Eylen courait à toute allure. Chaque inspiration était une torture, sa gorge et ses yeux lui brûlaient. Les branches lui fouettaient le visage, et les ronces lui griffaient les jambes. Mais elle n’avait pas le temps de s’en soucier, pas même de ses pieds nus ensanglantés qui foulaient le sol ronceux de la forêt.

Elle devait courir. Ne pas s’arrêter, ne pas regarder derrière elle. Sinon elle mourrait.

 Son cœur tambourinait jusque dans ses oreilles, si bien qu’elle ne pouvait rien entendre autour. M’ont-ils suivie ? Elle secoua la tête. Pas le temps ! Ne t’arrête pas ! Elle accéléra encore sa course, manquant de trébucher sur une racine d’arbre.

 Quand elle s’arrêta enfin, son souffle n’était plus qu’un râle douloureux. Elle s’effondra sur le sol, ses genoux et ses mains s’abimant sur les cailloux et les ronces. Au-dessus d’elle, les arbres gigantesques cachaient presque entièrement le ciel rougeoyant de la fin de journée. Elle essaya tant bien que mal de reprendre sa respiration, les mains dans la terre et la sueur gouttant sur le bout son nez pointé vers le sol. Ses habits et sa peau étaient couverts de suie, sa gorge lui brûlait et ses yeux piquaient comme s’ils étaient entièrement secs. L’odeur de bois brûlé et de chair calcinée ne quittait pas ses narines.

 Soudain, son estomac se tordit et elle finit par vomir le peu qu’elle avait mangé en début de journée. Le dernier repas qu’elle avait partagé avec sa famille. Il n’y en aurait plus d’autre. Jamais. Sur cette dernière pensée, elle s’effondra sur le sol, inconsciente, laissant la nuit l’envelopper de sa sombre froideur.