Chapitre 12

7 minutes de lecture

— Elie... Elie... SIDELIE !!

La vieille guérisseuse sursauta sur sa chaise. Maggy se tenait à ses côtés, une main posée sur son épaule.

_ Tu devrais aller t’allonger. Je vais veiller sur elle., lui dit-elle en désignant Eylen du menton, toujours endormie.

_ Non, merci Maggy, je préfère rester là.

En regardant par la fenêtre, elle s’aperçut que la nuit était déjà tombée. Cela faisait presque un jour que la petite avait de la fièvre. Sacha, le mari de Rose, était rentré d’Emlet dans l’après-midi. Rose, qui se portait étrangement comme un charme, lui avait présenté, avec une joie non dissimulée, leur fils Aaron. Le jeune bûcheron en avait sauté de joie.

Elie n’avait qu’à moitié partagé leur bonheur, trop inquiète pour sa jeune compagne. Cette dernière ne s’était pas réveillée depuis le matin même. Sa fièvre était montée crescendo, ne voulant pas redescendre peu importe les remèdes qu’Elie lui donnait. Si c’était bien ce que supposait la vieille guérisseuse, Eylen avait pris la fièvre de la jeune mère. Comment, elle n’en savait rien, mais même si cela semblait invraisemblable, c’était la seule explication qui venait à la vieille femme.

Tout comme l’événement de la baignoire, qui restait une énigme, ou la prompte guérison du petit geai bleu. Cette enfant est remplie de mystères.

Des petits coups donnés à la porte sortirent Elie de ses pensées.

_ Charmy ? Que fais-tu là ? La questionna Maggy en se retournant.

La fillette s’approcha du lit, un bouquet de fleurs bleues à la main.

_ Je suis allée cueillir des fleurs pour Nelye, dit-elle en tendant le bouquet à Elie.

Les fleurs de puretés étaient connues pour porter chance. Il était commun d’en offrir pour la naissance d’un enfant ou d’en mettre au chevet d’un malade pour lui souhaiter un bon rétablissement.

_ Merci, mon enfant, fit la vieille guérisseuse en acceptant le présent. Je le poserai à côté d’elle.

Charmy lui sourit en rougissant de plaisir, puis se tourna vers la jeune femme endormie.

_ J’espère qu’elle guérira vite, comme maman.

_ Oui, moi aussi...

Mais l’état de la jeune femme n’était pas encourageant. Son corps était brûlant, de la sueur perlait sur son front, et sa respiration était agitée.

_ Nous devrions la laisser se reposer, dit Maggy en emmenant sa petite fille par l’épaule. Appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit Elie.

_ Oui, merci Maggy.

_ Bonne nuit, lui dit Charmy en refermant la porte.

Les deux femmes sortirent et Elie resta seule avec Eylen, observant les petites fleurs bleues dans ses mains. Les fleurs de puretés étaient l’une des raisons de la présence de la vieille guérisseuse dans ces montagnes.

Ces dernières, autrefois présentes uniquement aux abords de la frontière, avaient depuis une dizaine d’années, commencé à pousser à l’ouest du royaume. Elie, alors guérisseuse à la cité royale, avait entreprit d’emménager dans la région pour faire des recherches dessus.

En effet, ces petites fleurs étaient d’une grande utilité dans la fabrication des remèdes et autres soins. Leur particularité était que contrairement aux autres plantes, elles conservaient une partie de leur Energie après avoir été coupées. Après plusieurs années, elle avait découvert que l’on pouvait faire une potion à base d’essence de ses fleurs, et que cette dernière gardait leurs propriétés, même après plusieurs semaines de stockage. Ainsi, elle pouvait l’ajouter aux remèdes classiques et utiliser l’Energie transmise pour améliorer les soins et accélérer la guérison des patients.

Mais l’efficacité de cette solution dépendait aussi des forces du blessé, ainsi que de sa quantité d’Energie. La magie des plantes entrant en action lorsqu’elle rencontrait l’Energie de la personne soignée. Or, Eylen n’avait aucune Energie en elle avec laquelle les plantes auraient pu résonner.

La jeune fille s’agita dans son sommeil, fronçant les sourcils.

_ Non... Maman, Papa... ne restez pas là... le feu...

Elie s’approcha pour lui éponger doucement le front.

_ Là, petite. Je suis là... C’est fini, dit-elle en lui caressant tendrement les cheveux.

Cette dernière sembla s’apaiser à son contact, et se remit à respirer plus calmement. Elie sentait la fatigue gagner du terrain. Elle avait aussi besoin de dormir.

Mue par une intuition soudaine, elle déposa le bouquet de fleurs dans la main de la jeune fille. Elle avait déjà fait cette expérience à la Fuste, qui n’avait malheureusement rien donné, mais pour une raison qui lui échappait, cela lui sembla soudain être une bonne idée.

Elle fixa un moment Eylen attendant une réaction, mais rien ne se produisit. Qu’est-ce que j’espérais au juste ? Pensa-t-elle en secouant la tête.

Alors qu’elle s’apprêtait à sortir de la chambre, un mouvement attira son attention. La main d’Eylen s’était refermée sur le petit bouquet qui s’assombrissait à vue d’œil. Relevant le regard vers la jeune fille, Elie découvrit un spectacle qui la laissa sans voix, ébahie, au milieu de la pièce.

La porte se referma d’un coup, la séparant de sa famille en flammes.

_ Non ! Attendez-moi ! Maman ! Papa ! Cria-t-elle en tendant la main ver la maison.

Mais cette dernière s’éloignait d’elle à toute vitesse.

Elle était à nouveau dans la forêt, face à elle, les pieds dans les dunes de sable, se tenait un homme tout de blanc vêtu. Il tournait la tête, cherchant quelque chose du regard. Ou quelqu’un.

Soudain, elle sentit le regard sombre de l’homme se poser sur elle. Il était toujours trop loin pour qu’elle puisse percevoir les traits de son visage, si ce n’était sa peau brune. Pourtant, ses yeux noirs lui apparaissaient aussi clairement que s’il s’était trouvé à quelques pas d’elle.

Il semblait en colère, et semblait impatient. Il commença à marcher vers elle, le regard toujours fixé surelle.

Eylen recula, son cœur tambourinant dans sa poitrine. Il fallait qu’elle s’éloigne. Vite !

Elle se retourna pour courir, et sentit le souffle de l’homme dans son dos.

_ Où es-tu ! Lui cria-t-il d’un ton autoritaire.

Eylen se retourna sans s’arrêter. L’homme était toujours dans le sable, à la même distance. Elle se stoppa pour le fixer. Ouvrant la bouche pour répondre, elle ne pût sortir aucun son, contrairement à lui. Elle fronça les sourcils.

_ Où es-tu ?! ordonna-t-il encore plus fort.

Elle sentait l’impatience dans sa voix. L’homme tendit la main vers elle, et elle sentit sa gorge se serrer lorsqu’il referma soudainement le poing. Elle posa ses mains sur son cou, la respiration coupée.

Alors qu’elle perdait conscience et que tout devenait noir autour d’elle, elle entendit l’homme lui dire de loin.

“_ Attends-moi".

Eylen ouvrit les yeux d’un coup, reprenant avec force sa respiration. Se redressant dans le lit, elle aperçut Elie assise sur une chaise qui la fixait étrangement. Elle se frotta la gorge, se rappelant de la sensation d’étranglement qu’elle avait ressenti.

_ Hum... Bonjour, dit-elle la voix enrouée.

_ Bonjour.

Eylen regarda par la petite fenêtre le ciel orangé du matin.

_ J’ai dormi longtemps ?

_ Toute une journée. lui répondit la vielle femme calmement.

Elle la regarda, surprise. Elle essaya de se redresser, mais grimaça en sentant ses muscles endoloris peiner à lui obéir.

_ Fais doucement, tu risques d’être un peu courbaturée.

_ Pourquoi ?

_ Et bien ça, il va falloir que tu me l’expliques, jeune fille, lâcha abruptement la vieille femme.

Eylen la fixa, troublée.

_ De quoi tu parles ? Lui demanda-t-elle, légèrement agacée par le comportement de son amie.

Elie soupira et croisa les bras.

_ Que s’est-il passé avec Rose ? Qu’as-tu fait exactement.

Eylen baissa les yeux, essayant de se remémorer ce qu’il s’était passé.

_ Je lui ai fait boire une potion, que j’avais préparé avec une infusion de saule blanc et de sureau noir, mélangé à de l’essence de fleurs de puretés. Je voulais quelque chose de plus puissant, qui puisse faire baisser sa fièvre. Elle se mordit les lèvres, inquiète, relevant le regard. Ça n’a pas marché ?

_ C’était un très bon remède en effet, je l’ai moi-même goûté pour vérifier. acquiesça la vieille femme. Ensuite ?

_ Ensuite ? Et bien, j’ai épongé sa fièvre et vous êtes arrivées, toi et Maggy...

_ Tu n’as rien fait d’autre ?

_ Non ! Fit Eylen en secouant la tête, agacée. Je lui ai simplement donné la potion et c’est tout ! Qu’est-ce qu’il y a à la fin ?

_ Aaah... je ne sais pas. Mais le fait est que la fièvre de Rose à miraculeusement disparut lorsque nous sommes arrivées. Et toi, tu viens de passer une journée et une nuit entière à souffrir de cette même fièvre...

Eylen la regarda, immobile, son cerveau refusant de comprendre où voulait en venir son amie.

_ Je ne comprends pas.

_ Moi non plus, petite ! Je ne comprends plus rien !

Elie se redressa en soupirant, puis tendit la main pour l’aider à se lever.

_ Allez viens. Tu dois avoir faim, et il est temps que nous rentrions à la Fuste.

Eylen prit sa main avec gratitude, se relevant difficilement. Alors qu’elle suivait Elie dans le couloir, elle ne pouvait se défaire du sentiment de peur que lui avait transmis son rêve. Elle frotta pensivement sa gorge, espérant que ce dernier ne soit qu'un simple cauchemar dû à la fièvre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire R W ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0