Chapitre 28 : Le temps des accolades.

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Depuis le grenier où Alex prenait soin d'entretenir sa grasse matinée, ce dernier n'entendit pas le tintouin des retrouvailles entre sa mère et ses anciennes amies. Celles-ci se déroulaient dans une autre annexe de la maison.

Il était encore allongé sur le ventre, la tête enfouie dans l'oreiller et la couverture tombant au milieu de son dos nu, quand les vibrations de son téléphone le sortirent de son sommeil. Dans un premier temps, somnolent, il n'y prêta pas attention, mais bientôt, il devint fou en entendant les notifications sonner l'une après l'autre.

  • Putain ! jura-t-il en empoignant son téléphone sur sa table de chevet.

Alex le ramena aussitôt à hauteur de son visage.

Dans la pénombre, due aux larges tentures qui entouraient tout le mur arrondi de sa chambre, la lumière de l'appareil lui ruina les rétines. Dès qu’il récupéra sa vision, il entreprit en premier lieu de répondre à Faye, rêvant de l’avoir dans ses bras plutôt que par wifi. Malgré les hauts et les bas qu’ils vivaient ces derniers temps, car ils se disputaient de plus en plus souvent, il divaguait au simple fait de l’imaginer. La jalousie était la plupart du temps au cœur de leur conflit. Evidemment, Alex se savait beau garçon et de par son vécu avec les filles, il comprenait ses élans de possessivité. Lui-même ne supportait pas la voir trop proche de certains garçons, notamment à cause de son vécu à elle. La drogue, les soirées arrosées, la passion entre eux deux, il lui arrivait d'avoir peur qu'elle replonge et qu'elle vive cette fougue avec un autre. La différence entre leurs caractéres, c'était qu'Alex revenait rapidement sur terre. Il arrivait à dissiper ses doutes, constatant au jour le jour qu'ils ne pouvaient se détacher de l'un et de l'autre, mais avec Faye, tout était excessif. Peut-être un peu trop. Autant les rires que les cris. Il en allait de même pour leurs moments de tendresse, ainsi que leurs accrochages. Voilà comment fonctionnait leur couple depuis un an et demi : ils se tiraient la tête autant qu’ils ne se savouraient.

Il se délectait de ses messages quand le dernier l'interpella : "Babe, devine quoi… Selim m'a dit que Katerina était chez toi !"

En ni une, ni deux, il quitta la conversation pour se réfugier dans celle avec son meilleur ami qui lui confirmait ses dires : "... Elle devait lui parler d'un truc et du coup elles se rejoignaient chez toi. J'ai vraiment trop du mal à les imaginer, mec. Faut absolument que tu me dises comment ça se passe !"

Cette nouvelle eut bon de le réveiller.

La suite, davantage.

Il se frotta les yeux, en se relevant difficilement, d’un seul appui, la coiffure en pagaille, pour lire la suite : "Ma mère m'a dit qu'elle rejoignait ses "copines" aujourd'hui, elle ne serait pas chez toi, par hasard ?", lui avait demandé Loyd.

Dès lors assis au bord de son lit, les pieds au sol, Alex passa une main sur son visage. Il soupira un grand coup. Sky aussi l'avait contacté : "Dis-moi si Loyd à raison et si elles sont chez toi...", telle une menace. Ils s’étaient passé le mot.

Quand il se leva, le téléphone dans son poing, et qu’il y sentit une énième vibration, Alex perdu son sang-froid :

  • Mais putain foutez-moi la paix !!!! C’est quoi ça encore, grogna-t-il.

Cette fois, l’envoyeur n’avait rien d’un Richess, surnommé “le chintok” dans son répertoire. Vu les circonstances, il pria tous les dieux rassemblés pour que Steve ne lui ait rien envoyé en rapport avec la vraisemblable réunion de leurs mères. Il ouvrit le lien vers une photo à contre-cœur. Alex devint d’abord livide. Ça y est, il recommençait. Les flammes de l’enfer se dégagèrent de sa svelte silhouette lorsqu’il analysa la tête de cet imbécile bridé. Celui-ci lui présentait un doigt-d’honneur, la bouche en cul de poule. Depuis quelque temps, mais surtout depuis qu'il avait dégoté son numéro de téléphone, Steve ne s'arrêtait plus de le taquiner avec ce genre de photos. Dès qu'une autre suivit, où cette fois, l’Asiatique lui offrait un clin d'œil depuis le trône, intitulé d’un : “Tu me manques, mon canard”, une veine se dessina sur le front d’Alex.

  • Je vais le buter.

***

Le doigt sur la sonnette, agité à cause du stress, Blear éprouva une légère difficulté à y déposer une pression. Elle n’en revenait pas elle-même de se trouver dans un tel état, minuscule vis-à-vis de l’immense demeure de Marry. Il n’y avait pas lieu de se sentir aussi anxieuse et pourtant son estomac lui jouait des tours. Il se tordait, à la fois à cause de la peur et de l’excitation de revoir ses copines.

Serait-elle bien accueillie ? Ce genre de questionnement n’avait cessé de se mêler à son esprit sur le chemin en voiture. Au fond, Blear savait que tout se passerait bien, mais il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus retrouvé des amies. De son temps d’adulte, ce fut un plaisir quel avait dû abandonner et auquel elle n’osait même pas penser.

Alors, comme une adolescente, avec l’impression d’avoir été invitée à une fête d’anniversaire où elle ne connaissait personne - ce qui était faux - elle rassembla tout son courage pour appuyer sur le petit bouton qui l’effrayait jusque-là. Blear eut à peine le temps de respirer qu’elle entendit des bruits sourds venant de l’intérieur. Elle se douta qu’il ne s’agissait pas d’un majordome, au vu du boucan qui en ressortait.

De la porte qui s’ouvrit en grand, Marry apparut, plus ensoleillée que jamais :

  • Blear !

Elle eut à peine le temps de répondre à son exclamation, qu’elle se fit emporter dans le hall, prise dans un tourbillon de câlin. Blear s’accrocha à son dos, acceptant instinctivement l’élan d’amour qui lui retira instantanément un poids du cœur. L’étreinte dura le temps de plusieurs tours où les deux femmes décollaient du sol difficilement à cause de leurs talons. Une fois arrêtée, la blonde, dont la chevelure scintillait autant que son sourire, attrapa son visage entre ses paumes :

  • Que tu es belle, la complimenta-t-elle, émerveillée de la retrouver en la zieutant de haut en bas. Oh. Par contre, ce jean… C’est non, déclara-t-elle avec un recul, montrant son mécontentement envers le vieux vêtement.
  • Je te remercie, pouffa-t-elle discrètement, non pas vexée, mais amusée de sa franchise légendaire.

Un instant, elles échangèrent un regard complice. Après avoir levé les yeux au ciel, Marry la tira dans sa direction.

  • Viens. Je vais te montrer le salon principal. Katerina, nous y attend.

Tout était normal. Elle se laissa alors porter par la fougue de Madame Stein. Extatique, celle-ci resplendissait dans un ensemble clair, tout à l’inverse de Katerina qui avait opté pour des couleurs plus sombres avec un tailleur noir. Cette dernière sublimait le fauteuil en cuir dans lequel elle était installée, les jambes croisées. Katerina restait toujours sobre, mais extrêmement féminine. Cette pointe de sexy qu’elle portait avait conquis son amie dorée. La blonde s’en approcha rapidement.

  • Bien. Tu as été un bon chien, l’enquiquina-t-elle en tapotant le haut de sa tête.

Après l’avoir promptement chassé, Katerina se leva pour saluer Blear, son expression se détendant à mesure qu’elle la retrouvait. Ensemble, elles n’avaient pas toujours été tactiles, mais l’accolade dura. Si celle de Marry avait réussi à la mettre à l’aise, celle-là lui permit de se sentir entre de bonnes mains.

  • Tu vas bien ? lui demanda Katerina droit dans les yeux, compatissante de ce qu’elle lui avait avoué au téléphone et en maintenant son contact.
  • Ça va, lui sourit-elle doucement. J’ai… pas mal à vous raconter.
  • Alors, assis-toi, l’invita-t-elle.
  • Hey. C’est ma maison, s’outra Marry en les suivant dans leur mouvement, les bras croisés.
  • Elle est sublime, d’ailleurs.

Blear constatait à quel point la demeure de sa copine lui collait à la peau.

  • Tu n’as encore rien vu, se réhaussa-t-elle, fière. Je t’en ferai faire le tour plus tard. Alors…

Quand Marry joignit ses mains sur son genou, elle découvrit dans les yeux de Blear un peu de gêne due au silence qui s’installa doucement. Celle-ci, non pas guindée, mais prise par de nombreux sentiments, ne trouva pas les mots justes. Cela faisait tellement longtemps qu’elles ne s’étaient plus toutes vues. Elles ne pouvaient faire autrement que de s’observer dans le calme, de petits rires naissant avec leurs sourires.

“Ding Dong”

  • Ah ! Voilà Eglantine. Bon sang, je viens de m’asseoir, fit Marry en se préparant à se relever.

Elle se figea au milieu du salon en entendant la porte du hall claquer.

  • Ne me dis pas qu’elle…

En même temps qu’elle fixa l’arcade ouverte qui menait au salon, une silhouette apparut soudainement dans son champ de vision. Eglantine émit un long cri en découvrant ses copines l’une à côté de l’autre et se mit à sautiller sur elle-même, ses longs cheveux ondulés rebondissant par la même occasion. Elle avait tout d'une pile électrique.

  • Aaaah, salut les filles ! Je suis trop contente de vous revoir ! Comment vous allez ? s’invita-t-elle au milieu de la pièce, venant saluer Marry en première.
  • Tu es rentrée par la porte… ? l’arrêta-t-elle d’un geste.
  • Par où d’autre ? répondit-elle du tac au tac, ses grands yeux bleus plein d’étoiles.
  • Mais tu aurais pu attendre que je vienne t’ouvrir !!
  • Yaaah, mais j’étais trop impatiente de te revoir ! s’exclama-t-elle en lui sautant dans les bras et en écrasant sa joue à la sienne.

Toute secouée, Marry ne put seulement que rire en retour. Elle fut même bluffée de découvrir Eglantine aussi enjouée. Cette dernière ne se fit pas prier pour se jeter sur Katerina dans le fauteuil qui la réceptionna avec surprise.

  • Tu m’as trop manqué, s’en alla Eglantine. Vous m’avez toutes trop manqué, rectifia-t-elle ensuite en les regardant chacune avec tendresse.
  • Ahahah, moi aussi tu m’as manqué, lui répondit Katerina qui avait un sourire jusqu’aux oreilles.
  • Waw, ton tailleur est magnifique, il te va à ravir, dit-elle en se relevant pour la détailler et en la tenant par le bout des doigts. Je connais une boutique où les modèles devraient te plaire également. Je t’en parlerai plus tard. A toutes, si ça vous intéresse, mais…

Elle se tourna pour s’attarder sur Blear qui la regardait avec de grands yeux ronds. Comme les deux autres Richess, elle fut saisie de l’énergie dont Eglantine faisait preuve. Elle avait forcé le passage dans la demeure des Stein, telle une tornade de bonheur. Face à Blear, elle se calma. Celle-ci lu dans ses yeux une immense nostalgie quand elle s’assit à ses côtés, ses talons se dérobant sous sa longue robe.

  • Je suis tellement heureuse de pouvoir te revoir dans ces conditions, dit-elle en débordant d’émotion. Sans que ce soit une réunion pour régler des comptes… et retrouver mes copines pour papoter de tout et de rien. Merci de m’avoir appelé Marry, se tourna-t-elle vers la concernée.
  • Ça aurait été une honte que je ne t’appelle pas.
  • Il n’empêche que je l’ai suggéré en première, tint Katerina à le faire remarquer.
  • Ne vous bagarrez pas, répondit-elle avec joie. Alors, revint-elle à Blear en attrapant ses mains d’un air plus sérieux, si j’ai bien compris, tu vas divorcer de John ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Dis-nous tout.
  • C’est moi l’hôte de maison, alors c’est moi qui devrais poser les questions, fit Marry en s’installant aux côtés de Katerina qui leva un sourcil en l’air pour l’embêter.

Tandis que les deux femmes se faisaient gentiment la guerre, Blear serra la main d’Eglantine pour la remercier de toute l’attention qu’elle lui portait. Elles les remerciait toutes de simplement se montrer présentes, car autrement, elle n’aurait jamais su vers qui se tourner. Après l’accueil chaleureux de Marry et Katerina, ce fut grâce à la douceur de la tendre Richess qu’elle réussit à se livrer avec aisance.

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