scène 6
On sonne. Geneviève et Marie attendent dehors.
Victor
Madame, Mademoiselle, je vous en prie.
Geneviève
Merci Victor.
Victor (à Marie)
Voulez-vous que je porte votre trousse ?
Marie
C'est gentil à vous mais je préfère la garder avec moi, pour l'instant en tout cas.
Victor
Comme il vous plaira.
Geneviève, Marie et Victor entrent dans la salle à manger.
Marie
Je parie que nous sommes les dernières...
Geneviève
Marie, ma fille, je vous en prie.
Marie
C'est vrai mère, si vous perdiez moins de temps à vous maquiller.
Victor
Mais l'attente en valait la peine, elle est resplendissante. Tout comme vous, d'ailleurs.
Marie
Oh mais attendez, je ne suis pas encore maquillée.
Victor
Vous n'en n'avez pas besoin pour être jolie.
Marie
Merci Victor, mais tout à l'heure vous verrez le résultat et je suis sûr qu'il vous plaira.
Victor
J'en suis persuadé.
Geneviève
Puis-je m'asseoir quelques minutes, la conduite m'a fatiguée.
Marie (à Victor)
J'oubliais qu'en plus d'un temps infini pour se maquiller, elle prend un temps fou à se déplacer : vous ne pouvez vous imaginer la patience que je dois déployer quand je reste à ses côtés.
Victor (à Geneviève)
Bien entendu, Madame, je vous apporte une chaise.
Marie (en aparté)
Qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour faire plaisir à ma mère celui-là ? S'il croit qu'elle va lui laisser quelque chose en retour...
Victor va chercher une chaise et l'apporte à Geneviève.
Victor
Voilà, Madame, vous pouvez laisser reposer vos jambes désormais.
Geneviève
Vous êtes un ange Victor.
Victor (baisant la main de Geneviève)
Non, Madame, c'est bien normal : vous êtes le rayon de soleil de cette soirée ; vous brillerez ce soir, comme toujours.
Geneviève (à Victor, à voix basse)
Ce n'est pas l'avis de ma fille, pour elle j'ai cessé de briller depuis longtemps et elle n'attend qu'une chose... Vous vous doutez de laquelle je suppose...
Victor (à Geneviève, à voix basse)
Elle peut attendre encore longtemps dans ce cas, vous êtes une femme résistante.
Geneviève (tenant tendrement les mains de Victor)
Merci beaucoup Victor, vous me redonnez force et courage à chaque fois que je viens ici.
Victor (toujours à voix basse à Geneviève)
Un joyau il faut le protéger, car même s'il est brillant et fort, il peut s'avérer fragile parfois,(silence) c'est la contradiction perpétuelle d'ici-bas. (plus fort) Quoi qu'il en soit je vous souhaite une bonne soirée (regardant Marie) ainsi qu'à vous Mademoiselle, ne pensez pas que je vous ai oubliée, vous verrez il y aura une belle ambiance ce soir.
Marie
Vraiment ? Parce que pour l'instant, on ne s'est guère occupée de moi ; vous chérissez plus ma mère pour l'instant...
Victor
Voyons, Mademoiselle ne va pas être jalouse de sa mère. Vous avez la beauté de votre mère, son intelligence et la fougue de la jeunesse. Que voulez-vous de plus ?
Marie (en aparté)
Que l'on s'occupe de moi.
Marie (se mettant négligemment les cheveux en arrière)
C'est vrai que vous me trouvez belle?
Victor
Je ne le dirais pas si je ne le pensais pas. Vous êtes radieuse. Je suis certain que tous les beaux partis sont à votre cou.
Marie
On peut dire ça en effet. Il y a des jeunes cœurs solitaires à prendre ce soir?
Victor
Des cœurs certes, certains solitaires, d'autres déjà pris.
Marie
Et Valentin, il est libre?
Victor
Je ne devrais pas vous donner cette information, mais sachez qu'il n'a aucune attache en ce moment.
Marie
Bien, très bien même.
Victor
Êtes-vous satisfaite?
Marie
Pour l'instant je suis comblée. Vous pouvez aller préparer le dîner maintenant.
Victor
Mademoiselle ne sait pas que nous avons commandé chez le traiteur.
Marie
Un traiteur, comme c'est original. Vous n'auriez pas pu cuisiner ?
Victor
Je préfère laisser la choucroute aux professionnels.
Marie
Qu'entendez-vous par là. Ne me dîtes pas que nous devons attendre la livraison d'un traiteur qui vient du fin fond de la France...
Victor
L'Alsace n'est pas si loin de la région parisienne.
Marie
Que vous dîtes. Il faut encore quelques heures entre Strasbourg et Paris. J'ai faim moi. Et en plus, il va peut-être se perdre.
Victor
Même en Alsace, ils possèdent le GPS...
Marie (cinglante)
Vous faîtes de l'esprit maintenant. Au fait, j'espère qu'il y aura des amuses gueules au moins.
Victor
Des amuses bouches, Mademoiselle, des amuses bouches.
Victor (en aparté)
Pour les autres du moins, pour vous, on peut les appeler des amuses gueules.
Marie
C'est bien, allez donc préparer vos amuses bouches pour que ceux-ci fondent dans la mienne.
Geneviève
Et non dans votre main.
Victor
J'y vais de ce pas. Mademoiselle tenez bonne compagnie à Madame votre mère.
Marie (ironique)
Je n'y manquerais pas très cher (elle tire une révérence)
Victor (il tire une révérence)
Merci beaucoup de cette attention.
Marie (elle tire de nouveau une révérence)
Tout le plaisir est pour moi.
Victor sort.
Marie
Enfin parti, j'ai cru qu'il ne partirait jamais. Avec ceci, il n'a même pas répondu à ma question : sommes-nous les dernières?
Geneviève
Et qu'est-ce que cela peut faire ? De toute façon, comme tu l'as si bien fait remarquer, nous sommes obligées d'attendre le traiteur. Alors savoir si oui ou non nous sommes les dernières...
Marie
C'est important pour moi, mère. Il faut que je sache si, à cause de vous, je suis encore la dernière...
Geneviève (légèrement irritée)
Il ne faudrait pas que tu rejettes tout sur ma faute. J'ai certes commis des erreurs avec toi, mais tu n'as pas voulu apprendre de tes erreurs ni des miennes. Il serait temps que tu contrôles ta vie au lieu de ressasser le passé ; l'avenir est devant toi, pas derrière.
Marie
Tout à fait d'accord avec vous Mère. L'avenir est peut-être à ma porte car parmi les benêts de la haute société que vous m'avez présentés, il y avait une exception.
Geneviève
Je n'étais pas au courant.
Marie
Et vous croyiez peut être que je vais vous dire que parmi l'un des nombreux prétendants que vous m'envoyez, il y en avait un qui me plaisait assez bien. Je vous aurais fait trop de plaisir et après tout le mal que vous m'aviez fait...
Geneviève
Et je suis sûre que tu n'as plus jamais eu de ses nouvelles.
Marie (large sourire)
Détrompez-vous, je le revois quelquefois et je vais le revoir plus vite que vous ne le croyez..
Geneviève
Eh bien, tant mieux alors, tu vois, je ne suis pas si mauvaise que ça...
Marie
Ne croyez pas que parce que vous m'avez présentée une personne potable, que ça fait de vous une bonne mère... En plus, c'est un peu du hasard avec lui...
Geneviève
J'ai peur de ne pas comprendre.
Marie
Ce n'est pas grave, j'ai l'habitude. J'ai besoin de prendre l'air.
Marie se rapproche de la sortie.
Geneviève
Où est ce que tu vas ? Tu ne vas pas me laisser seule tout de même?
Marie
Je vais me gêner tiens. A tout à l'heure. Si vous êtes fatiguée, appelez Victor, il vous montera dans une des chambres de cette maison. Il n'en manque pas ici.
Marie sort
Geneviève
Me voici seule maintenant. Je suis fatiguée, je pense que je vais monter me coucher. J'ai besoin de repos...
Geneviève (appelant Victor)
Victor, si vous m'entendez pouvez-vous venir?
Aucune réponse
Geneviève (plus fort)
Victor, s'il vous plaît, j'ai besoin de vous.
Victor arrive dans la salle à manger
Victor (nerveux)
Excusez-moi, Madame, j'étais dans la cuisine.
Geneviève (conciliante)
Détendez-vous Victor, je peux attendre quelques minutes ; je ne suis pas en verre...
Victor (se calmant)
Que puis-je faire pour Madame?
Geneviève
J'aimerais monter me coucher...
Victor
Madame ne se sent pas bien?
Geneviève
Cela va passer, c'est juste un peu de fatigue.
Victor
Vous êtes sûre d'aller bien? Vous me semblez un peu pâle.
Geneviève
J'ai quelques tensions avec ma fille en ce moment. Ce n'est pas toujours facile d'être mère.
Victor
Vous faites du mieux que vous pouvez, ne culpabilisez pas. Malgré les airs qu'elle se donne, votre fille vous aime.
Geneviève
Vous êtes si prévenant avec tout le monde. (en riant) Il faudra penser un jour à vous marier.
Victor
Madame sera la première invitée.
Geneviève
Ce sera avec grand honneur. En tout cas, vous avez réussi à me faire sourire. Merci pour le temps que vous me consacrez.
Victor
Le temps suspend son vol quand nous sommes à vos côtés.
Geneviève
Si seulement c'était vrai, s'il avait voulu s'arrêter lors des premiers instants avec le père de Marie. Quels délicieux moments j'ai passé...
Victor
Ceux-ci resteront gravés à tout jamais avec vous, rien ne pourra enlever ces merveilleux instants de bonheur, et de ceux-ci, il reste une preuve vivante.
Geneviève
Vous avez raison Victor, je n'ai pas de raison de me plaindre ; j'ai vécu tellement de Bonheur dans ma vie que je peux bien franchir quelques difficultés. En attendant, si vous le permettez, j'aimerais que vous m'aidiez à m'installer dans une des chambres comme me l'a si gentiment proposée Marie. Je dois être en beauté pour ce soir, et pour y parvenir, quelques minutes étendues me procureront beaucoup de bien surtout après vos si belles paroles.
Victor (proposant le bras à Geneviève). Geneviève le refusant
Geneviève (faussement fâchée)
Je peux encore me lever toute seule.
Victor
Je ne voulais pas prétendre le contraire.
Geneviève
Je le sais bien, je voulais juste vous taquiner.
Victor
Si vous permettez que je prenne votre bras, maintenant que Madame est prête.
Geneviève
Avec plaisir, Monsieur, conduisez-moi à ma suite.
Victor
Que Madame me suive
Victor emmène Geneviève par le bras et sortent de la salle à manger.
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