La fontaine miraculeuse
N.B. : Ce défi est construit en deux parties. La seconde apporte une explication rationnelle à la première. Si vous souhaitez rester dans le mystère, ne lisez pas la seconde partie.
Première partie
Enfin. Son visage s'illumina et il tomba à genoux. Des perles salées ruisselèrent sur ses joues creuses. Il n'arrivait pas à y croire. Pourtant, il ne rêvait bel et bien pas. Il lâcha la grande carte froissée et à certains endroits déchirée qui l'avait emmené jusqu'ici. Elle souleva une légère fumée de poussière et de terre lorsqu'elle toucha le sol. Le papier était jauni et terne, des taches de substances indescriptibles le pigmentaient à certains endroits.
Il était enfin arrivé. Il avait réussi. Pris d'une fièvre soudaine, il se releva péniblement, se délesta de son sac à dos trop lourd ui entravait ses mouvements, enleva chapeau et gants et se précipita dans la cavité sombre qui se dressait devant lui. Sa silhouette fut rapidement engloutie par l'obscurité.
Ses yeux s'habituèrent à la faible luminosité et bientôt, il put totalement se fier à son sens pour avancer. Il posa sa main sur une paroi et avança, faisant attention à ne pas trébucher ou se blesser.
Le spectacle qui s'offrit à lui au détour d'un couloir de roche le subjugua. Il ralentit son allure et jeta des regards émerveillés autour de lui. Il n'avait jamais vu une grotte aussi magnifique que celle dans laquelle il s'aventurait : elle était immense, bien plus grande que ce qu'elle laissait penser du dehors. Des champignons bleus luminescents projetaient une douce lumière bleutée qui se reflétait sur les parois de la grotte en ondes. Çà et là, de géantes stalactites et stalagmites de pierre perçaient le plafond ou sortaient du sol pour se rejoindre, créant d'énormes colonnes de roches de plusieurs mètres de diamètre. Il tendit l'oreille et son cœur s'affola dans sa poitrine lorsqu'il identifia le son. De l'eau s'écoulait non loin. Il accéléra le pas, l'excitation le submergeant peu à peu. Il se retrouva sur un promontoire et se pencha pour regarder en bas. Il vit alors des petits cours d'eau pareils à des veines, sinuer entre les colonnes de pierre. L'eau avait érodé la roche, creusant peu à peu son propre chemin. Certains se rejoignaient au détour d'un petit rocher pour créer un ruisseau, d'autres restaient seuls.
Mais tous se dirigeaient vers un seul et même endroit. Avisant un petit escalier naturel, il se dépêcha de descendre, faisant attention à ne pas glisser sur les pierres humides. Une fois en bas, il s'empressa de suivre les ruisseaux. L'eau était incroyablement claire, purifiée de toute pollution. Il marcha quelques minutes, les yeux rivés sur le sol. Un clapotis plus fort résonna alors, le faisant relever la tête. Il s'arrêta net et resta interdit.
Il n'était pas seul dans cet endroit hors du monde. Son instinct d'aventurier et d'homme méfiant le poussa à se cacher, à ne pas se dévoiler. Le trésor qu'il avait trouvé ne devait pas être partagé. Il n'appartenait qu'à lui. À lui seul. Mais son corps ne lui répondait plus, complètement envoûté.
Devant lui, à quelques mètres de là, une magnifique créature se tenait à moitié allongée dans une fontaine en marbre blanc. Elle jouait joyeusement dans l'eau avec ses mains, n'ayant pas encore remarqué sa présence. Ses cheveux blonds cascadaient sur sa poitrine nue et certaines pointes de ses mèches se perdaient dans l'eau peu profonde du bassin. Elle portait sur sa tête un diadème en argent, surmontée d'une petite perle d'ivoire.
Soudain, des gouttes d'eau éclaboussèrent son visage de porcelaine et, passé l'effet de surprise, son rire inonda la grotte, pareil au carillonnement de mille clochettes. Il n'avait jamais entendu une aussi douce mélodie auparavant. Il aurait pu passer le restant de sa courte vie à écouter la douce mélodie qui se jouait dans ses oreilles.
Il fit un pas en avant, et la créature, alertée par le bruit d'un caillou qui ricocha, releva la tête. Ses immenses yeux d'un bleu intense se posèrent sur l'homme devant elle. Il déglutit, croyant lui avoir fait peur. Mais le sourire qu'elle lui adressa suffit à le rassurer, et à charmer son cœur par la même occasion.
Sa voix d'une pureté enfantine fit vibrer l'air lorsqu'elle prit la parole :
— Oh, un visiteur ! Je suis tellement contente de vous voir, ici.
Il fallut plusieurs secondes pour qu'il puisse rassembler son courage et lui répondre :
— Je... Je ne voulais pas vous faire peur.
— Mais ce n'est pas le cas, rassurez-vous. Au contraire, je commençais à m'ennuyer à jouer tout seule. Si vous saviez depuis combien de temps je suis ici...
La moue triste de la créature lui fendit le cœur. Un inexplicable sentiment d'héroïsme le parcourut de la pointe de ses cheveux jusq'auu bout de ses orteils : il devait lui venir en aide.
— Je suis là, maintenant... lança-t-il timidement en faisant un pas en avant.
Il sentit une vague de chaleur se répandre dans son corps lorsque le visage de la créature s'illumina de nouveau.
— C'est vrai ? Oh, comme je suis contente !
Elle frappa des mains, heureuse. Alors elle se leva, fit un pas en avant, les pieds toujours dans l'eau pure de la fontaine et tendit les bras devant elle.
— Venez me rejoindre, que nous nous amusions tous les deux.
La nudité de la jeune femme ne le troubla pas alors qu'il avançait vers elle. Il avançait, les yeux plongés dans ceux de la créature, ne pouvant se détacher de son regard azur. Tout ce qu'il désirait à cet instant, était de la rendre éternellement heureuse. Ainsi, il pourrait contempler pour toujours son doux sourire. Il sentit une onde de bien-être l'envelopper au fur et à mesure qu'il se rapprochait de la créature. Elle lui adressa un sourire étincelant. Il le lui rendit. Il enjamba le petit rebord de marbre et il posa le pied, puis le second dans l'eau pure. Enfin. Il se tint debout face à la jeune femme, la regardant toujours dans les yeux.
Son cœur s'affola quand la magnifique créature franchit l'espace qui les séparer. Les battements de son organe s'intensifièrent quand la magnifique créature approcha son visage de nacre vers le sien. Son sang bouillit dans ses veines quand la magnifique créature apposa ses lèvres glacées sur les siennes. Enfin. Il avait atteint la source. Et il ne voulait plus jamais la quitter.
Deuxième partie
— On a quoi ?
— Homme de quarante-trois ans, un mètre soixante-dix-huit pour soixante-treize kilos, je dirais. Il a été trouvé baignant dans une fontaine à l'intérieur de la grotte.
Le capitaine Dumont releva les yeux du cadavre allongé sur une civière et regarda la grotte. Ainsi, tout était vrai. Il avait été appelé par le commissaire deux heures auparavant qui lui avait demandé de se rendre dans ce lieu isolé de tout parce qu'on venait de trouver un cadavre. Enfin, on supposait en trouver un. Une femme s'était rendu au commissariat plus tôt dans la matinée pour signaler la disparition de son mari. Selon elle, il était parti chercher « une source d'eau magique ». Elle avait donné aux enquêteurs une vieille carte jaunie par le temps en les suppliant de se rendre ici pour vérifier si son mari n'y était pas. Le capitaine avait trouvé cela vraiment étrange. Mais le cadavre qu'il avait devant lui prouvait que c'était bel et bien la vérité.
— Meurtre ?
La médecin légiste secoua la tête, perplexe.
— Suicide. Enfin, c'est ce que les premières constations me laissent penser. Aucune trace de lutte. Tout ce que je peux dire, c'est que ce gars-là est mort empoisonné. Regardez au niveau de ses lèvres.
Le capitaine se pencha pour mieux voir. Une mousse blanchâtre sortait aux commissures de celles-ci.
— Il a aussi les yeux révulsés, indiqua-t-elle en relevant ses paupières fermées.
— Je vois.
Il releva la tête et aperçut des hommes en combinaison hermétique et qui portaient des masques à gaz sortir de la grotte.
— Pourquoi tout ça ? demanda-t-il en faisant un geste de la main dans leur direction.
La femme tourna la tête avant de reporter son attention sur le capitaine.
— C'est le problème capitaine, vous ne pourrez pas accéder tout de suite à la scène de crime – si crime il y a – à moins de vous munir d'une combinaison identique.
Le capitaine Dumont fronça les sourcils.
— Plus tôt, je vous ai dit qu'il avait été empoisonné. Eh bien, le poison proviendrait de l'air de la grotte.
Un homme en tenue scientifique s'approcha d'eux et tendit un compte-rendu à la femme.
— C'est bien ça. D'après les premiers résultats des prélèvements faits sur place, le poison ne se diffuse que dans l'atmosphère particulière de la grotte. Il cesse d'agir lorsqu'il en sort, et ce, même si on l'a respiré quelques minutes auparavant.
— On connaît l'origine du poison ?
La médecin hocha la tête.
— Selon eux, il viendrait de...
Elle regarda le capitaine.
— Eh bien dites-moi ! s'exclama le capitaine.
— ...De gros champignons bleus luminescents, termina-t-elle.
En réponse au défi "La source".
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