chapitre 47
Debout près de la fenêtre de sa bibliothèque, d’Eprémesnil gardait les yeux fixés sur son jardin. Mais il ne le voyait pas. Il tenait une lettre à la main. Un des convives de la réception venait de lui écrire qu’il lui accorderait son suffrage et il l’assurait de celui de deux de ses amis également académiciens. Il avait rapidement fait le compte des voix qui lui étaient acquises : c’était gagné ! Il allait entrer à l’Académie ! Il se dit soudain qu’il vivait peut-être là le meilleur moment de l’aventure : tout était encore à venir mais le succès était certain. Il se mit sur le champ à penser à son discours de réception et trouva deux ou trois phrases d’introduction. Il les voulait solennelles mais pas creuses. Ses idées se bousculaient : le style devait être au service d’une pensée intelligente et nouvelle, il allait y réfléchir …Quel bonheur ce serait !
Il fallait maintenant penser un peu à Lisette comme il le lui avait promis. Il venait de faire appeler Marie-Aurore. Elle n’allait pas tarder à arriver. Noël approchait, il voulait réfléchir avec elle aux cadeaux qu’il pourrait faire à sa petite muse. Pour cela, il comptait sur les conseils de sa gouvernante car il ignorait totalement ce qui pourrait plaire à une enfant de cet âge. De jolis vêtements ? Certainement. Du parfum ? Elle était bien jeune pour cela. Des jouets ? N’était-elle pas trop grande ? Même si elle avait encore une poupée. Un voyage avec elle peut-être ? Cela pourrait être amusant. Il y avait longtemps qu’il n’était pas allé en villégiature à Nice comme il l’avait si souvent fait autrefois. Il l'imagina découvrant la Méditerranée et les palaces. Bien sûr il faudrait attendre les beaux jours...
Il commençait aussi à réfléchir aux travaux qui transformeraient le dernier étage de l’hôtel en atelier quand on frappa brutalement. La porte s’ouvrit avant qu’il ait eu le temps de répondre et Simon Ducoursial entra. Derrière lui, Sylvie fit un geste d’impuissance : le peintre avait littéralement forcé l’entrée de l’hôtel. Il fit quelques pas, vint se planter au milieu de la pièce et son regard se posa sur le tableau de Van Hay. En le désignant d'un hochement de tête, il déclara :
— Je savais bien que je le trouverais ici.
Le comte avait blêmi…
Annotations