Chapitre 4 : Résultat et Test d'Entrée en Équipe
Shoyo
Le jour de la rentrée, j'étais allé récupérer mes résultats. L'un des professeurs me tendit mon relevé de notes de l'année et j'avais rapidement tourné les pages pour accéder à la conclusion. Je lus rapidement et je découvris que j'étais admis pour l'épreuve finale.
Comme indiqué, j'étais allé en classe avec tous les autres admis pour entendre les consignes de l'examen. J'espérais qu'il serait simple. Notre professeur entra dans la pièce et expliqua le déroulement de l'épreuve.
« Nous allons vous appeler un à un et vous remettre une enveloppe. Vous n'aurez plus le droit de communiquer entre vous à partir de ce moment. À l'intérieur se trouve une énigme qui vous mènera à un paquet jaune que vous devrez ramener ici sans l'ouvrir dans un maximum de quatre heures. Durant ce temps, vous serez suivis par un sodur accompli qui veillera à ce vous ne trichez pas. »
Mon tour fut rapidement venu et j'ouvris mon enveloppe, assis à ma place dans la salle de classe. Je lus l'énigme : Un escargot est dans un puits de 10 mètres. Il monte 3 mètres chaque jour et en descend 2 par nuit, en combien de jours sera-t-il en haut ?
« Je suis mort, murmurais-je. »
Comment cela était censé me mener à un paquet ? Devais-je résoudre cette énigme pour accéder à la solution ou ce n'était qu'une manière de me faire perdre du temps ?
« Tu n'as pas à paniquer. Tout ira bien. Trouve d'abord la solution et ensuite fais attention au choix des mots. La réponse est dedans. »
C'était Voda, l'héritier du clan Gurashi. C'était lui qui était chargé de me surveiller. Il venait de me dire les seules choses qu'il pouvait me dire. Je me mis à la résolution de l'énigme, faisant des schémas pour trouver la réponse.
Finalement, c'était plus un problème de mathématiques sans intérêt qu'une véritable énigme. Il me fallut plus d'une trentaine de minutes pour trouver la solution. La réponse était huit jours. Était-ce vraiment utile de savoir ça ? Je regarda autour de moi, tous les autres élèves étaient déjà partis. Je soupirai et demandai :
« Quel est l'intérêt de faire une épreuve de ce genre ?
– Tu remets ta vie en question ? Appelle-moi Voda.
– C'est juste que je ne vois pas en quoi tout ça va m'aider quand je serai sodur.
– Parfois, on doit transmettre une information à quelqu'un mais on ne peut pas la donner sans la dissimuler. On la cache alors dans une énigme. De même lorsqu'on doit cacher un objet. Là, personne ne peut savoir que ton énigme mène à quelque chose, mais toi, tu sais. Donc tu pourras chercher et trouver.
– Et si quelqu'un le trouve avant moi ?
– Alors ça veut dire que l'objet n'était pas assez bien caché ou alors que tu as eu un concurrent, potentiellement un ennemi selon la mission.
– Je sens que ça va être long cet examen.
– Et je vais devoir te regarder… »
J'ignorai son commentaire et je cherchais les endroits possibles où serait cacher le paquet en me faisant une carte mentale de la ville. Selon les indications de l'examen, il était forcément dans la ville ou tout proche. Mais même si elle était plutôt bien construite, Manok était plutôt une grande ville, je pourrais facilement oublier un endroit important.
Le centre-ville était incontournable puisqu'il regroupait la grande place, la bibliothèque où travaillait ma tante, l'hôpital et des bâtiments administratifs dont la mairie et celui des sodurs. L'école des sodurs était plusieurs rues au-dessus de ce dernier. Les terrains d'entraînement étaient pour la plupart à proximité des remparts de la ville.
Il était aussi relié aux rues principales, suffisamment grandes pour permettre d'avoir deux ou trois gros carrosses sans tout bloquer et principalement peuplées de commerçants. L'une d'elle menait à la gare et d'autres passaient au-dessus du fleuve.
C'est en pensant au fleuve que je fis le lien avec les puits. L'un des parcs où j'allais quand j'étais plus petit possédait dix puits. Peut-être que c'était une fausse piste, mais je n'avais rien de mieux à ce moment-là.
Une fois dans le parc, je me mis à la recherche du paquet et fis le tour des puits. Puis, ne le trouvant pas, je fis le tour du parc. Finalement, je m'assis contre un arbre, cherchant à continuer à réfléchir mais j'étais beaucoup trop agacé. J'avais peur d'échouer.
Voda était dans l'arbre en face de moi, suspendu la tête en bas et maintenu par la seule force de ses jambes. Il me regardait et remplissait de temps en temps son bloc-notes que je supposais contenir mon évaluation.
« Tu vas tomber malade si tu restes comme ça. »
Il avait dit ça parce que j'étais assis dans la neige. Normalement, il ne devrait pas en avoir autant sous les arbres, mais la ville avait déneigé les rues et avait tout mis ici.
« Au moins, tu as mis un manteau, contrairement à quelqu'un. »
Il parlait de Naje. À 12 ans, ce dernier ne semblait pas se rendre compte que la température n'était pas la même durant toute l'année. Mais ce n'était pas mon problème. Ça ne l'avait jamais été et j'étais certain que ça ne le serait jamais.
Je relisais encore et encore l'énigme, cherchant un indice et surveillant le temps qu'il me restait. Je faisais attention à tous les détails. Les nombres donnés ne menaient à rien. Je finissais par croire que la solution n'était pas avec les puits… Alors qu'avais-je d'autre ? Ça ne pouvait pas être avec l'escargot quand même.
C'était l'escargot ? Mais oui ! Il était dans le puits et devait remonter ! J'inspectais alors chaque puits, analysant attentivement l'intérieur et l'extérieur au cas où. Puis, je remarquai que la grille recouvrant l'un des puits était détachée. Je regardai à l'intérieur et aperçus le paquet jaune tant recherché.
Heureusement pour moi, je pus l'atteindre sans plonger dans le puits. Je sortis le parquet et le tins fermement dans ma main gauche tandis que je refermai la grille, m'assurant qu'aucun enfant ne pourrait l'ouvrir.
Puis, je remarquai le temps qu'il me restait pour retourner en classe : vingt minutes. Je courus le plus vite possible pour arriver à temps. J'étais essoufflé lorsque je franchis la porte de la salle avec sept minutes d'avance.
Je tendis le paquet à mon professeur et Voda donna son bloc-notes. Le professeur le prit et le lut rapidement. Il hocha de la tête et prit le paquet. Il fit signe à Voda de partir, qui obéit avec plaisir.
« Liebewig Shoyo, test réussi. »
Teny arriva quelques minutes après moi et s'assit à côté de moi. Elle me raconta son examen, elle avait dû aller chercher son paquet au fond d'un poulailler. Alors que le maître surveillait sa montre pour annoncer la fin de l'épreuve à la seconde près, Naje entra dans la pièce, trempé jusqu'aux os. J'avais pensé qu'il aurait fini premier. Il tendit son paquet imbibé d'eau.
« Où est ton surveillant ?
– Aucune idée. »
Décidément, il ne faisait rien comme tout le monde. Le professeur, visiblement exaspéré et en prenant le paquet, lui dit d'aller s'asseoir. Lorsqu'il passa à côté de moi, je lui demandai :
« Comment tu t'es retrouvé comme ça ? Ton enveloppe était cachée au fond du fleuve ?
– Dans un étang.
– Et tu as plongé ? »
Naje hocha de la tête. C'était bizarre, les seuls étangs étaient à l'extérieur de la ville. Les examinateurs avaient vraiment été jusque là ? Puis, le professeur prononça la fin de l'épreuve, impliquant le redoublement des retardataires.
« Félicitations à vous, vous venez de réussir ce test et vous êtes désormais des apprentis-sodurs. Demain à huit heures précises, vous serez répartis par groupe allant de deux à cinq apprentis selon le nombre total de reçus. Chaque équipe devra attendre son maître qui viendra la chercher. Quant à toi, Naje, je ne pourrais valider ton examen que lorsque j'aurai eu le rapport de ton surveillant. Sinon, nous vous avons préparé des collations dans la salle d'entraînement, allez-y. »
Assis en rond, nous nous racontions nos tests respectifs, puis le sujet de la conversation de groupe dériva sur les maîtres que nous pourrions avoir.
« Il paraît qu'un des maîtres du clan Gurashi va reprendre des élèves, dit un de mes camarades.
– Moi j'ai entendu dire que Sateo Tupot a accepté de redevenir maître !
– Ah bon ? Il n'avait pas arrêté il y trois ans ?
– Si, pour reprendre les missions importantes. Mais d'après les rumeurs, c'est le sodur-chef lui-même qui lui a demandé de reprendre ce poste. Il aurait même dit que c'était le sodur qui représentait le mieux la génération de Tsuyo ! »
Cette génération portait ce surnom parce qu'elle avait grandi en prenant exemple sur Tsuyo, un sodur qui lui avait marqué notre ville durant son court passage chez nous.
Tsuyo n'était pas originaire de notre ville, on ne savait pas d'où il venait. C'était Hagop, notre sodur-chef, qui l'avait trouvé en 5 090. Ils avaient alors 35 et 10 ans. Enfin, c'était plutôt Tsuyo qui l'avait trouvé. Il lui avait sauvé la vie lors d'une dangereuse mission et s'était volatilisé.
Hagop l'avait recherché et l'avait retrouvé un an plus tard, découvrant qu'il s'était enfui d'un orphelinat militaire. Hagop l'avait recueilli et adopté. Par la suite, Tsuyo avait rejoint la formation des sodurs et avait formé un duo avec un autre garçon de cinq ans son aîné. Ensemble, ils avaient effectué un grand nombre de missions et avaient eu beaucoup de succès, explosant les records.
Mais ça n'avait pas duré. Tsuyo disparut à 17 ans. Personne ne sut ce qu'il lui était arrivé. Hagop avait lancé plusieurs recherches, mais en vain. Tsuyo avait été très doué et sa disparition avait causé beaucoup de tristesse chez les sodurs. Ils avaient perdu un des meilleurs d'entre eux.
Pendant que nous parlions de nos potentiels maîtres, Jared et Naje nous rejoignirent. Je pouvais supposer que Jared avait forcé Naje à mettre des vêtements secs. Koayo leur donna des chocolats chauds puis la conversation changea un nouvelle fois de sujet. Nous parlions désormais de nos raisons de devenir des sodurs.
« Je serai le prochain chef de mon clan et je compte bien devenir sodur-chef ! Affirma Heetar.
– Je veux devenir maître ou enseignante, je ne sais pas encore exactement.
– Moi, c'est pour retrouver mes origines, dit Jared.
– Moi, pour prouver à des crétins qu'une fille peut faire un métier d'homme, dit Akiko.
– C'est ça, dit un Huiju, pourquoi pas devenir un membre des FS tant que tu y es ! »
FS signifiait Forces Spéciales. C'était un ensemble d'unités d'élites constituées de personnes venant de professions diverses, principalement militaires. Il y avait surtout des sodurs et des soldats. Les FS étaient toujours masqués, cachant précieusement leur identité, et faisaient les missions les plus dangereuses, comme celles d'assassinat.
Le système de recrutement était différent de tous les autres métiers. Une potentielle recrue, s'étant démarquée pour une raison ou pour une autre, était repérée par l'un d'entre eux, qu'il soit encore en activité ou non. Ensuite, les FS acceptaient ou refusaient cette recrue. Ça ne se passait qu'entre eux, même le sodur-chef n'avait rien à dire.
« Je suis certaine que je serai digne de leurs rangs !
– Tu n'y arriveras jamais, cracha Heetar. Moi en revanche, j'ai toutes les chances de devenir FS ! »
Il venait à peine de finir sa phrase que Naje manqua de s'étouffer avec sa boisson.
« Devenir FS, c'est bien mais personne ne va le savoir. À quoi bon devenir excellent si on n'a aucune reconnaissance ? Demanda Teny.
– Tu voulais devenir chasseuse de démon, non ? Pourquoi ne pas intégrer directement la formation des chasseurs ? Demanda Akiko.
– Tout se passe dans l'empire d'Orato. Je ne peux pas y aller vu que je suis mineure et que mes parents ne sont pas d'accord.
– Tu n'as pas peur ? Demanda Koayo.
– Non. Je me battrai pour empêcher les démons de passer le mur. »
Naje toussa plusieurs fois, il avait encore avalé de travers.
« Décidément, dit Jared, c'est pas ton jour.
– Est-ce que le bâtard a une remarque à faire ? Demanda Heetar.
– Il s'est juste étouffé avec la boisson, ça t'arrive aussi, dit Koayo.
– De toute façon, Rozenn n'a pas été assez puissante pour détruire le mur. Elle est certainement morte en essayant, dit Teny. Alors je pense qu'il faut s'occuper des monstres qu'elle a laissé dernière elle. Et je veux en être. »
Naje roula des yeux, assez discrètement.
« Qu'est-ce que tu as ? Lui demandais-je.
– Rien du tout.
– Si, je le vois à ta tête de pas convaincu. Crache le morceau.
– Rozenn a été suffisamment intelligente et puissante pour créer une armée de monstres. Elle a également rasé un royaume, qui à l'époque devait être plus grand que l'empire de Bloss, celui d'Estolad et celui de Neyast réunis, dit-il calmement. Ce n'est pas un mur qui aurait pu l'arrêter. Si elle voulait le franchir, elle l'aurait fait. Et elle l'a sans doute déjà fait.
– Tu es du genre déprimant.
– Je suis réaliste.
– Laissez tomber. Le bâtard a juste trop peur pour penser autrement, dit un Huiju. »
Ma mère m'avait préparé mon plat préféré pour fêter ma réussite à l'examen. J'avais savouré ma quiche aux champignons dans mon plus grand bonheur. Mon oncle, médecin à l'hôpital, avait ensuite décrété qu'il fallait m'apprendre les bases de la médecine car, selon lui, ça me serait forcément utile un jour ou l'autre. Donc tous les soirs, je recevais désormais des cours de médecine par ma mère ou par mon oncle.
En retournant en classe, j'étais impatient de découvrir qui serait dans mon équipe et qui serait mon maître. Notre professeur nous avait répartis dans des salles. J'étais avec Teny et nous attendions. Nous attendions notre maître. J'ignorais si nous ne serions que deux, cela arrivait parfois, mais je savais que Heetar était dans une équipe de quatre, donc cela m'étonnerait.
Je commençai à penser que notre maître nous avait oublié lorsque la porte fut ouverte. Je me mis debout, tout comme Teny. Un homme rentra. Il avait des cheveux noirs rasés sur les côtés et des yeux noirs. Il devait avoir environ 35 ans. Il portait plusieurs armes sur lui, principalement des dagues. Je l'avais rapidement reconnu et j'avais déjà hâte d'apprendre à ses côtés.
« Si on m'avait dit que j'allais faire ça, je ne l'aurais pas cru. »
Il tenait Naje par le bras et le tira doucement dans la pièce.
« Bonjour, je suis Sateo. Je serai votre maître jusqu'à l'obtention de votre diplôme. J'apprécierai qu'à l'avenir, vous soyez à l'heure et que vous prêtiez attention à votre santé. Surtout toi, Naje. J'ai mis plus de deux heures à te trouver. Je comprends mieux pourquoi ton surveillant a fait pour te perdre. »
Notre maître soupira. Avec Naje, il allait avoir du mal à avoir son équipe à l'heure tous les jours, ou à l'avoir tous les jours tout court.
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