Chapitre 14 : À la capitale

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Shoyo


Désormais, Naje et moi arrivions à communiquer par télépathie. Nous avions pratiqué avant mon départ et je savais que je ne pouvais faire ça qu'avec lui, parce que j'avais essayé avec d'autres personnes mais Naje était le seul à répondre.

Le voyage vers la capitale était long, mais heureusement, il y avait un train qui y allait directement depuis Manok. Et encore heureusement, mes parents ne savaient pas encore pour la marque. Je savais que ma mère était déjà très méfiante envers Naje, alors si elle savait…

° Naje ? Appelai-je par télépathie.

– Toujours vivant.

– Comment vas-tu ?

– Bien, mais ça reste flippant de se parler comme ça. Et toi ?

– Je m'ennuie.

– Tu devrais bientôt arriver. Et tu ne seras plus dans un espace restreint avec Heetar.

– Merci de me rappeler qu'il va à la capitale en même temps que moi.

– De rien.

– Tu es pénible, Naje.

– Merci.

– Si seulement il n'était pas là…

– Avec des si, on referait le monde. °


Dès le lendemain de notre arrivée, ma mère nous avait emmenés, mon frère, mon cousin et moi, faire le tour de la ville. Le problème, c'est qu'elle avait commencé par faire les musées. Je n'étais pas très fasciné par l'art, même pas du tout, mais ça avait l'air de plaire à Ico et Anton.

« Qui sont ces gens ? Demanda Anton. »

Il pointait une sculpture en pierre qui représentait trois personnes en taille réelle, sans aucune couleur ni décoration. Il y avait deux femmes et un homme, dos les uns aux autres. Ils étaient tous habillés d'une longue tunique et d'un pantalon. Ils étaient pieds nus et chacun avait ses mains jointes sur sa poitrine, comme s'ils faisaient une prière, mais ils semblaient tenir un petit objet. Et ce qui était impressionnant, c'était que leurs poignets étaient reliés par des chaînes, sculptées maillon par maillon.

« Il s'agit de Kasumy, Shatrimèn et Dunckelitt, dit un homme derrière nous. »

Je me retournai et vis Astou, l'historien que j'avais raccompagné avant de croisé les guerriers de l'ombre. Je fis les présentations et comme ma mère semblait être très prise par l'admiration d'une des peintures, nous discutâmes entre nous.

« Ces gens sont importants ? Demanda Ico.

– Leurs noms ne te disent rien ? Demanda Astou.

– Si, ça ressemble aux noms des clans fondateurs ! S'exclama Anton.

– C'est parce qu'ils sont les fondateurs de ces clans. »

Shatrimèn avait créé le clan Shatru, Dunckelitt le clan Dunckel et Kasumy le clan Kasum. Leurs descendants avaient tout reconstruit après Rozenn et étaient devenus très respectés. Ils devaient être extrêmement fiers de leur descendance. Mais les clans fondateurs n'étaient plus. Ils avaient tous disparu du jour au lendemain.

« Ça aurait été cool si ces clans étaient encore là…

– On ne sait toujours pas ce qui leur est arrivé ? Demanda Ico.

– Non, répondis-je.

– Ils ont disparu quand déjà ?

– En 5 023 pour le clan Kasum, 5 025 pour Dunkel et 5 026 pour Shatry.

– Hé ! C'est l'année de naissance de grand-père Cole, remarqua Ico.

– C'est une triste coïncidence, dis-je.

– Il ne reste rien d'eux ? Demanda Anton.

– Pas à ma connaissance.

– Et là où ils vivaient ?

– Chaque clan vivait sur une grande île bien à lui, informa Astou, et on n'arrive pas à s'en approcher.

– Pourquoi ?

– Il y a des créatures volantes qui nous en empêchent.

– Des démons ? Questionnèrent les deux petits.

– On ne sait pas vraiment, personne n'a réussi à en voir une de près. »

Encore un mystère. À croire qu'il n'y avait que ça.


Je n'y avais pas accordé plus d'importance et avait continué ma visite de la capitale les jours suivants. C'était plutôt bien, même si la ville ressemblait plus à un labyrinthe qu'autre chose. Il fallait faire attention à chaque nom de rue pour ne pas s'y perdre, sans oublier qu'il fallait faire attention aux véhicules motorisés, il y en avait beaucoup ici.

Le quatrième jour, ma mère voulait faire quelques boutiques et ça n'intéressait aucun de nous. Elle devait regretter de n'avoir pas eu de fille. Alors mon père m'avait proposé d'assister à une réunion pendant que mon frère et mon cousin dessinaient dans une autre pièce du bâtiment. J'avais accepté et c'était long et ennuyeux. Je m'étais éclipsé à la pause pour rejoindre les garçons.

Ce bâtiment administratif était une immense structure en bois qui avait de la paperasse traînant partout, parfois à même le sol. À croire que le boulot prenait beaucoup de retard. Il était déjà tard et la réunion s'éternisait. J'aurais bien aimé m'enfuir de cette décharge de papiers, mais je n'étais pas certain de vouloir affronter la ville avec deux jeunes enfants courant partout.

Je lisais tranquillement lorsque les lumières s'éteignirent. Je remarquai alors qu'il faisait déjà nuit et que la réunion était vraiment longue. J'essayai de rallumer les lumières mais l'interrupteur ne fonctionnait plus.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda Ico.

– Certainement un léger dysfonctionnement, ça doit être normal vu que le bâtiment est vieux. Je vais me renseigner. Restez ici. »

Je me lançai alors dans une longue marche à travers les longs couloirs, faisant attention à ne pas butter dans un carton ou une pile de feuilles. Il faisait sombre à l'extérieur et même les lumières de la ville étaient éteintes. Ça ne concernait pas que le bâtiment. Je me dirigeai vers la salle de réunion, sachant que mon père allait en sortir. Et j'avais raison.

« Shoyo ?

– Papa, qu'est-ce qu'il se passe ?

– Il doit y avoir une panne dans la ville. Nous allons rentrer. Attends-moi dehors avec les garçons, je prends quelques papiers et j'arrive. »

J'obéis et fis marche arrière.

« Shoyo ! Crièrent les garçons, paniqués. »

Je courus vers eux, sentant la peur m'envahir. J’ouvris la porte violemment et aperçus un guerrier de l'ombre dans la pièce. Il semblait être surpris par notre présence. Instinctivement, je sortis une de mes dagues et la lançai sur lui.

Mauvaise idée. Il l'esquiva en faisant un demi-pas sur le côté et se tourna vers moi. Je n'avais pas l’intention de le laisser agir alors je fonçai sur lui. Le problème c'est que je l'avais poussé jusqu'à la fenêtre et elle était ouverte. Nous tombâmes tous les deux et la seule chose qui nous évita de chuter de trois étages, c'était ce guerrier qui avait attrapé le rebord de la fenêtre alors que j'étais agrippé à lui.

Le guerrier saisit de sa main libre un mousqueton du harnais qu'il portait, tirant par la même occasion une corde, et l'attacha à un des anneaux de la fenêtre. Grâce à cela, il nous fit descendre en douceur.

Cependant, avant même de toucher le sol, je fus tiré en arrière par quelqu'un et une épée fut placée sous ma gorge, m'empêchant de me relever. Je remarquai alors que c'était une épée de glace. Glacies était là.

L'autre guerrier remonta alors que j'étais pris au piège dans la ruelle, là où il n'y avait personne d'autre que Glacies. Il semblait un peu plus grand que moi, mais c'était certainement dû à l'épaisseur de ses semelles que je sentais contre moi. Son armure était bien équipée et semblait le rendre costaud. En voyant toutes les armes attachées à ses jambes, à ses bras et sur son torse, je pouvais dire qu'il était bien armé, contrairement à moi qui n'avait rien pris à par mes dagues.

« Qu'est-ce que vous faites ici ? Demandai-je. »

Aucune réponse.

« Qu'allez-vous faire aux garçons ?

– Rien. »

Sa voix était étouffée à cause du casque. C'était sûrement eux qui avaient éteint les lumières de la ville. J'en étais sûr. Je ne savais pas s'il disait la vérité, mais je n'allais pas attendre sagement et j'étais plus fort que la dernière fois.

Je provoquai alors une onde de choc, l'éjectant sur plusieurs mètres et brisant les fenêtres autour de nous. Je sautai sur lui, profitant de ce moment, et le plaquai au sol, arrachant son épée et la lui planquant sous la gorge.

« Qu'est-ce que vous faites ici ? »

Il ne dit rien et il ne répondrait jamais à cette question. J'allai répéter ma question mais je fus repoussé par une lumière grisâtre. Un dôme, qui entourait Glacies. Je frappai la paroi avec l'épée, me rendant compte que je ne pouvais pas passer à travers comme je faisais avec le mien.

Un autre guerrier s'approcha, un plus grand. Il entra dans le dôme et aida Glacies à se relever. Comment était-ce possible ? Comment celui-ci pouvait faire ça ? Je fis quelques pas en arrière, sachant que je devais prendre un peu de distance.

Le guerrier sortit du dôme, laissant Glacies dedans. Je fis une onde de choc pour l'éloigner mais il en fit une plus forte, balayant la mienne et me propulsant en arrière. Le guerrier s'approcha de moi et me plaqua au sol avec son pied sur ma poitrine. Le dôme disparut et Glacies récupéra tranquillement son épée.

« Hé ! Vous êtes qui ? »

Heetar ? Je le vis venir de la rue et foncer sur Glacies, une épée à la main. Ce dernier n'eut aucun problème à parer ses coups et à l'envoyer au sol avec un coup dans le ventre et au visage.

« Il est stupide ton coéquipier, dit Glacies.

– Ce n'est pas mon coéquipier ! Le mien est plus doué que lui.

– L'écho ? »

J'aurais aimé demander des explications mais Heetar nous interrompit en lança un objet sur Glacies, qui l'évita encore une fois. L'objet passa par une des fenêtres brisées et atterrit dans le bâtiment.

« Non ! Cria Heetar. »

Personne ne comprit pourquoi il réagissait comme ça jusqu'à qu'une explosion se fit entendre. Une bombe. En quelques secondes, les flammes s'échappèrent par la fenêtre et se propagèrent dans le bâtiment.

« Espèce de crétin ! Criai-je. Les petits sont dedans ! »

J'essayai de bouger mais j'étais toujours maintenu au sol. Les deux guerriers se regardèrent et Glacies escalada rapidement le mur et entra par une des fenêtres. L'autre guerrier lança un regard vers la rue et me lâcha pour prendre la fuite en escaladant l'autre bâtiment.

« Les garçons ? »

Mon père arriva de la rue et se précipita sur moi.

« Shoyo, où sont les petits ?

– Dans le bâtiment… »

Mon père m'empêcha d'aller les chercher, les flammes avaient déjà pris trop de terrain.


Nous avions couru pour obtenir de l'aide mais les pompiers étaient débordés. Les gens essayaient d'éteindre le feu en jetant des sceaux d'eau mais cela semblait impossible. Les pompiers ne pouvaient pas aller chercher les petits à cause de l'instabilité du bâtiment qui s'écroulait. C'était trop dangereux.

° Naje ! Comment tu ferais si tu devais entrer dans un bâtiment en flammes risquant de s'écrouler ?

– Je ne rentre pas dedans.

– Réponds simplement !

– Je resterais près du sol pour ne pas respirer de la fumée. Je ferais attention à ne pas me retrouver coincé. Et… Si c'est le bâtiment de la réunion, laisse tomber. C'est déjà dangereux d'y aller en temps normal, alors en flammes, c'est du suicide. Shoyo, je t'interdis d'y aller ! °

Tant pis, j'y fonçai pour y aller, mais des passants me retinrent. Mon père me força à reculer. Il était désespéré. Mais lui comme moi, nous ne pouvons rien faire. Je m'adossai contre le premier mur que je vis et me laissai glisser jusqu'au sol, fixant mes pieds, immobile alors tout le monde bougeait autour de moi. Les sons autours s'atténuaient. Naje essayait d'entrer en contact avec moi, mais je n'avais pas la force d'écouter.


Une main se posa sur mon épaule, ce qui me sortit de mon état second. C'était une petite fille. Elle me souriait, mais j'étais incapable de faire de même.

« C'est toi Shoyo ? Shoyo Libiw... »

Je hochai juste la tête.

« Il y a un type masqué qui m'a dit de te trouver. »

Un type masqué ?

« Il a dit qu'il t'attendrait sur le toit de la caserne de pompier, celle juste à côté.

– Je n'irai pas.

– Il a dit que tu dirais ça. Mais il a aussi dit que les garçons étaient avec lui. »

Quoi ? Était-ce une blague ? Peu importe ! Je devais voir ! Je courus le plus rapidement possible vers la caserne, remerciant la petite. En m'approchant de la caserne, j'entendis de la musique, quelqu'un jouait du violon.

Un fois sur le toit, je vis les garçons avec des masques reliés à des bouteilles d'oxygène. Ils allaient bien. Ils regardaient un guerrier, certainement Glacies vu l'épée de glace présente, jouer du violon. Lorsqu'il me vit, il arrêta et me fit signe d'approcher. Je crus à un piège mais les garçons se tournèrent vers moi.

« Shoyo ! Crièrent-ils. »

Ils coururent vers moi et s'accrochèrent à mes vêtements. Je les serrais contre moi, vérifiant leur état. Ils n'avaient rien. Je remis mon attention sur Glacies qui avait repris son épée et se dirigeait vers le bord du toit.

« Attends ! »

Il se stoppa et se tourna à moitié vers moi.

« Merci. »

Il ne dit rien. J'allai poser une question lorsqu'un chant se fit entendre. Ça ressemblait à du kulning, mais en plus doux, plus mélodieux. Nous nous tournâmes tous les deux vers l'origine de cette voix, elle venait de loin et dura moins d'une minute.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda Ico. »

Glacies n'attendit pas plus longtemps, il partit vers cette voix et sauta du toit. Je me précipitai pour voir où il allait exactement mais il avait déjà disparu.

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