Chapitre 47 : Le réveil des traumatismes - Part 2.

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Les cochons avaient des groins et Sky son nez planté au carreau de la porte-fenêtre qui donnait sur le jardin. Ce dernier était dans un tel état d’esprit depuis les derniers événements à Saint-Clair, entre l’arrivée de Jena et ses disputes avec Kimi, qu’il ne cherchait même plus à se tenir correctement. La fatigue mentale qui le surplombait le rendait encore plus idiot qu’à son habitude.


  • Ils ne font que s’embrasser depuis tout à l’heure, lança-t-il, écoeuré.

Armé d’un spray nettoyant et d’une lavette, Charles tourna la tête lentement dans sa direction. Voilà des années qu’il s’occupait de cet énergumène et plus elles passaient, plus il se souciait de son état psychologique. Ce fut sans se faire prier que le majordome lâcha la loque sur le haut de son crâne. Sky sursauta, dégoûté.

  • Sachez qu’elle est plus propre que vos gros doigts et vos narines que vous venez déposer sur cette vitre. Vitre que j’ai lavé dans la matinée.
  • … Combien de fois t’ai-je demandé de me tutoyer… ?
  • Et ne me parlez pas sur ce ton ! Je ne tutoie pas les porcs ! Maintenant, il serait temps de se mettre au nettoyage, dit-il en lui collant le produit à vitre dans les mains.
  • Je ne sais même pas comment…
  • Ce sera une première, alors.

Blear, qui préparait les assiettes pour les tourtereaux, gloussa. Cela lui valut la foudre. Elle lui parut divinement douce comparée à tant d'autres fois. Sky était d’humeur joueuse. Il attaqua la fenêtre de plusieurs “pshht” grossiers, le tout sous la subordination de Charles.


  • On s’applique quand on frotte.
  • Frottez… s’en alla Sky en faisant de son mieux.
  • Lustrez…

Le rire de Sky resta bloqué dans son nez. L’hilarité prit même le majordome qui tenta de ne pas craquer face à la référence au film Karaté Kid. Il n’était pourtant pas tâche aisée de le faire sortir de son rôle entre les heures de service. Blear les regarda avec attendrissement. Ces deux-là s’étaient toujours bien entendus.


  • Bien, et si vous alliez, vous occupez à une tâche plus captivante que celle de jouer à Madame Oleson.
  • Ah. Je l’ai pas celle-là, Charles Ingalls !

Un long sourire s’étira sur le visage du vieux Monsieur. Il n’était pas peu fier d’avoir pris le temps de montrer ces classiques à cette andouille. En silence, il se déplaça pour appeler Leroy et Lysen à table.


  • Les enfaaaants, à la bouffe ! s’écria Sky, mais à voix basse en l’imitant.
  • J’espère sincèrement que tu ne te drogues pas, releva Charles, désespéré.

Sous le joug de la fatigue, Sky était devenu hystérique, mais il n’y avait pas que ça. Blear le regardait du coin de l'œil et elle ne pouvait s’empêcher de pouffer face à sa bêtise. Elle fut saisie quand il se rapprocha soudainement d'une mine diabolique.

Après des heures à discuter en intimité, les amoureux rentrèrent pour découvrir dans le salon une jolie table à part, décorée de fleurs et illuminée de bougies. Ils s’y installèrent, autant amusés que surpris et se prêtèrent au jeu.


  • Laisse-moi leur apporter.
  • C’est Charles qui doit…, bégaya Blear qui ne saisissait pas ses intentions.
  • Roh allez, fais-moi un peu confiance.

Prise au dépourvu, elle eut peur en le voyant effectuer un petit tour sur lui-même, une assiette collée à chaque paume.

Habilement, Sky rejoignit les amoureux, la malice aux lèvres.


  • Je m’attendais à un meilleur service, bouda Lysen.
  • C’est le meilleur qui soit, rétorqua-t-il en levant ses deux sourcils, puis en provoquant Leroy du regard. Ce soir, pour l'emmerdeuse, nous avons la lasagne en couches, préparée à l’aide du chef par la dame de maison,… Et pour le mioche, littéralement la même chose, annonça-t-il avec un rire jaune. Bon appétit, les gosses.
  • Trop gentil, lui balança Leroy d’un ton ironique.

Blear avait connu son fils joueur uniquement durant son enfance. De l’adolescence, elle n’avait expérimenté que les côtés durs, ainsi que de nombreux rejets. Ayant eu vent de Lysen qu’il partageait une relation électrique avec Leroy, elle ne sut où se plaçaient les limites. Un peu en panique, elle les rejoignit et attrapa le bras de Sky pour l’empêcher de davantage les ennuyer.


  • Voyons, laisse-les un peu, s’en alla-t-elle en rigolant, embarrassée.

Les deux mains de sa mère, serrées autour de son biceps, lui firent drôle. Elle était si proche qu’il sentit l’effluve de son shampoing.


  • Mangez bien. Allez, viens toi, arrête de les embêter, dit-elle d’un ton à moitié sérieux.

Tout en se laissant tirer vers la cuisine, Sky détourna la tête pour leur tirer la langue, ce à quoi ils répondirent tous les deux vivement.

Un rire franc sortit de sa gorge :


  • Qu’ils sont bêtes.
  • … Tu plaisantais ? comprit Blear à son ton léger.
  • Bah, bien sûr que je rigolais !

Soulagée, cette dernière porta sa paume à sa poitrine. Elle se détendit. Cela faisait une éternité qu’ils n’avaient plus partagé un contact aussi prolongé. Blear en prit conscience seulement lorsqu’il glissa sa main sur la sienne, comme pour rompre l’étreinte. Il était gêné. Lourdement, ses paupières s’affaissèrent. En fait, elle ne voulait pas quitter son bras. Tandis qu’elle relevait ses yeux plein d’espoir dans les siens, Blear le trouva blessé. Blessé par les années.

  • Je suis…

Ce dernier ne voulait pas rompre ce moment avec des excuses.

  • Tu n’as pas peur de les laisser dormir ensemble ? détourna-t-il la discussion en se détachant doucement.

Sa réflexion eut le mérite de la déstabiliser.

  • … Enfin Sky… Ce n’est pas correct de parler de ce genre de choses…
  • Pfff, c’est là qu’on voit que papa n’est plus à la maison. Ah, je…

C’était trop tard. Il vit sa mère prendre du recul, touchée. Une grande peine se dessina dans le si joli regard qu’elle lui avait prêté quelques secondes plus tôt.

Il s’en mordit les lèvres, coupable : 

  • Je ne voulais pas dire ça. Pas comme ça.
  • … Tu l’as dit… répondit-elle en croisant ses bras, mal en point.
  • Oui, mais… Excuse-moi. Ce n’était pas dans ce sens-là.
  • Alors, dans quel sens ? le questionna-t-elle, irritée.
  • … C’est juste qu’avec papa, je… je plaisantais parfois de cette manière-là… Ça m'a échappé.

Peu importe ce qu’il pouvait dire, elle avait le cœur lourd.

Est-ce que ça signifiait que peu importe ses efforts, elle ne serait jamais aussi proche de lui que son père ?


  • Maman…

Le tintement de douces clochettes sonna dans ses oreilles. C’était trop cruel. L’appeler de cette manière maintenant… Blear s’envola, tel un papillon. Une lueur se renouvela. Il avait l’air sincèrement désolé.

Timidement, elle pinça les lèvres :

  • … S’ils ont des choses à faire, ce n’est pas ici que je les en empêcherai… Après tout, ils dorment ensemble à l’internat, lança-t-elle avec un léger sourire en coin.
  • Pfrr, rigola-t-il sincèrement. Faut pas s’inquiéter de ça ! C’est des gamins. Ils sont sages.

Blear eut l’impression qu’on l’avait bénite. Après tout ce temps, il lui souriait sincèrement. Il rigolait, et évidemment, qu’elle avait compris. Quelque chose lui était arrivé. Absente, elle ne savait pas quoi, mais elle voulait bien se montrer plus présente à partir de cet instant. La fatigue émotionnelle pesait dans la balance et dans le fait qu’il avait déposé les armes. Ses minuscules pas vers son fils avaient fonctionné.

Si elle avait su.

Blear l’aurait fait bien plus tôt, mais peut-être qu’ils venaient de trouver le bon moment. Reconnaissante, elle osa glisser sa main sur son épaule. Elle la serra, doucement.

  • Sky… ?

Elle avait soufflé son prénom avec une telle fragilité.

Ce dernier ferma les yeux un instant, sentant qu’il s’agissait de ce moment où quelque chose allait se produire.

  • Est-ce que je peux… ?

Blear avait la tête baissée, ses doigts s’accrochant plus fermement à son t-shirt. Tout laissait entendre qu’elle voulait le prendre dans ses bras. C’était sans doute trop demander. Lentement, Sky rapprocha son corps du sien. Leurs épaules se cognèrent. Il laissa sa tête se loger dans le creux de son cou, leurs chevelures brunes se confondant. Des étoiles au bout des cils, Blear dû se mettre sur la pointe des pieds pour le serrer correctement. Il était si grand. Comme autrefois, il respira profondément son parfum, et frotta son nez sur le tissu comme pour en sentir mieux la douceur. Mon fils.

Et s’il n’y avait plus rien après ce câlin ?

Terrifiée, elle s’accapara de son cou. S’octroya le plaisir de glisser sa main dans sa nuque, ses doigts dans ses cheveux, d’en serrer les racines. Des mots brûlaient ses lèvres. Elle n’osait pas, le cœur en feu. L’envie de lui dire “Je t’aime”. Une envie qui jaillissait de tout son corps, tapis dans sa gorge, ruisselant le long de ses joues. Je t’aime. Blear décolla du sol, ainsi que l’espace entre leurs poitrines. Sans demi-mesure, il croisa ses bras dans son dos, y planta ses doigts, descendit sur ses côtes, la plia sous son poids. Je t’aime. Impossible de retenir un hoquet. Sky plissa les paupières. Je t’aime. Il serra les dents, se refusant à pleurer. Le reniflement qu’il partagea avec sa mère interpella cette dernière. Elle dut mettre de la force, repousser son étreinte, pour rencontrer à nouveau ses yeux. Ceux-ci ressemblaient à un volcan en éruption, rougis, au bord de l’explosion. En entourant sa joue, Blear se demanda à quel point elle avait pu le faire souffrir.

  • … Je suis dés…

Il cala son front sur le sien. Le coup la sonna. Hors de question qu’elle s’excuse. Sky ne voulait rien entendre de la sorte. Les mâchoires serrées, il dévia son regard en prenant de la distance, passa un doigt sous son nez mouillé. Il hocha ensuite de la tête, dont le rouge pivoine s’accentua.


  • Je vais…

Les mains rassemblées, Blear l’observait, bouleversée.

Elle craignait que tout s’arrête à nouveau.


  • Je vais remonter dans ma chambre, dit-il en se tournant vers la sortie.

Sky s’arrêta.

Il la regarda d’un coup, puis le sol, tiraillé.


  • Bonne nuit.
  • … Bonne…

Tel le silence plat qui s’installait après une tempête, la séparation avec son fils, après l’élan d’amour qu’il venait de lui offrir, donna un sentiment étrange à Blear. Elle était démunie et il pleuvait encore sur ses pommettes refroidies. Avait-elle réussi ? Est-ce qu’elle était arrivée à surpasser ce conflit ? Lui qui avait toujours été dur… Elle eut l’impression qu’il n’y eut qu’un battement de cils entre cet instant et le soir. Machinalement, elle s’était rendue jusqu’au salon, noyau de la maison, sur laquelle le calme était tombé. Recroquevillée dans le canapé, elle observa le plafond sombre. Tout était si gigantesque, si ridiculement grand. La quiétude qu’elle trouva vint des lumières tamisées qui réchauffaient sa demeure une fois la nuit venue. Depuis le départ de John, elle faisait tout pour s’y sentir le mieux possible, pour ne jamais ressentir la solitude. Elle se donnait pour affronter ses problèmes, pour récupérer ses enfants. La fierté l’envahit en même temps que de nouvelles larmes se formèrent dans ses prunelles luisantes. Elle en voulait plus. Plus de cette chaleur. Le menton entre ses genoux, Blear gratta les coutures de son fauteuil. Voilà qu’elle se sentait à nouveau comme une adolescente : aimerait-elle cet enfant ? Arrivait-elle à le choyer ? Je t’aime. Les jolies gouttes accrochées à ses cils tombèrent, tandis que des notes de musique envahirent son esprit. Elle se rappelait. Le piano envoûtant sous ses doigts. Penser à lui maintenant… Que c’était faible de sa part. Et si les souvenirs remontaient à la surface uniquement car ses amis s’étaient retrouvés ?

Dans le salon, au lieu de la table basse, une fontaine apparut. Sur le bord en pierre, deux paires de chaussures titubaient, dansaient, jouaient… Sur les murs, des roses rouges fleurirent une à une, grandissaient en bouquets. Il neigeait des pétales claires, une mélodie s’insinuant jusqu’aux bords de ses lèvres.

Une chanson capable de vous faire tomber amoureux…


  • Makes me fall in love…

La lumière de l’étage s’allumant lui fit redresser son museau.

Sur le palier, la silhouette qu’elle entrevit, lui parut étrangement familière. Blear s’y reprit à plusieurs fois.


  • Leroy… ? Tout va bien ? se réveilla-t-elle, voyant qu’il cherchait quelque chose.

Ce dernier descendit l’escalier à pieds nus, une bouteille de cosmétique dans son poing. Il portait un air embêté.

Avec une télécommande, Blear augmenta la luminosité.


  • Je peux t’aider ?

Ce fut au tour de Leroy de la fixer, qui en constatant qu’elle avait pleuré, fut encore plus embêté.


  • Ce n’est rien, le rassura-t-elle en frottant le dessus de ses joues.
  • … Vous êtes sûre… ? demanda-t-il d’un ton sévère.
  • Oui… Oui, bien sûr, acquiesça-t-elle, attendrit par l’inquiétude qu’il lui transmit. Cela m’arrive encore de temps en temps… Tu sais, le divorce… Ce n’est pas évident, mais…

Blear porta un doigt à sa bouche doté d’une esquisse. Ce serait leur secret. Il répondit par un mouvement bref.


  • Dis-moi donc ce que je peux faire pour toi ?
  • … Je cherche un coton. Pour désinfecter mes piercings. Je n’en ai pas pris et… Lysen est à la douche depuis un moment.
  • Oh, mon pauvre ! s’exclama-t-elle en prenant appui sur ses genoux. Elle ne va pas t’épargner. Lysen prend toujours des heures dans la salle de bain.
  • Ah… lâcha-t-il, si sincèrement qu’elle le trouva adorable.
  • Je vais te chercher ça.

Très vite, alors qu’il attendit, béat au milieu du salon, Blear arriva avec ce dont il avait besoin. Elle prit soin de garder son pouce loin sur le coton pour qu’il puisse s’en saisir en toute tranquillité.


  • Merci.
  • Si tu veux, il y a un miroir juste là.

Se sentant un peu obligé au fond de l’utiliser, il s’y rendit sagement. Elle l’observa. Pour un si jeune garçon, Blear le trouva déjà bien abattu. Il était gris. Quelles horreurs avait-il pu bien vivre pour qu’il puisse faire preuve d’autant de sauvagerie ? Discrètement, elle se mit à parcourir son corps sur lequel quelques cicatrices se voyaient plus que d’autres. En découvrant son visage qui devint douleur, Blear se leva d’un coup.

  • Aïe !

Elle fut à ses côtés en quelques secondes. Il avait les doigts occupés à essayer de démêler une mèche de cheveux de son anneau.

  • Tout va bien ??

Maman, surtout… ne le touche pas.” Elle se rappela tardivement des mots de sa fille. En danger, les pupilles des chats se rétractaient. Celles de Leroy devinrent incroyablement minuscules pour un humain. Sa paume claqua contre son poignet quand il l’agrippa et ses ongles se plantèrent dans son avant-bras. Quelle terreur. Elle grimaça, tandis qu’il lui montra son nez retroussé. La petite plainte qu’elle laissa échapper lui fit revenir à la morale. “C’est juste que ça lui fait peur”. Mais même effaré, Blear ne lui laissa pas le temps de reculer. Son regard droit dans le sien, elle entoura ses doigts enfoncés dans sa peau. À ce rythme, il ne s’agissait même plus de surprise de la part de Leroy.

La bouille de chaton refit surface :


  • Je vous ai… Je suis désolée…

Il tremblait.


  • Je n’ai pas mal, le rassura-t-elle, alors qu’il y avait du sang sur son bras.
  • Ce n’est pas vr…
  • Viens.

Leroy avait connu peu de personnes ayant été capable de rester de marbre alors qu’il venait de leur infliger une blessure. Kimi en faisait partie. Cela lui avait valu sa confiance pour toute la vie. Cette femme…

Tout en gardant ses doigts accrochés aux siens, Blear l’emmena facilement jusqu’au canapé. Il était sous le choc. Assis, il redevint un ado normal à côté de cette grande femme. Telle une maman, elle n’hésita pas à l’obliger à tourner la tête pour avoir une meilleure vue sur son oreille. Quelques cheveux arrachés s’étaient emmêlés autour d’un de ses piercings.


  • On va les enlever avant de désinfecter.

Elle s’exécuta, avec une délicatesse, une rapidité qui ne lui provoqua quasiment aucune douleur.


  • Voilà. Tu veux le faire toi-même ? lui demanda-t-elle, le coton imbibé de produit.

Pour réponse, elle eut droit à son regard rond. Il ne faisait que s’agrandir à mesure qu’elle le touchait. Malgré l’anxiété résidant dans son cœur, cela ne lui parut pas désagréable. Quelle drôle de sensation. Le bout de son oreille entre ses doigts, il ne pensa même pas aux picotements que lui provoqua le désinfectant. Il avait connu tellement pire.


  • Tu dois faire plus preuve de minutie… De précision, rectifia-t-elle quand elle le trouva interrogateur. Et c’est fini !

Leroy voyait des paillettes. Il eut du mal à revenir à la réalité.


  • Ah… Merci, Madame…
  • Blear, lui dit-elle en souriant.
  • Non, je ne… pourrais pas…
  • D’accord.

Même sur le fauteuil, ils étaient proches. Blear s’adoucit.

Il ne tremblait plus.


  • Vous… Vous… bégaya-t-il.
  • Oui ?
  • … N’avez-pas eu peur ?

Elle réfléchit.


  • Si, j’ai eu peur. J’ai eu peur de tout gâcher. Qu'à cause de mon erreur, notre bonne entente s'efface, alors que c'est important pour moi de m'entendre avec toi, déclara-t-elle, car jusqu’ici… Tout se passait très bien. Lysen m’a prévenu…
  • Elle vous a dit ? demanda-t-il, sur la défensive.
  • Oui. Mais juste le nécessaire pour que tu sois à l’aise.
  • … Je… lâcha-t-il, frustré.
  • Elle ne m’a rien dit sur ce que tu avais pu vivre.
  • Mais mon père, oui.

Malgré la conversation corsée, Leroy resta bien à ses côtés. Il cherchait des réponses.

Blear acquiesça.


  • J’en sais si peu.
  • Trop. Je suis sûr que vous me détestez.

Quand il se leva, elle le retint par le bras. Ce fut à nouveau une surprise. Cette fois, il ne ressentit pas ce démon s’emparer de lui. Il se rassit, mille questions en tête. Leroy releva son regard dans celui de Blear. Le sien brillait. À nouveau, elle se mit à l’aise, sur le côté, ramenant ses genoux à sa poitrine. Il se mit plus ou moins dans la même position, plus étalé, laissant son cou gagner le dossier du fauteuil. Cette femme était incroyable. Quelque chose la poussa à caresser le haut de son crâne. Malgré lui, il l’apprécia. Elle passa un pouce sur sa tempe. C’était bizarre. Bizarre que ce soit aussi naturel. Blear gloussa, ayant l’impression de cajoler un chat. S’il avait pu ronronner… À la place, Leroy se détendit, envoûté.


  • Je vais finir par te kidnapper, plaisanta-t-elle, pleine d’amour.

Tel un matou, il étendit la jambe qu’il avait laissée en dehors du canapé pour mieux la ramener vers lui. Leurs genoux se touchèrent. Tout comme sa sœur en pleine dépression, il avait la joue écrasée contre le gros coussin, mais aucune tristesse ne planait autour de lui. Au contraire, un rictus se creusa dans sa joue. Blear jouait avec ses ondulations. Quelle douceur. Elle avait gagné au loto. Il avait cette petite étincelle, farceur, quand il lui sourit.

  • … C’est ce que Dossan à fait.

Sur le palier, Lysen, en peignoir et les cheveux mouillés, recula de quelques pas en tombant sur sa mère et son petit-ami en plein tête à tête. Elle se cacha d’abord, puis les scruta. Cela lui fit quelque chose. Il y avait de la magie autour d’eux.


  • Il a bien fait.

En aplatissant ses coudes sur le dossier, toujours de cette mine espiègle, il rapprocha son visage du sien, comme pour lui partager un secret.

Blear se prêta au jeu et prit exactement la même position.


  • Si vous vous revoyez, ce serait comme si vous m’aviez adopté, non ?

Était-ce un test ? Il n’avait pas l’air si vicieux. Cependant, elle trouva que ce fut le bon moment pour récupérer quelques informations.


  • … Penses-tu qu’il accepterait ? l’interrogea-t-elle, elle aussi, tout d’un coup pleine de malice.
  • Ça dépend…
  • De quoi donc ? chuchota-t-elle.
  • De si vous l’aimez encore bien ?
  • … Est-ce que tu es en train de me tester ?
  • Oui, murmura-t-il gentiment.

Blear hésita, mais elle ne voulait pas gâcher ce qu’elle venait d’expérimenter, gourmande d’amour. Elle avait enfin pu reprendre son fils dans ses bras, établir un contact avec lui, mais également avec ce garçon, normalement intouchable. Il voulait une réponse sincère, alors en cachant sa propre bouche, elle lui fit signe de se rapprocher. Ce qu’il fit.


  • Je peux te faire confiance… ? s’assura-t-elle avant qu’il ne lui donne sa parole. Je crois bien que oui.

À cet instant, Leroy se redressa dans le fauteuil, comme piquer. Elle sentit sa peur.

Aurait-elle pris la mauvaise décision ?


  • Alors, ça veut dire que… Si vous pouviez… Moi et Lysen, nous ne pourrions…

Voilà qu’elle comprenait ce qui devait le tracasser depuis longtemps.


  • Non. Je ne me mettrais plus jamais entre vous. Même si… dit-elle s’en oser finir sa phrase. Quoi qu’il arrive.

Il eut envie de la croire, de tout son cœur. En guise de promesse, il lui tendit son petit doigt. Blear le dévisagea. Elle s’entendait encore, quinze auparavant : Qu’est-ce que cela signifie ? ; Faisons une promesse, lui avait répondu Dossan. Eux aussi, ils avaient fait une promesse concernant l’amour. Je suis sûr qu’avec un peu d’efforts, nous trouverons chaussures à nos pieds. Quelle ironie de ne pas avoir vu qu’il était sous ses yeux à l’époque. Dossan avait sans aucun doute transmis ce rituel à ses enfants. Brûlant d’impatience, Leroy attendait, qu’elle scelle ses dires, si elle était sincère.

De toutes ses dents, elle vint accrocher son petit doigt au sien.

Plus que satisfait, il pouffa :


  • Il faudra lui en parler demain, alors !
  • … Hein ?

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