Chapitre 25

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Le soleil était encore bas dans le ciel, lorsqu’Aodren et ses compagnons se présentèrent aux portes de la ville. Ils avaient décidé de venir à cheval, pour ne pas dévoiler la position de leur campement, espérant laisser penser aux gardes qu’ils arrivaient d’au-delà des bois.

Marwen se tenait à ses côtés, suivit de Laren et huit autres de ses chevaliers. Cela faisait un tout petit comité, délaissant certes la sécurité du prince, mais permettant ainsi de moins attirer les regards. Ils s’étaient d'ailleurs défaits d’une partie de leur armure, ne gardant que certaines pièces légères qui facilitaient leurs mouvements.

— Laissez passer ! les coupèrent les soldats qui gardaient la portent en leur barrant le chemin de leurs lances.

Aodren avança sa monture jusqu’à surplomber l’un des gardes.

— Je suis le prince Aodren, premier héritier du roi Kendall et futur roi du Royaume, dit-il plein d’autorité en bombant le torse. Laissez-nous passer !

Ils avaient convenu la veille qu’il valait mieux annoncer haut et fort qui il était. Écartant ainsi la possibilité qu’on leur refuse l’accès à la ville et surtout pour éviter que le maire ou l’empereur ne tente de se débarrasser d’eux discrètement.

Les deux gardes perdirent instantanément leurs couleurs et s’inclinèrent le plus bas qu’ils purent avant de les laisser passer. En traversant la porte, Aodren aperçut un jeune garçon qui partit en courant en direction du centre de la ville. Il court certainement avertir le maire. Parfait, je n’aurais pas à me représenter une fois arrivé devant la muraille intérieure.

Il laissa sa monture suivre l’allée principale, ses sabots claquants à chacun de ses pas contre les pavées de pierre. La ville avait été bâtie sur une colline qui surplombait la vallée, la rue principale remontait en pente douce sur une ligne droite d’environ cinq cents mètres jusqu’à la prochaine porte. Les maisons, sur deux niveaux, étaient collées entre elles et longeaient l’allée principale laissant quelques ouvertures pour des petites ruelles qui devaient certainement faire le tour de la ville.

Étrangement, ils ne croisèrent aucun étranger dans cette partie de la cité fortifiée. Les gens s’écartaient sur leur passage, leur jetant des regards curieux, certains paraissant plus hostiles que d’autre.

— C’est étrange, lui dit Maren en s’avançant à son niveau. Je ne vois aucun de ces fameux étrangers.

— Moi non plus. Et je n’ai pas l’impression que les habitants soient ravis de notre visite...

Ils franchirent la deuxième porte sans être interrompus, les garde ayant certainement été prévenus par le garçon qui était parti en courant.

Plus ils avançaient dans le cœur de ville, plus Aodren avait la sensation d’être oppressé. Ses mains étaient moites et sa gorge sèche. Il jeta un coup d’œil à Marwen qui serrait les machoire le regard concentré sur le chemin. Allez, détends-toi mon vieux. Tu es ici chez toi, se somma-t-il.

Il réalisa alors que les gens le fixaient désormais avec insistance, immobiles. Des guerriers étrangers étaient adossés aux murs de certaines maisons ou accoudés à des étals de marchands. Leur peau bronzée les faisait se distinguer des habitants de la cité, tout comme leurs yeux sombres et leurs armures faites de cuir noir et brillant. De quelle peau d’animal s’agit-il ? Se demanda-t-il en observant plus en détail leurs tenues. Leurs armures étaient faites de plusieurs pièces de cuir plus ou moins sombres qui se chevauchaient, protégeant l’ensemble de leur torse jusqu’aux épaules, elle aussi entièrement recouverte de ce même cuir étrange.

Ils regardaient le prince et ses compagnons le plus calmement du monde, comme s’il s’agissait de simples visiteurs dans leur ville. Aodren réprima un grognement et serra les dents, avant de talonner sa monture pour accélérer le pas. Autant en finir le plus vite possible.

Ils arrivèrent enfin devant la demeure du maire, qui ressemblait plus à un château qu’à une maison. Les murs fait de pierres grises, montaient sur plusieurs niveaux, de longue fenêtre en fer forgé habillant la façade sombre qui se terminait sur un toit fait d’ardoise noire. Si la bâtisse était restée la même que dans les souvenirs du prince, les jardins et les statues qui décoraient l’entrée semblait avoir pris en prestige. Ces dernière représentant des griffons en pierre blanche, veinée de noir et de gris.

Le maire était posté devant l’entrée, raide comme un piquet, prêt à les accueillir. Ses cheveux bouclés grisonnant étaient rabattus en arrière, ses joues rondes étaient rosies par le stress et ses petits yeux brun semblaient courir dans tous les sens, comme à la recherche d’un trou où il aurait pu se cacher. Il portait une robe, bleu roi et or, étirée par son ventre proéminant. On voit que ce n’est pas lui qui sort défendre la muraille de sa ville contre les monstres, pensa le prince avec dédain.

Il arrêta sa monture face au maire et tendit nonchalamment les rênes à l’un des gardes qui s’était approché.

— Bienvenue votre majesté, l’accueillit avec un grand sourire le maire en ouvrant les bras.

— Je suppose que vous êtes surpris de ma visite sire Lughen.

— Non ! Non, non. s’empressa de répondre le maire avant de se reprendre. Enfin, si ! Si, si. Mais c’est une agréable surprise ! Que me vaut cet honneur mon prince ?

— Mes hommes et moi-même sommes fatigués de cette longue chevauchée. N’allez-vous pas nous faire entrer ?

Le visage du maire s’affaissa quelque peu et il perdit légèrement de ses couleurs.

— hum, si bien sûr. Je vous en prie ! dit-il en lui montrant la voie, adressant un signe à l’un de ses domestiques qui se précipita devant eux. Je vais faire préparer une salle pour que vous puissiez vous reposer. Aodren le suivit dans le long couloir sombre, éclairé par les fenêtres de verre épais et flou.

— J’ai entendu dire que vous aviez un invité. N’est-il pas là ?

— Hum... oui, en effet. C’est un étranger qui se plaît à découvrir nos coutumes.

Le prince sentit l’agacement monter en lui.

— Vraiment ? Fit-il en s’arrêtant au milieu du couloir.

Il attendit que le maire se retourne pour le fixer sévèrement.

— Arrêtons cette comédie Lughen, et menez-moi à cet étranger.

Marwen, qui se tenait derrière lui, s’approcha pour se mettre à son niveau. Le maire les regarda et se triturant les mains, son visage ayant perdu toutes ses couleurs à présent.

— Oui, bien sûr mon prince. Je vous y amène.

Il se retourna rapidement, le dos rond tout en avançant jusqu’à la grande porte du fond où il frappa trois coups.

Cette dernière s’ouvrit sur le visage sévère d’un étranger qui le toisa avec arrogance. Il releva ensuite les yeux vers Aodren, Marwen et ses hommes avant de se tourner vers l’intérieur. Il parla dans une langue gutturale étrange, et après quelque seconde une voix forte et profonde lui répondit :

— laisse les entrer.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans la grande salle, Aodren sentit un poids peser sur ses épaules, et eu tout à coup l’impression de suffoquer. Il reprit difficilement sa respiration, érigeant une légère barrière magique autour de lui et reconnut le grand hall dans lequel le maire donnait autrefois les banquets en l’honneur de ses invités, notamment la famille royale.

La pièce avait été vidée de ses tables, un gigantesque tapis de laine rouge et or occupant tout l’espace. Sur l’estrade haute de deux marches, un homme était installé dans un grand fauteuil en bois, une jambe posée sur l’autre, appuyé sur les accoudoirs, le menton posé nonchalamment sur son poing. Il portait des scandales en lanière de cuir, un simple pantalon blanc, laissant son torse musclé entièrement nu, dévoilant une imposante cicatrice ronde sur la poitrine. Ses épaules couvertes d’épaulière en cuir noir comme les armures de ses guerriers. Ses cheveux noirs et brillants étaient coupés court, son menton carré rasé de près et ses yeux d’un noir profond, qui mirent mal à l’aise le prince.

Une sensation de malaise s’empara alors de son corps et il sentit sa tête lui tourner tandis qu’un frisson glacé lui frôlait l’échine. Il eu l’envie soudaine de mettre un genou à terre et du lutter de toutes ses forces pour rester debout. Derrière lui, il entendit ses compagnons perdre l’équilibre et tomber au sol. Marwen lui, resta debout les poings serrés et les yeux fixés au loin.

Aodren suivit le regard de son ami et remarqua alors les deux hommes qui se tenaient de chaque côté de l’étranger.

L’un d’eux,un étranger en armure à la carrure d’un ours, avait des cheveux brun coiffés en milliers de petites boucles luisantes, tirés en arrières par un lacet de cuir. De l’autre côté du fauteuil, Aodren reconnut celui que devait être le fameux mage dont leur avait parlé Yrua la veille, Rainir. Il portait une longue robe brune en laine typique des mages de seconde classe, ses mains croisées devant lui et il fixait Marwen avec une expression indéchiffrable. Ses cheveux blancs en bataille lui tombaient presque par-dessus ses yeux clairs, et son visage émacié était parsemé de taches de rousseur. Il portait serré autour du cou un étrange collier doré qui dénotait avec son humble tenue.

Est-ce là l’un de ses fameux bijoux que l’empereur offre aux habitants ?

Aodren reporta son attention sur l’homme assis sur le fauteuil qui fixait intensément Marwen. Ce dernier était à présent devenu aussi pâle que le maire, des gouttes de sueur perlant sur son front. Aodren se racla la gorge pour rapporter l’attention de l’étranger sur lui.

— Bienvenue, Prince Aodren, dit enfin l’homme d’une voix profonde qui résonna avec force dans toute la salle.

Aodren lutta pour soutenir l’intense regard de l’homme toujours accoudé à son siège.

— C’est bien la première fois qu’un étranger me souhaite la bienvenue sur mon territoire, répondit-il en relevant tant bien que mal le menton.

Il n'était pas très doué pour créer des sorts de protection et sentait sa maigre barrière commencer à flancher. L’empereur lâcha un petit rire avant de continuer.

— Je ne voulais pas vous offenser prince, dit-il en relevant les mains. Je ne suis pas encore au fait de tous vos protocoles. Je ne suis en effet qu’un étranger sur ces terres venu découvrir la culture de votre magnifique royaume.

Le prince constata avec stupéfaction que l’empereur parlait parfaitement leur langue. Comme s’il l’avait parlé toute sa vie.

— Vous me voyez ravi que mon royaume vous plaise empereur. Je vois que vous avez rapidement appris notre langue, cela m’honore. Cependant, je suis surpris de ne pas avoir été informé plus tôt de votre arrivée sur nos terres, continua Aodren en lançant un regard par-dessus son épaule au maire qui était resté à l’entrée de la salle, pâle comme un mort.

— N’en veuillez pas à sire Lughen , c’est moi qui l’ai prié de ne pas en informer tout le territoire, répondit l’homme.

Aodren se racla la gorge avec difficulté avant de reprendre :

— Le maire étant un des sujets du royaume, c’est au roi avant tout qu’il doit obéir, pas à vous. Mais passons je règlerai ça avec sire Lughen en temps voulu. Jusqu’à quand comptez-vous rester dans notre royaume empereur ? Non pas que je veuille vous chasser, mais la bienséance veut que les étrangers qui souhaitent visiter nos terres viennent tout d’abord se présenter au Roi.

L’empereur le fixa sans rien dire, plissant les yeux, son sourire ayant disparu.

— Si vous souhaitez découvrir la culture de notre peuple, continua Aodren, la cité royale est le meilleur endroit pour cela. Surtout si vous êtes intéressé par la magie, comme j’en ai entendu parler.

Les yeux de l’empereur semblèrent s’illuminer soudainement et il se redressa dans son siège.

— En effet, je suis passionné par cette pratique ! Mon ami Rainir essai justement de m’en expliquer les bases depuis quelque temps. Mais je suis convaincu qu’il serait tout aussi intéressant d’étudier auprès d’autres de ses confrères, dit-il en posant son regard sombre et froid sur Marwen. Si je ne m’abuse, vous êtes d'ailleurs accompagné par l’un deux...

Aodren sentit son cœur s’affoler et son corps se figer. Comment sait-il que Marwen est un mage ? Est-ce Rainir qui l’en a informé ?

— Je serais honoré de vous enseigner notre art empereur, intervint Marwen d’une voix douce et posée. Malheureusement, je dois m’en retourner à la cité pour m’occuper de mes patients. Peut-être pourriez-vous passer me voir après avoir rendu visite au roi.

L’empereur eut un rire bref avant de répondre avec un léger sourire en coin :

— Pourquoi pas. Je dois justement rencontrer une autre personne en chemin, allez-vous m’y guider mage ?

Marwen le regarda sans comprendre.

— Nous pouvons vous escorter si vous le souhaitez, intercéda Aodren.

— Parfait ! S'exclama l’empereur en se redressant. Allons-y de ce pas.

Aodren recula d’un pas, étonné.

— Et bien... Nous ne pouvons pas partir ainsi pour la capitale sans en informer au préalable le roi.

L’empereur se laissa à nouveau tomber sur son siège. Le visage contrarié, il observa un moment le prince sans rien dire avant de répondre :

— Et bien soit, retournez donc prévenir le roi.

Aodren sentit le poids qui pesait sur ses épaules s’alléger et se sentit tout à coup plus libre de ses mouvements.

— Je m’en vais donc informer le roi de votre visite empereur.

— Bien, fit l'homme en lui souriant étrangement.

Aodren se retourna, suivit de Marwen et de ses hommes qui s’étaient redressés. Ils avaient presque atteint la porte lorsque la voix de l’empereur résonna jusqu’à eux, menaçante.

— Ne traînez pas Aodren...

Le prince se retourna vivement vers l’empereur qui était penché en-avant sur son fauteuil. Les coudes posés sur les accoudoirs du siège, son visage reposant sur le dos de ses mains, une étrange lueur brillait dans son regard.

— J’attends cette rencontre avec impatience depuis trop longtemps déjà...

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