L'homme et le violoncelle
de cigarette et enfile son imperméable beige. Il visse sur sa tête son petit béret, noue les lacets de ses chaussures à petits talons et prend les clés sur le petit meuble à l'entrée. La main sur la poignée, il hésite, pèse le pour et le contre, et se ravise. Il marche alors jusqu'à l'armoire de sa chambre et en sort son petit parapluie noir.
Dans la rue, Robert resserre le col de son long manteau sur son cou. Bon sang, que le vent est mordant, aujourd'hui ! Mais l'air frais d'octobre le revigore, et c'est avec un sourire flottant sur les lèvres qu'il prend la direction du fleuve. Sur son chemin, Robert ne cesse de regarder autour de lui. Il adopte très vite une marche qui lui permet de découvrir une énième fois son quartier. Lorsqu'il passe devant la petite boulangerie où il a l'habitude d'aller chercher son pain tous les jours, l'odeur des viennoiseries lui chatouilles les narines. Il se promet d'en acheter au retour.
En face de lui, une mère promène son bébé dans un landau. Il descend alors du trottoir et marche sur la chaussée. La femme le remercie avec un sourire chaleureux.
L’asphalte est mouillé, signe qu'il a plu récemment. Une voiture passe à côté de lui, soulevant une timide gerbe d'eau.
Arrivé au passage piéton, Robert regarde à gauche, à droite, puis de nouveau à gauche. Il traverse et rejoint la berge du fleuve. Là, il prend le temps de regarder le paysage qui s'offre à lui. Au loin, il peut apercevoir le petit parc de la ville, adjacent au fleuve. Il prend alors une grande inspiration. Il apprécie vraiment l'odeur de la pluie et de l'herbe mouillée. À chaque fois, il a l'impression d'être transporté dans un monde parallèle, plus doux. Ce sont les temps comme celui-ci qui l'apaisent totalement. Robert reprend sa marche, plus léger et heureux que jamais. Il se sert du petit parapluie noir comme d'une canne. « Tac. Toc. Toc. Tac » fait le petit bout pointu à chaque fois qu'il touche le sol.
Soudain, Robert s'arrête. Il s'approche du petit parapet qui surplombe le fleuve. À côté, des escaliers donnent accès au cours d'eau.
Un jeune homme peint un paysage. Robert reconnaît le petit chemin en bas. Il a l'habitude de le prendre, également.
Mais ce n'est pas lui qui a attiré son attention. Non. Juste à côté, se trouve un violoncelle. Il est posé en équilibre sur une espèce de trépied pour instrument. Robert n'y connaît rien à la musique. Il regarde alors autour de lui et tourne sur lui-même. Personne ne semble se préoccuper du violoncelle. Il est posé au milieu de la petite place, comme abandonné.
Une goutte d'eau s'écrase sur son imperméable. Robert lève les yeux au ciel. Il commence à pleuvoir. Robert regarde son compagnon. Il ne faudrait pas que le bois prenne l'humidité. Alors, Robert ouvre son petit parapluie noir et le place au dessus du violoncelle.
Là, au beau milieu de l'esplanade, Robert tient compagnie au violoncelle. Un peintre donne un dernier coup de pinceau à sa toile avant de ranger son matériel.
— Mais que faites-vous ?
Robert se retourne. C'est le peintre. Il le regarde avec un air consterné sur le visage. Il ne doit pas comprendre ce que Robert fait.
— Je protège ce violoncelle en attendant que son propriétaire revienne le chercher. Il ne faudrait pas qu'il prenne la pluie.
Robert est content. Il a bien fait d'avoir emmené son petit parapluie noir.
En réponse au défi "4 photographies – Robert Doisneau".
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