Chapitre 42 : Le souffle des histoires.

16 minutes de lecture

Le manoir Hodaïbi portait son nom à merveille, pour la simple et bonne raison qu’il appartenait à Katerina. Le bâtiment ne lui venait pas de ses parents. Dès ses premiers pas dans le monde du travail, elle avait veillé à posséder sa propre maison. En aucun cas, elle ne regrettait le temps et l’argent investi dans ce bijou : le sien, de fond en comble. Elle eut au moins l’esprit tranquille à ce sujet lors de son divorce. Katerina garderait sa maison coûte que coûte. Personne ne la lui prendrait, sauf peut-être son fils en temps voulu, mais surtout pas ses parents ou son ex-mari. Pour le peu que ce dernier s’y était impliqué… Avec le recul, elle s’était rendue compte qu’Armin avait fait passer son manque d’investissement pour de la gentillesse. En “gentleman”, il l’avait laissé gérer toute la décoration. Ils auraient pourtant pu mettre la main à la pâte ensemble… Il n'en était rien, autrement que pour des détails. À défaut, le manoir lui appartenait complètement.

Depuis sa pièce fétiche, elle s’observait minutieusement, jouant de ses doigts pour faire de sa longue chevelure une natte épaisse. Cette salle de bain avait été construite afin d’augmenter le confort de l’ancien couple, étant reliée à leur chambre. Pour sa part, Katerina adorait flâner après le bain ou la douche, cette dernière venant tout droit d’Italie. Cela n’avait pas été chose aisée de l’exporter depuis le pays d’origine. Il en allait de même pour les meubles. Ceux-ci étaient massifs, en chêne, leur couleur brune ressortant dans la pièce qui était sombre. Elle avait opté pour des carrelages d’un noir ardoise aux murs et au sol. Le tout était aussi ténébreux que son apparence, mais aussi chaleureux que sa personnalité. Elle s’y plaisait à merveille, moulée dans un ensemble de pyjamas. Armin n’avait jamais compris pourquoi elle aimait y passer autant de temps. Ce n’était tout simplement pas son truc de traîner après la douche, à son désavantage… Peut-être que s’il avait participé à ces moments de détente, ils auraient pu se réchauffer tous les deux sous l’eau vaporeuse. Cela la fit réfléchir.

Comme justification à ses tromperies, son ex-mari lui avait balancé à la figure qu’il n’y avait plus de synergie entre eux, mais Katerina ne l’avait jamais rejeté d’une quelconque manière. Elle avait même laissé des portes ouvertes, mais sans doute qu’à force que ce soit toujours comme lui le souhaitait, elle avait pris de la distance. Plus le temps s’était écoulé, moins ils s’étaient rencontrés. Il n’avait jamais cherché à la questionner ou à tester de nouvelles choses. Katerina aurait pu lui faire part de ses envies, mais s’éloigner avait été l’option la moins contraignante.

Le teint réchauffé, elle fixa la douche un instant. Elliot s’était occupé de rendre hommage à la fortune dépensée en ces lieux, la créativité ne lui manquant pas. À quoi pensait-elle ? Alors même qu’il y avait quatre adolescents dans sa maison, dont trois qui ne lui appartenaient pas. Ce dernier leur tenait compagnie au rez-de-chaussée. Ils devaient bien s’amuser, car elle entendit du boucan depuis le deuxième étage. Les rires se précisèrent au fur et à mesure qu’elle descendit les escaliers. Rafraîchie, elle se sentit davantage légère en trouvant ses invités dans la cuisine, en pleine expérimentation culinaire, de la musique forte en guise d’énergie.

Selim était déchaîné :

  • Samba !

Il jouait de ses épaules, dansant, le tout dans une tenue décontractée. Faye le suivait dans son délire, des cuillères en main et sa chevelure ramenée en une queue volumineuse. Ils se charriaient tandis qu’Elliot débutait un bamari. L’odeur du chocolat envahit la pièce et donna à sa fille l’envie alléchante d’en récupérer avec son doigt autour de la casserole. Aussitôt, il attrapa un essui de vaisselle pour lui fouetter les fesses :

  • Aïe ! Mais papa !!
  • Plutôt que de danser et te goinfrer, sors-moi la glace !
  • Grah, mais c’est trop bon… He, attends… Pourquoi tu ne lui dis rien à lui ? fit-elle référence à Selim dont le visage devint coquin à l’instant T.
  • Il n’oserait pas, dit ce dernier. Je suis pas son fils… Aïe !

La plainte qu’il poussa ôta un rire à Katerina. Elle observa son idiote progéniture s’accroupir face aux bacs réfrigérants en compagnie de Faye et s’amusa de les entendre pester contre le grand roux. Ils trouvèrent la glace à la vanille pour le dessert.

En contrepartie, Alex et Nice coupaient sagement des fruits, installés à la table.


  • Quels bons élèves, pouffa gentiment Katerina, qui vint s’asseoir à leurs côtés.

Depuis le soutien de ses coudes, elle appuya son menton sur ses phalanges, d’un air apaisé.


  • Qu’est-ce que vous préparez de bon ? demanda-t-elle, d’une voix calme et le regard doux.
  • Des smoothies, accompagné d’une glace et de son coulis de chocolat, Madame, lui répondit Elliot qui se déplaça pour déposer un baiser sur le haut de sa tête.

Le couple partagea le temps d’un regard un moment de nostalgie. Ils se comprenaient. Il l’entoura ensuite et lui embrassa la joue sans se soucier de la réaction des enfants. Selim fit exprès de leur lancer une grimace. À nouveau, il eut droit au supplice du fouet, ce qui fit bien rire sa petite amie. Nice n’avait plus eu mal aux joues depuis longtemps. Cela la changeait de ces derniers jours où sa principale activité avait été de vider son corps de larmes. Elle se sentait mieux, en présence des gens qu’elle aimait, dans le manoir Hodaïbi, alors qu’elle n’aurait jamais cru que ça puisse se dérouler aussi bien. La petite Challen était reconnaissante, mais malgré son bon contact avec Katerina, elle restait intimidée.

Cette dernière le ressentait.

Elle voulait faire la discussion, mais sans la mettre mal à l’aise. Elle ne s’adressa pas à elle directement :


  • Tu es généreux, ça fait beaucoup de bananes pour des smoothies, interpella-t-elle Alex, qui était si concentré sur la découpe qu’il en avait oublié son entourage.

Nice s’appliquait à arracher les bonnets des fraises, alerte, tandis qu’ils entamaient un dialogue :


  • Il nous faudra bien ça pour nous tous. Avec la glace et le chocolat, on peut faire des banana split, tu vas en manger un ?
  • Quelle bonne idée. Bien sûr que je vais en manger un ! Comme tout le monde, non ? demanda-t-elle en lançant un regard à Nice.
  • Ah oui, rougit-elle immédiatement.
  • C’était son idée d’ailleurs, balança Alex qui la trouvait timide.
  • C’est ce qu’on appelle… être un génie, plaisanta Katerina qui lui renvoya un sourire réchauffant.

Ils parlèrent avec un peu plus de facilité, au grand bonheur de Selim qui rêvait debout. Faye aussi, accrochée au cou de son amoureux. L’ensemble des Richess présents se sentait sur un petit nuage.


  • Oh, les singes, vous vous occupez de la grosse vaisselle ? L’appareil est plein, lança Elliot au duo de fous.
  • Pourquoi nous ?? s’insurgea la rousse.
  • Je veux pas…
  • Selim, enfin, rit Nice qui était du genre à toujours donner un coup de main.

Il avait suffit de ces minces paroles pour qu’il se mette à essuyer les assiettes tel un super sayan. Cela fit bien rire Katerina.


  • Je vois qu’il ne peut rien te refuser, lui souffla-t-elle en prenant appui sur la table pour gagner en intimité. Tu me donnerais ton secret ?
  • Oh… euh… C’est juste…
  • L’amour, s’en alla Alex en chantonnant.
  • Nicette est trop forte, la taquina Faye depuis l’évier où elle trempait ses mains.

Le visage de ladite se transforma en une pivoine.


  • …Et c’est que tu t’appliques, dit Selim pour détourner la conversation, à l’égard d’Alex qui coupait les fruits en suffisance.

Cette fois, ce fut entre l’homme de la maison et le plus petit de la bande qu’un éclair défila, la même idée les traversant.


  • Je n’aurai cru une telle précision, se plut Elliot à le taquiner.

Il y eut un temps où le blond resta silencieux, les yeux rivés sur son couteau et sa banane entamée. Un petit sourire vint pincer ses lèvres. Il pencha la tête sur le côté.


  • L’expérience… Voilà, tout.

Le morceau qu’il venait de couper s’empila sur les autres dans le bol. Elliot eut un rire jaune, à l’inverse de son gendre, qui ne cachait le creux dans sa joue. Il anticipa la potentielle remarque en coupant l’herbe sous le pied :


  • … Le chocolat ne va pas brûler ? demanda-t-il d’un air innocent, en relevant ses yeux normalement fades dans les siens.

Elliot resta sur les fesses. Quel culot ce gosse avait.


  • … T-... claqua-t-il sa langue sur son palais. Tu as de la chance !
  • Tu es fou, lui souffla Faye qui vint masser ses épaules.
  • De toi ? répondit-il du tac au tac à voix basse et en laissant tomber sa tête en arrière.

Il était rare de voir le visage de la rousse devenir aussi coloré que sa chevelure. Il réussit à lui faire picorer un bisou.


  • Prédateur… lâcha Selim, les yeux plissés qui préparait les plats de chacun.
  • Je vais le dire à Marry, continua le roux, d'un ton enchanté.
  • Oh, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Cela reviendrait à lui parler de notre petite soirée et connaissant maman, elle serait vexée de ne pas avoir été invitée.
  • Il n’a pas tort, rit Katerina, ouvertement, en imaginant déjà son amie faire un scandale. Aaah, Marry…

Son soupir fut suivi d’un temps de réflexion. Elle écarquilla les yeux quand elle vit que l’attention de chacun lui était tout portée. Faye, qui était curieuse et avait eu un bon contact avec sa belle-mère, se lança en première :


  • Vous vous entendez bien ?
  • Assez pour collaborer sur un projet, en tout cas, répondit Alex qui, pudique, essaya d’enterrer la réponse.

Katerina approuva.


  • Oui, mais je veux dire… Avant… ? Vous vous connaissiez d’avant… Est-ce que ça a toujours été… Enfin, non rien, se dégonfla-t-elle au silence qui planait.
  • Non, c’est une très bonne question, ricana Elliot qui servait les smoothies un par un, faisant le plus grand bonheur de sa fille par son intervention.

Bientôt, tout le monde se trouva autour de la table, une paille en bouche, les regards rivés sur l’hôte de la maison en attente d’explications. Cette dernière souffla à nouveau. Les smoothies avaient le don de rassembler les gens.


  • Dans notre groupe… Marry était l’avant-dernière à nous rejoindre. C’était une peste, lâcha-t-elle en remontant son nez, captant davantage l’attention de son public et surtout celle d’Alex.
  • Une vraie peste, genre… Comme dans les films ! s’en alla Elliot en se marrant.

Au tableau qu’ils dépeignirent de la Richess en son temps d’adolescente, les jeunes eurent le sourire aux lèvres. Il est vrai que l’image qu’ils s’en faisaient allait totalement de pair avec ce qu’ils décrivaient et étrangement, aussi malicieuse avait-elle pu être, le couple ne faisait qu’en rire. La nostalgie les avait conquis.


  • Si elle était aussi… abjecte, revint Nice à la réalité, comment se fait-il que vous soyez devenus amis ?
  • Oh… fit Katerina, qui devint pensive. Oh, c’est grâce à Alicia.
  • La mère de Kimi ?? s’en alla Selim, étonné.
  • … Oui.

Elliot avait répondu avec une pointe de tristesse. Il se tenait derrière Katerina, sirotant sa boisson. Par-dessus l’épaule de celle-ci, leurs mains se croisèrent. Le sujet restait sensible, mais se rappeler de comment la blondasse avait enfermé Marry et Eglantine dans la réserve du gymnase, les amenèrent à raconter l’invraisemblable histoire. Plus, ils comptèrent le récit du conflit qui avait grandi entre les deux Richess, plus Nice s’assombrit.


  • Donc, depuis le début, c’est une piqueuse d’hommes, dit-elle sèchement, en faisant référence à Eglantine.
  • … Bébé… lâcha Selim qui ne la trouva pas raisonnable, mais ne sut comment le formuler.

Ceci jeta un froid. Nice savait bien qu’elle venait faire preuve d’un manque de délicatesse au vu de la gravité de l’histoire. Marry avait perdu son premier petit ami et Eglantine n’avait pas voulu de l’amour de ce dernier. Le fin mot, Alex le connaissait, mais il venait de découvrir dans quelles circonstances ce garçon était mort. Voilà ce qu’elle avait vécu avant Chuck.


  • Désolée, fit la petite Challen, emplie de rage.
  • … Elles en ont beaucoup souffert toutes les deux.

Le fait que Katerina appuie ses propos, la fit se sentir comme une moins-que-rien. Elle avait cédé à la colère dans un moment inapproprié. Pour ça, elle ne se reconnaissait plus.


  • Je m’excuse, dit-elle encore, d’une voix faible.
  • Si… J’avais trompé maman, tu m’en voudrais à mourir, non ? demanda Elliot à sa fille.
  • Et pas qu’un peu ! répondit-elle sans une once d’hésitation.
  • Tu vois, fit-il à l’égard de Nice. Ce que tu ressens actuellement se comprend parfaitement…
  • Mais ? osa-t-elle sortir, d’un ton inquiet. Il y a un mais, n’est-ce pas ?
  • Tu ne le diras pas… ? questionna-t-il Katerina du regard qui pinça les lèvres.
  • Il vaut mieux…
  • Maman, chuchota Selim. Tu vas le finir ?

Longuement, la mère se demanda jusqu’où allait l’impolitesse de son fils qui lorgnait sur son banana split. Elle ne le finirait pas. Ce dernier le savoura nerveusement en attendant la suite des infos, car c’était exactement ce qu’ils faisaient. Les jeunes pêchaient des informations, maintenant qu’ils pouvaient se le permettre.

Katerina reprit :


  • Tu sais, Nice. Cela nous a pris un petit peu de temps de nous entendre avec Marry, et encore plus en ce qui concerne Blear. Par contre, je me suis tout de suite entendue avec Alicia. Cette fille, c’était… un vrai boulet de canon.
  • … Kimi aussi ? se questionna lui-même Selim, en léchant sa cuillère, les yeux rivés au plafond.
  • À mon avis, c’est différent, lâcha Alex, sûr de lui.

C’était ce genre de petites remarques avisées qui déstabilisait Faye. Il allait toujours valoriser la blonde ou répondre comme s’il la connaissait depuis toujours, alors qu’il n’en était rien.


  • Vous nous le direz, espéra Elliot.
  • Elle ne m’a pas vraiment laissé le choix de me mêler au groupe…
  • Rien que pour mon plaisir !
  • … Et je dois avouer que cela m’a bien plu, évita-t-elle sa remarque. En découvrant les garçons ensemble, avec Alicia, j’ai compris que quelque chose se formait et secrètement, je voulais en faire partie.

Le grand roux s’interloqua.

Il regarda son amour avec tendresse, mais surtout avec étonnement.


  • Tu ne me l’as jamais dit…
  • Je le dis maintenant, fit-elle en se dandinant sur sa chaise pour mieux s’installer. Je ne voulais pas être mise de côté et elle est tout de suite venue me chercher. Ensuite, ça a été Eglantine.

Le sujet sensible : Nice gonfla les narines.

  • Mais cette fois, ce n’est pas Alicia qui l’a amenée à nous. C’est ton père.

C’était dur à entendre.


  • Ils ont… été les premiers à tomber amoureux… Marry s’en est donnée à coeur joie à l’époque. Elle les a menacés.
  • C’était à ce point-là.

Elle acquiesça à la remarque d’Alex.


  • En fait, à tout moment, on aurait pu se trahir les uns ou les autres, mais ça n’a jamais été le cas. Notre amitié était sincère, comme l’amour qui est né entre nous… Eglantine est arrivée dans le groupe par le biais de Michael. Nous l’avons tout de suite accepté et moi, plus particulièrement,... C’est devenu ma meilleure amie, avoua-t-elle à la grande surprise de Nice. Elle l’est toujours.
  • Mais… Pourtant…
  • Oui, je ne cautionne pas du tout la manière dont ils s’y sont pris tous les deux. C’est pour ça que je n’ai pas hésité à lui dire ses quatre vérités et que je n’ai pas non plus hésité à prendre ta défense. Je pense tout ce que j’ai dis, mais il est vrai… que c’est un peu dur d’entendre ce genre de mots à l’égard de mon amie.
  • … Je… comprends…

Nice abaissa sa tête, ce qui fit mal au cœur à Selim, mais il n’avait pas non plus apprécié ces propos. Même si son ressentiment était justifié, il y avait des moments pour tout. Ce fut la première leçon que lui donna Katerina.


  • Je ne t’en tiens pas rigueur. Seulement, si je suis honnête avec eux, alors je me dois de l’être avec toi.
  • … Oui, je… bégaya-t-elle à la fois gênée et touchée. Je comprends tout à fait et… Merci, pour votre…
  • Tutoies-moi, je t’en prie.
  • Ah, je… Oui ! C’est vrai ! rougit-elle comme une tomate.
  • Ce n’est rien. Je me doute que ça te déstabilise.

La petite Richess hocha plusieurs fois de la tête. Elle garda les yeux rivés sur la table le temps de remettre ses idées en place.


  • Alors… C’est ta meilleure amie ? demanda-t-elle très peu naturellement. J’aurai cru que c’était Madame Stein…
  • Oh la ! Non ! Nous ne faisons que nous chamailler quand on se voit. Elle a toujours de quoi me contrarier, à croire qu’elle adore… Non, elle adore, remettre en question tout ce que je dis. C’est une certitude.
  • Mais vous vous entendez bien… ? insista Nice.
  • … Oui. Bien sûr que l’on s’entend bien, même très bien.
  • Du coup… Pourquoi c’est Eglantine plutôt que Marry… ?
  • Nous sommes toutes les quatre très proches. Dans notre jeunesse, c’était beaucoup Marry et Blear, Eglantine et moi, puis… Alicia était proche de chacune d’entre nous à sa manière. Quand j’y repense, c’était vraiment quelqu’un de particulier…
  • Elle passait beaucoup de temps avec nous aussi ! Combien de soirées films, on s’est pas fait…
  • Je m’en souviens, releva-t-elle, en croisant le regard de son homme.

Encore une fois, ils pensaient tous les deux à la même chose.

Elliot continua :

  • Mais elle restait avec Dossan, surtout.
  • Il est trop sympa en même temps, lâcha Selim, heureux d’entendre parler de lui.

Cette réflexion interpella les deux plus grands Richess. Ils étaient au courant que leur ami avait passé du temps avec leurs enfants. Des anecdotes qu’ils découvrirent des soirées passées chez ce dernier, les quatre semblaient le porter en haute estime. Dix-sept ans en arrière, ils ne se seraient jamais douté que ce petit gars fragile deviendrait une espèce d’hôte et de confident pour l’ensemble de la prochaine génération de Richess.


  • Et lui ? Comment était-il à l’époque ?
  • J’ai l’impression d’être un vieux croûton, chouina Elliot qui reprit place parmi eux.
  • Dossan ? pensa Katerina ouvertement. Comment le décrirais-tu ? Il était assez calme et discret.
  • Pas timide, mais réservé.
  • En même temps…

Katerina ravala ce qui donna envie d’en savoir plus aux enfants. Comme elle venait de l’apprendre à Nice, il y avait un temps pour tout. Autant, elle avait eu une facilité à raconter le passé commun de ses deux copines, autant elle ne se voyait pas leur dire que Dossan avait été un enfant battu.


  • Réservé, c’est le mot, se reprit-elle. Il était vraiment d’une gentillesse sans égale et doux. La crème de la crème…
  • Tu ne lésines pas sur les compliments ! rit Elliot ouvertement.
  • Ne sois pas jaloux.
  • Moi ? Jamais. Après, si tu veux changer de partenaire, à ce que je sache, il est toujours célibataire.
  • Pff, tu es bête.

Voilà d’où Faye tenait son caractère jaloux, à défaut qu’elle admirait la manière dont il arrivait à la transformer en humour. Elle les observa se chamailler avec légèreté, jusqu’à ce qu’elle entende quelque chose d’improbable.


  • Tu veux l’embrasser une deuxième fois ? demanda-t-il d’un air diabolique.
  • Elliot !
  • He oui, les enfants. Vous avez ici une dépravée…
  • T’as embrassé Dodo ??
  • Madame Hodaibi, dis donc, lança Alex, un sourire en coin.
  • Bon sang, Elliot ! Pourquoi est-ce que tu leur as dit ?
  • Oh, mais je pensais qu’on se partageait des anecdotes…
  • Je veux effectivement en savoir plus, répondit Nice, des étoiles dans les yeux.

Un nouveau soupir : une nouvelle histoire. Ils n’en perdirent pas une miette. Encore moins des taquineries d’Elliot qui déstabilisait la femme mature que représentait Katerina dans leurs esprits. C’était amusant. Poignant. Au travers de leurs dires, ils se rendaient de plus en plus compte de l’amour qu’ils se portaient, que ce soit le couple, ou le groupe d’amis qu’ils avaient été.


  • Il faut absolument que nous racontions ça à Kimi ! s’exclama Selim, Nice approuvant chaleureusement.
  • Le choc émotionnel, bonjour, plaisanta Faye. “Si jamais nos parents se sont embrassés !”
  • Et elle ? Comment est-elle ?

La question de Katerina résonna et la lumière dans les yeux d’Elliot fit comprendre aux jeunes qu’ils attendaient beaucoup de cette réponse. Entre eux, ils se jetèrent des regards. Il fallait au moins clarifier :

  • Tu veux dire… Kimi ? demanda Selim en retour.

Ils étaient gênés, mais autant l’un que l’autre voulait en savoir plus sur la fille de leur défunte amie.


  • Hum, elle est cool, poursuivit-il. C’est une fille sympa.
  • Très cool, même, appuya Nice. Personnellement, au début, elle m’impressionnait beaucoup, car elle à cette attitude… Comment dire ? C’est quelqu’un qui se montre… très…?
  • Elle est téméraire, la compléta Alex en souriant.
  • C’est ça. Elle a des cornes, dit-elle en mimant les attributs avec ses doigts.
  • C’est vrai qu’elle a un fort caractère, répondit Faye. Après, elle est super drôle.
  • Comme sa mère, alors, s’attendrit Elliot.
  • Oui, mais… Kimi à quand même l’air moins dingue ! rigola la rousse.
  • C’est vrai, elle a les pieds sur terre, mais au départ, elle était fort renfermée sur elle-même, expliqua le blond. Il a fallu que Laure la sorte de son trou pour qu’elle se joigne à nous.

C’était complètement fou. Alors qu’ils avaient espéré que cette petite soit la personne qui réunirait leurs enfants, cette lourde mission pesant sur ses épaules avant même qu’elle ne vienne au monde, ce fut l’inverse qui se produisit. Ils l’avaient ajouté de force à leur groupe, alors que rien ne les avait poussés à le faire. La destinée de Kimi, même complètement retournée par la mort de sa mère, avait pris racine, et ce, malgré elle.

Comme leurs parents, les ados se lancèrent dans des descriptifs de la blonde, plus amitieux les uns que les autres. Cet exercice les fit bien rire, la joie qu’ils en tirèrent ne cessant de grimper jusqu’à ce que l’un d’eux mette les pieds dans le plat.


  • Mais en ce moment…

Selim ravala sa langue, ne voulant pas gâcher la fête.

  • En ce moment, ça ne va pas fort, déclara Alex qui préféra finir sa phrase tandis que les deux filles baissèrent leurs regards.

Quelque part, elles avaient joué un rôle dans son mal-être, l’une l’évitant par jalousie, l’autre l’enviant pour sa place de délégué. Elles s’en voulaient, alors qu’elles lui avaient trouvé de nombreuses qualités quelques secondes plus tôt.


  • C’est vrai, fit le premier. Ce n'est vraiment pas la forme. Je lui proposerai bien qu’on reprenne rapidement les entraînements, dit-il en mettant la puce à l’oreille à sa mère.
  • Ou une sortie shopping, lâcha Faye. Tu en penses quoi ?
  • C’est une bonne idée, acquiesça Nice.

Pensif, Alex plissait les yeux , observant le vide. Leurs propos inquiétaient vivement Elliot et Katerina qui ne savaient plus où donner de la tête.

  • Pourquoi ? Que s’est-il passé ? les questionna cette dernière.

Ils réfléchirent, hésitants.

  • Je crois… se lança son meilleur allié, qu’elle… est au bord de l’explosion. Je crois que ce qui la rend folle en ce moment, c’est toutes ses histoires entre nous. Si ça ne change pas, ouais, elle va exploser.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Redlyone ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0