Chapitre 3 : Vacances de fin d'année

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Shoyo


Les vacances de fin d'année me semblaient interminables. J'étais impatient d'avoir mes résultats mais je ne pouvais qu'attendre. Mais je ne pouvais pas passer le temps en lisant tranquillement mes BD-AD parce que mon frère parlait sans cesse et en sautant partout.

« J'ai trop hâte qu'on reçoive la télévision ! Imagine tout ce qu'on va pouvoir regarder ! Et sans aller au cinéma ! J'ai trop hâte de voir mes dessins animés ! »

L'empire de Neyast avait une grande avance technologique sur nous. Et grâce aux derniers accords commerciales, notre empire pouvait enfin accéder à une partie des appareils. C'était déjà Neyast qui avait commercialisé et installé les cabines téléphoniques dans un bon nombre de villes. De même, pour les véhicules motorisés même s'ils n'étaient pas encore très répandus. Ces accords étaient encore récents, c'est pour cela que nous n'avions pas encore adapté nos villes et nos habitations pour toutes les nouveautés.

Et bientôt, notre empire pourrait obtenir ces télévisions et avoir accès à plusieurs programmes. Mes parents avaient pris un abonnement supplémentaire pour accéder aux programmes de leurs choix quand ils voulaient. Ils disaient que c'était pour ne pas rater un épisode d'une série. Personnellement, je m'en fichais. Je n'avais jamais été un très grand consommateur de films ou séries au cinéma, alors ça ne changerait pas si ça venait chez moi.

« Il paraît qu'il y aura beaucoup de films de Mir ! »

Mir était une jeune célébrité de cet empire, apparemment très à la mode. Koayo en avait déjà parlé quelques fois. Commençant à regretter que cet accord soit passé, je regardai mon frère dans une tentative de lui faire comprendre qu'il devait se calmer. Mais ça ne fonctionnait pas. Du haut de ses 7 ans, Ico était très agaçant.

« Vous pensez qu'il y aura un dessin animé ou un film sur la vieille légende ?

– Jamais de la vie, dit ma mère.

– Pourquoi ?

– Chris, tu peux lui répondre ? »

Ma mère lui montra son livre, indiquant qu'elle essayait de comprendre une procédure médicale pour son travail. Elle était infirmière. Mon père comprit que c'était surtout parce qu'elle avait besoin de calme.

Même si leur comportement était assez différent, Ico ressemblait beaucoup à ma mère. Ils avaient tous les deux les cheveux blonds et les yeux bleus foncés. Mon père et mon oncle avaient les mêmes couleurs de cheveux et de yeux que moi, comme mon grand-père.

« J'en doute, mon grand. Qui voudrait jouer le rôle de Rozenn ? Maintenant, tu veux bien aller jouer dans ta chambre ? Ta mère et moi avons du travail.

– Et si je l'emmenais faire un tour en ville ? Proposai-je. On pourrait aller voir les décorations pour les fêtes ? Anton et Anatole pourraient venir aussi. »


Anatole et Anton avaient respectivement 18 et 9 ans. Ils étaient tous les deux blonds comme leur mère, mais Anton avait les yeux verts de sa mère et Anatole avait ceux de son père. Nous étions assez proches les uns des autres. Nos pères l'étaient aussi, ils avaient même acheté des maisons voisines pour que notre clan ne soit pas éparpillé.

Nous étions donc allés chercher nos cousins et étions partis admirer les décorations du nouvel an, comme beaucoup de personnes. La plupart des clans laissait leur jardin ouvert pour que tout le monde puisse s'y promener.

Nous avions commencé par celui du clan Gurashi, le deuxième clan le plus puissant de notre ville. Leur symbole était un carré devant deux triangles se touchant au centre de ce carré. L'entrée était surveillée par Voda et Kunji. Je ne les connaissais pas vraiment, mais j'entendais souvent parler d'eux par nos professeurs.

Ces derniers disaient qu'ils étaient une des fiertés de l'école car ils avaient formé un excellent duo. Et ils n'avaient que 18 ans. Kunji, du clan Rida, était un médecin-sodur, il avait les cheveux gris et les yeux jaunes. Voda, l'héritier du clan Gurashi, avait les cheveux blonds, toujours décoiffés, et des yeux mauves. Ça le démarquait des autres membres de son clan qui avaient tous les yeux verts.

Ma cousine échangea quelques mots avec ce dernier. Comme Anatole était l'héritière de mon clan, ils se voyaient à chaque réunion de chefs de clan. Elles avaient lieu une fois par mois et les héritiers étaient toujours présents. Kunji en profita pour me parler.

« Je crois que tu es dans la classe de Naje ? Si tu le vois, tu pourrais lui rappeler de venir à la prochaine réunion des chefs ?

– Pourquoi il…

– Il le fera, me coupa Anatole. »

Elle me poussa vers le jardin, me faisant comprendre que je ne devais pas poser ma question. Lorsque mon frère et le sien se sont éloignés, elle m'expliqua.

« Je sais que tu voulais demander pourquoi il devait y aller. C'était il y a quelques mois lors d'une réunion que Hagop a décidé que Naje l'accompagnerait.

– Il l'a désigné comme héritier ?

– Non, certainement pas. Ça serait très mal vu de mettre un bâtard à cette place. Surtout qu'il n'est même pas un Rida.

– Pourquoi il a décidé ça alors ?

– Disons qu'il a voulu que Naje s'implique davantage dans les affaires du clan. C'est une manière de lui apprendre comment les choses fonctionnent pour qu'il puisse se débrouiller le jour où Hagop ne sera plus de ce monde.

– Et qui prendre sa place le jour où ça arrivera ?

– Personne ne sait. Si Hagop ne désigne pas d'héritier avant sa mort, le clan devra en élire un. »


Après cette visite, nous étions allés manger dans un restaurant et nous avions continué notre promenade, la ville était encore animée malgré l'heure tardive. Il devait être minuit passé lorsque nous avions atteint le manoir des Rida. Leur jardin était décoré de couleurs douces et le bassin était absolument magnifique, la lune se reflétait sur l'eau et nous avons pu profiter du spectacle depuis le kiosque, nous observions les poissons alors que la neige commençait à tomber.

Nous allions partir lorsque j'aperçus quelqu'un sortir par une fenêtre du troisième étage du manoir. C'était Naje. Je savais qu'il séchait les cours mais j'ignorais qu'il faisait le mur, à supposer qu'il avait un couvre-feu. J'allai vers lui, disant à ma famille que je revenais. Il descendit en s'accrochant aux pierres et aux fenêtres, puis il sauta dans l'arbre le plus proche et retomba sur le sol sans blessure. En m'approchant, je vis qu'il portait un sac et qu'un katana était sanglé à son dos.

« Ton asociabilité t'empêche de passer les fêtes avec nous ? »

Naje se tourna vers moi, souriant légèrement.

« Je voulais juste m'éloigner de toi.

– Tu pars où comme ça ?

– Tu veux vraiment le savoir ? »

Non, mais je devais admettre que j'étais un peu curieux.

« Qu'est-ce que tu vas faire ?

– Quelques missions.

– On ne peut pas faire de mission à moins d'être un sodur accompli ou d'être en équipe sous la tutelle d'un maître. Tu ne devrais pas avoir le droit de partir comme ça.

– Serais-tu jaloux ? »

J'avais envie de le cogner.

« Quel genre de missions ?

– Livrer des lettres.

– Pourquoi maintenant ? On est en vacances.

– Parce que je suis payé plus cher. »

C'était un bon plan. Personne ne voulait travailler à cette période de l'année alors ceux qui acceptaient étaient payés plus. Mais je doutais vraiment qu'il ait besoin d'argent. Mais Naje ne me dirait rien. Après tout, il n'avait pas à le faire. Nous n'étions pas amis. Alors je lui transmis le message de Voda et partis.


La veille du nouvel an, la ville était remplie de lumière et d'activités en famille. Les rues étaient encore plus animées que les nuits précédentes. Les commerçant avaient installé de nombreux jeux classiques des fêtes et plusieurs stands de nourritures.

Nous fêtions le nouvel an en célébrant la guerre contre les démons. C'était une manière de célébrer le nouveau départ de notre société après le combat contre Rozenn. Toutes les activités reprenaient le thème de cette guerre : lancer de haches sur des statues de démons ; histoires racontées de bouches à oreilles ; pièces de théâtre… C'était aussi l'occasion de rendre hommage aux clans fondateurs en allumant des bougies.

Comme beaucoup de personnes, nous nous baladions en famille, mes parents, mon frère et moi. Nous mangions des brochettes de viandes en marchant. Nous avions acheté des statuettes à faire brûler devant chez nous, ça servaient à éloigner les démons. Et nous étions impatients de voir la grande statue se dévoiler et brûler. C'était une tradition : créer une grande statue à l'image d'un démon et l'enflammer pour que la nouvelle année commence avec l'image d'un monstre détruit.

« Maman ! On peut acheter des bougies ? Demanda Ico. »

Nous allâmes à un stand à roulette en prendre quelques unes. Les bougies étaient de tailles et de couleurs différentes, mais elles étaient toutes très joliment décorées et sculptées. Les noms des trois clans fondateurs étaient gravés dessus. Shatry, Dunkel et Kasum. C'était ces trois clans qui avaient reconstruit notre monde après le passage de Rozenn. Ils étaient très respectés et leurs chefs avaient même le titre de roi de l'hémisphère nord.

« Pourquoi c'est parfois écrit clan et parfois dynastie ?

– L'appellation dynastie est utilisée pour désigner la lignée dirigeante du clan, dit mon père.

– Donc les membres de la dynastie de notre famille sont tonton Shun et Anatole.

– Anton aussi, mais pas ses futurs enfants. À moins que ce soit lui qui devienne chef, mais Anatole est déjà désignée comme l'héritière.

– Donc tu es aussi un membre de cette dynastie papa ?

– Oui, mais pas toi, ni ton frère.

– Alors Ico, tu choisis ? Demanda ma mère.

– Je veux celle-ci ! Et au fait, il est arrivé quoi aux clans fondateurs ?

– On ne sait pas, dit mon père, ils ont juste disparu il y a à peu près un siècle.

– Et il n'y a pas eu d'enquête ?

– Si, mais nous n'en savons pas plus.

– Qui pourrait leur faire du mal ?

– Certainement les démons, dit ma mère.

– Il faut qu'on aille acheter des statuettes à brûler aussi !

– Encore ?

– S'il te plaît ! »

Ma mère céda et alla avec lui le temps que mon père et moi attendions de recevoir les bougies que la vendeuse emballait soigneusement.

« Est-ce que c'est vraiment efficace de brûler ces statuettes pour éloigner les démons ? Demandai-je. Ça a l'air surréaliste.

– Ça fonctionne autant que mettre du sel aux fenêtres, dit la vendeuse.

– C'est à dire ?

– Pas du tout. »

La vendeuse me regarda, comme si elle cherchait quelque chose. Elle avait des yeux sombres, trop sombres. Elle m'analysa puis dit :

« Ne cherche pas à combattre les démons, me conseilla-t-elle.

– Pourquoi ça ?

– Tu te ferais massacrer.

– Un jour, je les combattrai et je gagnerai.

– Pour y arriver, il te faudrait un talent caché et encore. En tout cas, ce n'est pas avec ton niveau actuel que tu vas réussir. Tu n'es pas assez puissant, dit-elle en me tendant nos achats. Mais ça viendra. »

Je pris le sac et nous retournâmes voir la statue en bois sur la grande place. Lorsque le drap la recouvrant fut retiré, les gens sourirent. L'apparence de la statue était parfaite. Elle avait une forme humanoïde, des algues pour cheveux, des jambes en troncs d'arbre, des bras courts avec des épines, le visage couvert de plusieurs yeux, une immense bouche et des cornes en tentacule.

Le maire fit son discours, rappelant le courage des chasseurs de démons et honorant les clans fondateurs. Ensuite, il mit le feu à la statue sous les hurlements joyeux de la population. Les flammes la recouvrirent entièrement et la réduisaient lentement en cendre sous les cris de joie des gens. La cloche sonna, marquant minuit. L'an 5 122 commença face à une statue en train de brûler, comme tous les autres avant lui.

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