Chapitre 26

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Une fois sortis de la demeure du maire, Aodren se tourna vers ce dernier pour le prévenir :

— Cette affaire n’est pas terminée sire Lughen, vous aurez à en répondre devant le roi et ses conseillers.

Le maire acquiesça sans rien dire, le visage encore blafard.

Aodren et ses compagnons remontèrent en selle et repartirent vers la sortie de la ville. Le prince mit sa main en visière pour observer le ciel, le soleil était à présent caché par de gros nuages gris menaçants.

Marwen remonta à son niveau, il semblait encore un peu blême, la sueur perlant toujours sur son front.

— Aodren, dit-il en gardant le regard droit devant lui. Rainir nous a lancé un sort de traçage...

— Tu peux nous en débarrasser ? Demanda le prince sans le regarder.

— Pfff, bien sûr. Son sort est ridiculement faible, grossier et sans aucune discrétion, répondit le mage avec un petit sourire dédaigneux. Mais une fois que je l’aurais annulé, ils sauront que nous avons compris leur stratagème...

— … L’empereur va donc envoyer ses hommes nous suivre, énonça Aodren, pensif.

Il jura intérieurement. Il ne serait pas compliqué pour les hommes de l’empereur de deviner où se cachait leur campement, installé dans les bois au sud de la ville, non loin de la route principale.

Aodren et ses compagnons traversèrent sans encombre la première muraille et rejoignirent l’allée principale.

— Le tout est de savoir si l’empereur veut simplement nous suivre ou s’il compte nous attaquer... continua-t-il à l’intention du mage.

— Majesté, intervint Laren qui s’était avancé à leur hauteur. J’ai repéré plusieurs étrangers qui nous suivent à pied, plus ou moins discrètement.

Ils ne prennent même pas la peine de se cacher !

Aodren grogna et jura entre ses dents.

— Marwen, une fois que nous aurons quitté la ville, tu déferas le sort du mage. Nous allons nous séparer en plusieurs groupes, afin de connaître leurs intentions.

Marwen et Laren acquiescèrent discrètement, tendant l’oreille.

— Laren tu te dirigera avec un chevalier en direction de la cité royale. Marwen, tu fonceras vers les bois en direction du campement et j’irais à l’ouest avec quatre de nos hommes. Les hommes de l’empereur devraient prendre Laren en chasse, pour l’empêcher de prévenir le roi, et peut être mon groupe, pour m’assassiner ou me capturer. Marwen, tu te chargeras de prévenir le campement, je ne pense pas qu’ils te suivent, mais tu prendra tout de même trois hommes avec toi, au cas où...

Marwen se tourna vers son ami, le regard inquiet.

— Aodren, je ne pense pas que nous devions nous séparer. Viens avec moi vers le campement, c’est plus prudent.

— Non, fit le jeune homme en secouant la tête. J’ai besoin de savoir si l’empereur en a après moi ou pas.

Marwen serra les mâchoires, mais ne le contredit pas plus.

Une fois qu’ils eurent enfin passé la porte du rempart extérieur, de grosses gouttes de pluie commencèrent à tomber du ciel et l’orage se mit à gronder de façon menaçante. Ils se séparèrent rapidement en trois groupes et partirent chacun au grand galop.

Aodren et ses hommes galopèrent quelques minutes à toute allure en direction de la pointe de la forêt qui rejoignait la route principale et le campement. Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et aperçut, à l’entrée de la ville, les hommes de l’empereur qui enfourchaient leurs montures. Il se retourna vers les bois et talonna son cheval pour atteindre les arbres qui se trouvaient bonne distance de galop.

Une fois a couvert, il s’arrêta et observa la plaine. Les étrangers, une bonne dizaine, fonçaient à toute allure aux trousses de Marwen et ses hommes qui avaient eux aussi presque atteint le bois.

Aodren fronça les sourcils sans comprendre. En était-ce après le mage que l’empereur en avait, finalement ?

— Merde ! cracha-t-il les dents serrées en talonnant sa monture.

Le camp est à l’autre bout du bois, Marwen n’y arrivera pas avant qu’ils ne l’atteignent ! Il longea les arbres en direction de la route pricipale pour rejoindre ses hommes de l’autre côté de la forêt. La pluie leur battait le visage et gênait leur visibilité, mais il aperçut tout de même les hommes de l’empereur qui s’infiltraient dans les bois. Le prince poussa un peu plus son cheval, qui hennit d’agacement, mais lui obéit tout de même en accélérant l’allure.

Lorsqu’ils s’engouffrèrent à la suite des étrangers, les branches d’arbres les protégèrent de la pluie drue tout en les plongeant dans l’obscurité. Une explosion suivie de cris et d’un énorme craquement retentirent, laissant supposer que Marwen avait dû lancer un sort contre ses assaillants. Aodren sourit tout en dirigent le plus rapidement possible sa monture sur le chemin sinueux. Son ami ne se laisserait pas faire si facilement. Vous allez voir ce que ça fait de chercher des noises à l’un des meilleurs mages de l’académie !

Ils débouchèrent enfin sur une petite clairière où s’affrontaient Marwen et les étrangers. Ce dernier avait mis pied à terre, sa monture couchée derrière lui, faisant face à ses adversaires. L’un des chevaliers d’Aodren était posté dos au mage, son épée tirée devant lui et les deux autres qui les accompagnaient étaient en plein combat. Un tronc d’arbre calciné était tombé à terre, encore fumant, près de ce qui devait être le corps calciné de l’un des étrangers.

L’un des hommes d’Aodren poussa un cri avant de s'effondrer sur le sol, une hache plantée dans le crâne. Le prince talonna son destrier en criant vers les quatre ennemis qui tentaient d’encercler le mage. Il en eut un par surprise, lui déchirant la nuque de sa lame aiguisée. Puis il contra l’arme d’un autre homme qui s’était retourné. Aodren vit du coin de l’œil ses compagnons prêter main forte au mage et se reconcentra sur son propre combat.

Son adversaire, profitant de son inattention, entailla la patte de son cheval avec une dague qu’il tenait de son autre main. Son cheval se cabra, donnant des coups de sabot devant lui tout en hennissant et fini par toucher l’homme à l’épaule avant de s’écrouler en avant, catapultant Aodren par-dessus lui. 

Ce dernier amortit sa chute tant bien que mal par une roulade, avant de finir un genou au sol. Il se retourna aussitôt pour faire face à son ennemi qui fonçait sur lui, son étrange épée courbée levée au-dessus de sa tête. Le prince releva sa propre arme juste à temps pour parer le coup de ses deux mains, et l’homme lui envoya alors un coup de pied dans le menton, le propulsant à terre.
Aodren éprouva une vive douleur dans la mâchoire et sentit le sol tanguer sous l’effet du choc. Son adversaire le surplomba de toute sa hauteur, la pointe de sa lame dirigée vers sa poitrine. Aodren lança alors sa jambe pour faucher celles de son ennemi qui s’étala en arrière sur le sol, puis se jeta sur lui, appuya sa lame contre sa gorge et la trancha d’un geste vif, laissant jaillir un geyser de sang chaud.

Alors qu’il se relevait avec difficulté, frottant sa mâchoire douloureuse, il se retourna vers le centre la clairière. Quatre de ses hommes étaient au sol, tandis qu’un autre finissait d’achever le dernier des étrangers. Marwen était à genoux, un cercle noir d’herbe brûlée s’étendait tout autour de lui, trois de leurs ennemis gisant à terre, leur corps encore fumants.

Aodren s’approcha de son ami immobile qui semblait fixer le sol. Il s’avança encore et distingua un filet de sang qui coulait de sa bouche. Baissant les yeux, il découvrit alors la poignée d’une dague plantée dans le ventre du mage.

— Marwen, s’écria-t-il en s’élançant vers son ami.  

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