avec la vitesse et la souplesse de deux chats, elles frappent les bras armées puis la gorge de la femme et des quatre autres gradées qui tombent à terre en suffocant. Les quinze autres femmes se précipitent. Tels des chats sauvages, Inès et son amie bondissent dans tous les sens. Elles ont récupéré les armes des gradées lorsqu'elles les ont neutralisés.
Elles utilisent les objets métalliques pour assommer les femmes qui accourent. Leurs tenues semblent anéantir les effets des bâtons d'électrocutions. Le niveau est inéquitable. Inès et son amie sont vives, souples et efficaces. Une technique de combat jamais vu avant. Les rebelles sont fascinés tout en s'inquiétant de l'issue du combat. En quelques minutes, toutes les soldates sont à terre. Inconscientes ou les mains attachées par leurs propres menottes. Inès et sa copine se marrent devant le spectacle. Elles ont mis les armes à leur ceinture.
— Bon les dépravées, vous avez deux solutions. Soit vous finissez comme celles par terre, soit vous relâchez vos hommes de bon cœur et aucun mal ne vous sera fait. Messieurs et jeunes Zêtas torturés, veuillez vous avancer. Mon amie ici présente va déverrouiller vos bracelets tandis que je surveille les pouffiasses. Ensuite, vous suivrez ces deux jolies demoiselles qui font partie de la résistance et qui vous amèneront en lieu sûr. N'ayez pas peur. Le cauchemar est fini.
Inès se place en hauteur et scrute la salle. Une reine sur un piédestal. Elle s'impose, calmant par sa position et son regard le peu de volonté de contestation des Deltas présentes. Son amie sépare hommes, Zêtas et dépravées. Très vite, les esclaves sont tous libres et se regroupent près de Lou et Renée. Chen essaye de parler à Inès. Elle lui ordonne de partir.
— File. On n'a pas beaucoup de temps avant que les renforts arrivent.
— Inès. C'était pour une mission. Elle m'a juste tenu la main. Rien de plus. Il n'y a que toi. Il n'y aura jamais que toi. Inès, crois moi. Je...
Inès pose son doigt sur la bouche de Chen et lui donne une arme.
— Tais-toi et dégage. Le reste des troupes va arriver. Tiens ta promesse et ramène mon colis. C'est très important. Dégage maintenant.
Inès s'éloigne. Elle récupère les bijoux et passe son bracelet sur celui des Deltas. Elle place les bijoux et l'argent liquide dans un grand sac puis elle le jette à Chen.
— Mesdames, Rappelez vous. Je suis Suprême Inès et je vais défoncer la face d'Alpha Célia. Dites lui bien que c'est moi qui ai neutralisé ses troupes, volé les hommes et Zêtas de cette salle et piquez tout votre fric. INES, SUPRÊME INES. Rappelez-vous bien. Surtout vous les soldats que j'ai épargnées. Dites lui qu'un soldat d'élite comme moi a massacré ses endoctrinées. Je suis 98. Je suis la Suprême auquel vous devriez obéir d'après les préceptes de la génétique. Dites le à vos camarades chair à canon. J'aurais pu vous tuer sans effort. Je vous ai épargnées parce que je respecte la vie. Obéissez-moi ou vous périrez.
Inès saisit la main de Chen. Elle et son amie se mettent à courir dehors. Un autobus est présent. Renée et Lou ont déjà fait grimpé les esclaves libérés. Ils n'attendent que Chen pour démarrer. Inès et son amie courent vers deux motos.
— Barrez-vous. Barrez-vous par la sixième et roulez à fond la caisse pour sortir de la ville.
Les deux filles s'enfuient dans la direction opposée en démarrant dans un nuage de poussière. Chen grimpe dans le bus. Diego démarre et file à toute allure. Chen regarde le plan de la ville. Il cherche la place des Horloges. Une fois dehors de la ville, il quitte ses amis et récupère un véhicule. Chen se rend à l'adresse sans rien dire à personne. Il trouve une femme blessée allongée sur un lit avec de la nourriture à proximité et un sac de vêtements. Elle est très faible et peureuse mais semble le connaître. Pourtant Chen ne l'identifie pas. Il la porte à la voiture et la ramène à Igor.
La femme n'a pas parlé tant qu'elle n'était pas en face d'Igor. Elle n'a pas eu besoin de se présenter. Il l'a reconnu de suite. Déborah. Suprême Déborah. Faible, une vilaine entorse à la cheville, mais vivante et libre. Lorsqu'elle voit Igor et Irène, elle fond en larmes. Elle se jette dans les bras d'Irène et leur raconte avoir été enfermée et emprisonnée ses derniers mois. Elle était dans la cellule voisine de celle d'Inès. Elles ont toutes les deux été torturées pour obtenir des informations.
Le bras droit de Déborah l'a trahi et torturée. Très vite, les geôlières comprirent que Déborah ne savait rien. Quotidiennement, elle vit alors Inès subir des coups de fouet, des chocs électriques, être droguée sans qu'Inès ne craque. Lors de la dernière séance de torture, Cassandra fut présente et frappa elle-même sa fille. Les rebelles sont désespérés d'entendre ce récit prouvant l'innocence d'Inès.
Le soir même de la venue de Cassandra, Déborah fut réveillée par Inès et une autre fille. Elles la portèrent à travers la prison sans un bruit et la chargèrent dans une voiture. Déborah fut déposée là où Chen la trouva. Inès lui a juste dit qu'elle lui enverrait des secours très vite, et qu'elle devait partir à la chasse à la salope.
Déborah resta une journée sur les lieux. Chen arriva dans le courant de la nuit. Le récit de Déborah est invraisemblable. Elle a clairement été maltraitée. Son corps en porte les traces. Si Inès avait subi le quart de ce que Déborah décrit, elle ne devrait pas être en état de marcher et encore moins de se battre. Rudolf et Gaël ont décrit à leurs parents le combat qu'ils ont vu et la façon de se mouvoir des deux filles. Chen a confirmé la technique de combat d'Inès, celle qu'elle lui apprenait.
Irène et aucun rebelle n'a jamais entendu parler de combattantes de ce niveau. Trente-cinq hommes et douze Zêtas ont été secourus ce soir. Le bus contient une grande quantité d'argent liquide, de médicaments, de nourriture et de nécessaires de survie dans ses emplacements valises. Les rebelles ont tout fouillé. Aucun mouchard. Ni dans le bus, ni sur les ex esclaves.
Déborah remet un disque dur à Irène. Il s'agit d'une copie de celui de l'ordinateur de Cassandra. Une partie des informations que détenaient Cassandra et d'autres plus compromettantes sur les meurtres de Deltas. Il manque clairement certains dossiers. Irène découvre que Cassandra avait placé des espionnes auprès de plusieurs Alphas. Elle préparait un coup d'État pour renverser Déborah, avec cinq autres Alphas. Sophie, Célia, Katia, Marie, Clara. Les cinq Alpha Tortionnaires. Les Delta assassinées étaient des femmes qui ont voulu informer Déborah de la situation. Cassandra a fait tuer ces femmes. Irène et Igor découvrent un vaste réseau de crime organisé. Vol, prostitution, tortures, meurtres, un réseau géré par Cassandra.
Lorsqu'elle fut destituée par Inès, les cinq femmes reprirent le flambeau, sans avoir toutes les informations. Elles mirent un an et cinq mois à retrouver Cassandra. Maintenant, Cassandra est déterminée à se venger de toutes celles qui l'ont trahi. Inès fournit une liste de femmes, des Deltas principalement, qui ont trahi Cassandra et dont la vie est aujourd'hui en danger. D'autres qui détiennent des informations capitales dont il faut s'emparer.
Les rebelles parcourent la liste. Soudain, Rudolf voit un nom qu'il connaît. Delta Ambre. Son ancienne propriétaire. Elle a fourni des renseignements à Inès et détient des informations dont Cassandra veut s'emparer. Elle est sur la liste prioritaire des personnes en danger de mort. Il décide d'aller lui-même récupérer les informations.
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