Chapitre 29 : Les Chasseurs de démons

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Shoyo


Deux jours après le début de son traitement, Jared s'améliorait déjà et le shatag qui suivit, le maître nous emmena en mission. D'après lui, nous devrions nous habituer à partir loin de notre maison pour notre travail de sodur. Alors il avait pris une mission de garde dans une grande ville du pays de Floma.

Naje ne voulut pas venir. Il avoua en avoir déjà une avec les FS qu'il ne pouvait pas rater. Je me retrouvai alors coincé avec Teny dans un train pour plusieurs heures. Heureusement, j'avais pensé à piquer le jeu de cartes de Naje.


Nous arrivâmes le lendemain et le maître nous conduisit à une caserne militaire, dans laquelle nous allions séjourner. Alors que nous marchions avec nos sacs vers les dortoirs qui nous étaient destinés, le maître nous parla de la mission.

« Les chasseurs de démons sont actuellement en train de fouiller la ville et de vérifier ses habitants. Les sodurs du coin aident à ce que la population ne s'échappe pas et nous venons compléter les tours de garde. »

Effectivement, plusieurs chasseurs de démons allaient et venaient. Je les admirais toujours et les regardai avec envie mais… Mais maintenant que je savais qu'ils pouvaient représenter un danger pour Naje, j'étais inquiet. S'ils découvraient pour lui, ils allaient l'enfermer et je ne pouvais pas risquer ça.

« Que cherchent-ils ? Demanda Teny.

– Ils cherchent des traces des démons, ou de tout ce qui s'en rapproche.

– Pourquoi ici ? Demandai-je.

– Ils ne disent jamais les raisons de leurs choix. »

Le maître me prit à part, sans que Teny le voit :

« Fais attention, s'ils savent pour Naje, ils nous le prendront et personne ne s'y opposera chez nous, me chuchota-t-il. »

J’acquiesçai. Même si je savais que protéger Naje était un crime, je lui faisais suffisamment confiance pour affronter tout ça. Ma mère n'en serait pas ravie.


La première journée était ennuyante. Nous avions simplement surveillé le poste avancé des chasseurs. D'ailleurs, ces derniers étaient à la fois très ressemblants et très différents de ce qu'on pouvait voir dans les BD-AD.

Ils n'étaient pas aussi héroïques mais ils étaient très forts. Comme le disait le maître, ils étaient dans la plus grande armée de notre hémisphère. Il n'y avait pas de place pour les faibles. C'était pour ça que l'examen d'entrée était très difficile.

Mais ils étaient des humains, tout comme nous et ils étaient très accueillants. Le soir, ils nous avaient invités à prendre le repas avec eux, ce que nous avions accepté. Et même si je protégeais Naje, les chasseurs de démons étaient toujours mes idoles, ainsi que celles de Teny. Alors nous buvions leurs histoires.

« Et en réalité : c'était un chat que ma fille avait caché dans sa chambre ! Pendant une semaine, j'entendais des bruits bizarres, j'étais persuadé qu'un démon était chez moi et non ! C'était ma fille ! J'ai failli en devenir dingue ! »

Les hommes rigolèrent au récit de leur collègue. Ils nous partageaient leurs histoires les plus drôles de leur vie après être devenus des chasseurs. Nous étions à table, dans un gymnase aménagé en une grande salle à manger, entourés d'une bonne dizaine de chasseurs habillés en civil.

« Alors les enfants ? Vous aviez toujours voulu devenir sodur ? Et pourquoi ?

– Oui, répondis-je, pour protéger et voyager.

– Excellent plan ! Répondit l'un d'entre eux.

– Moi c'est pour devenir comme vous ! S'exclama Teny.

– Oh ! Une future recrue ! J'ai hâte de te voir parmi nous !

– J'imagine que tu aimerais entendre des histoires sur notre boulot, proposa un autre.

– Ce serait avec plaisir ! Répondit-elle. Notamment tout ce que vous avez sur les combats contre les démons !

– Nous sommes dans la section chargée de la recherche sur le terrain, nous n'avons pas vraiment connu de combat direct. Désolé, ma grande.

– Oh… Et que devez-vous faire exactement ?

– Ici, par exemple, nous devons nous assurer qu'il n'y a rien de démoniaque.

– Comme des démons ?

– Et pas que ! Comme des jeunes qui développent des pouvoirs démoniaques. On appelle ça le « fléau de Rozenn ». Nous devons les arrêter et ramener dans l'une de nos bases.

– Quels pouvoirs ? Demandai-je.

– Ça dépend des personnes, les pouvoirs sont rarement les mêmes.

– Et ce ne sont pas des démons ? Demanda Teny.

– Pas encore, mais tôt ou tard, ils se transforment. »

Naje ne m'avait pas parlé de ça. Allait-il…?

« C'est possible ? Des êtres humains qui deviennent des démons ?

– Oui, malheureusement, Rozenn ne nous laisse pas tranquille. Elle contamine des honnêtes gens.

– Et ils deviennent quoi ?

– La section chargée d'étudier tout ça essaie de trouver comment inverser le processus, mais on est encore loin d'un remède. »

Je devrai probablement changer le sujet de cette conversation, mais comment faire ?

« Et si vous racontiez les choses les plus impressionnantes que vous avez vues ? Proposa le maître. Comme le mur ? »

Il avait eu la même pensée que moi, heureusement.

« Oh ! Le mur est magnifique ! Vous savez qu'il continue dans l'eau ?

– Il ressemble à quoi ? Demandai-je.

– Comme aux dessins que nous avons dans les livres. Il est fait de grandes pierres blanchâtres et est tellement haut qu'on n'en voit pas le dessus. Chaque pierre qui le compose semble unique. »

Bizarre. Si les gens de l'époque l'avaient construit pour nous protéger, n'auraient-ils pas cherché à faire vite ? Pourquoi se seraient-ils embêtés à faire ça ?

« Comme je l'ai dit, il est immense et traverse même les océans. Ceux qui l'ont construit ont dû être très fort.

– S'il traverse l'eau, peut-on passer en dessous ? Demandai-je.

– On a cherché une brèche pendant des années, mais le mur ne semble n'avoir aucune ouverture.

– Oui mais on n'a pas vraiment pu en chercher une pendant très longtemps ! S'exclama un autre chasseur.

– Pourquoi ? Demanda Teny.

– À chaque fois qu'on s'approche trop du mur, les sentinelles approchent et nous attaquent.

– Les sentinelles ? Questionnai-je.

– Oui, des bestioles volantes de formes diverses. Elles nous empêchent de faire quoi que ce soit au mur, elles attaquent, blessent et tuent, mais elles ne s'éloignent jamais.

– Ce sont des démons ?

– C'est fort probable, mais on n'a jamais pu en capturer pour en étudier.

– C'est dommage ! Soupira-t-elle. »

Les chasseurs acquiescèrent.

« Et vous en avez vu de vos propres yeux ? »

L'un des chasseurs remonta sa manche et montra une immense cicatrice.

« J'ai même été griffé ! Se vanta-t-il.

– N'importe quoi ! Cria un autre. C'est un guerrier de l'ombre qui lui a fait ça.

– Tu ne me laisses même pas être héroïque ! Se plaignit l'autre.

– Vous les avez rencontrés ? Nous aussi ! Dit Teny.

– Ah bon ? Quand ?

– Il y a quelques mois, dis-je, dans une ville pas très loin de Manok.

– Comment ils étaient ?

– Petits, mais terrifiants !

– Petits comment ?

– Comme des enfants de notre âge, dit-elle.

– Je ne savais pas qu'il y avait des enfants parmi eux. Je n'ai toujours eu que des adultes.

– On ne sait pas grand chose sur eux, dit un autre.

– Que savez-vous ? Demandai-je. »

Je ne comptais rien dire concernant ceux qui m'avaient aidé, mais j'avais besoin de savoir s'ils avaient quelque chose contre eux.

« Les guerriers de l'ombre ressemblent à une organisation secrète de mercenaires. Ils font ce qui leur chante et se fichent de ce qu'il y a en face d'eux. On n'en sait pas plus.

– Et même sur comment ils recrutent ?

– Peut-être par enlèvement et lavage de cerveau. Ou alors ils font des enfants entre eux. Difficile à dire. On ne sait même pas où ils se planquent lorsqu'ils ne sont pas en armure. »

Je pouvais supposer qu'ils fondaient des familles entre eux. Nix et Glacies, enfin plutôt Creslad et Tran, étaient frères et je savais que leur fratrie ne s'arrêtait pas là. Mais ça ne voulait pas forcément dire que la première supposition du chasseur était fausse. Nous ne savions encore rien sur les guerriers. Il était possible qu'ils avaient déjà enlevé des bébés et continuaient à le faire. Leur frère artificiel était peut-être l'un d'entre eux.

Pourquoi avais-je l'impression que je n'avais que des questions sans réponses ? En aurais-je un jour ? Et les kimmanix ? Les chasseurs savaient-ils quelque chose ?

« À quoi ressemblent les démons ? Demandai-je.

– Ils ont des apparences diverses et variées, certains ressemblent à des humains, d'autres à des animaux. Ils sont tous différents.

– Alors comment on peut savoir s'ils sont des démons ?

– Si tu vois un humain avec des cornes, ou des ailes ou encore autre chose de bizarre, alors c'est un démon. »

Ça avait l'air plutôt simple. Mais était-ce possible que les yeux aux flocons fassent partie de ce qu'ils appelaient bizarre ?


Le lendemain, nous avions été affectés à la surveillance d'un de leur poste de tests. Cela servait à vérifier que chaque personne était bien humaine et ils faisaient cela pour toute la population de la ville. Nous étions donc dans une bibliothèque, dont une partie avait été aménagée pour le travail des chasseurs. Les gens venaient en suivant leur convocation, faisaient le test et repartaient dès qu'ils avaient l'autorisation.

Les chasseurs nous avaient montré comment ces tests fonctionnaient, ils étaient très similaires aux tests d'élément. Nous devions charger un peu de notre émofa, notre magie, dans un appareil assez encombrant et nous obtenions le résultat en une heure. C'était assez long.

Teny et moi avions essayé. Teny avait eu son résultat sans problème, quant à moi, il avait fallu recommencer deux fois. Les chasseurs m'avaient dit de ne pas m'inquiéter, ces machines avaient souvent des bugs. Et naturellement, nos tests indiquaient bien que nous étions des humains. Mais je ne pouvais m'empêcher de me demander quel aurait été le résultat de Naje ? Et celui de Tsuyo ?

Suite à tout ça, nous surveillâmes la queue, faisant des allers-retours tout au long de la file. Un chasseur nous avait accompagnés pour se dégourdir les jambes.

« Pourquoi il faut tester toute la population ? Demanda Teny.

– Pour voir si des démons, ou des trucs qui s'en rapprochent, se cachent parmi elle. Il faut s'attendre à tout avec eux.

– C'est déjà arrivé ? Demandai-je.

– Oui. On découvre surtout des personnes qui ont été frappées du fléau.

– Une fois, je suis tombé sur un chat à plume, dit un autre. J'ai jamais réussi à l'attraper…

– Et est-ce qu'un guerrier de l'ombre a déjà passé ce test ?

– Non, on aimerait bien cependant. »


Nous avions passé la journée à surveiller le bon déroulement des tests qui avaient pris du retard. Lorsque la dernière personne sortit, il faisait déjà nuit. Nous rangeâmes une partie du matériel pour le protéger et quittâmes la pièce.

Ce ne fut que lorsque nous sortîmes de la bibliothèque que nous entendîmes un bruit assez répétitif, comme si quelqu'un avait frappé un objet avec une sorte de massue.

« Qu'est-ce que c'était ? Demandai-je.

– Peut-être quelqu'un qui coupe du bois ? Pensa Teny.

– En pleine ville ? Dis-je septique.

– Retournons voir les appareils, dit un chasseur.

– Tu penses qu'un petit crétin s'amuserait avec ? Demanda l'autre. On a tout fermé.

– Vérifions toujours. »

Alors nous fîmes demi-tour pour ça. Lorsque nous entrâmes à nouveau dans la bibliothèque, nous remarquâmes que les lumières ne fonctionnaient plus. Nous prîmes nos lampes torches et scannâmes la pièce réservée pour les tests.

« Hé ! Arrête ça tout de suite ! Cria un chasseur. »

Je regardai vers lui, cherchant à savoir sur qui il criait. Je vis alors un guerrier, marchant dans le dos de l'homme, s'approchant lentement de lui avec une épée semblant bien affûtée à la main.

« Derrière vous ! Criai-je. »

Trop tard.

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