Chapitre 30 : Chasseurs contre Guerriers
Shoyo
Le guerrier venait de sévèrement blesser le chasseur, qui tomba au sol de douleur. Le maître, avec des dagues en mains, se précipita sur le guerrier qui l'esquiva sans problème et s'enfuit par là où regardait le chasseur.
Le maître fit pression sur la blessure pendant que l'autre chasseur poursuivit l'intrus. Teny paniqua et je voulus aller dehors, suivre le chasseur, lorsque je réalisa une chose : le guerrier qui avait blessé le chasseur n'était pas celui sur lequel il avait crié. Il y avait un autre guerrier dans la pièce.
Je m'approchai du maître et lui chuchotai :
« Il y en a un autre. »
Il fronça des sourcils et hocha de la tête.
« Maître ! Hurla Teny. Que devons-nous faire ?
– Sortez d'ici, murmura-t-il, allez chercher les chasseurs. »
Teny courut. Quant à moi, j'hésitai beaucoup, je ne voulais pas laisser le maître ici en sachant qu'il y avait un autre guerrier dans cette pièce.
« Sors d'ici, dit-il tout bas.
– Et vous ?
– Il ne nous a pas attaqués. »
Le chasseur, qui souffrait en silence depuis, finit par perdre connaissance. Le maître soupira et cette fois-ci, il dit suffisamment fort pour que l'intrus entende :
« Fais ce que tu as à faire, guerrier. Mais ne touche pas aux enfants. »
Un guerrier sauta du haut des étagères. Il marcha jusqu'à la dernière machine encore intacte et la sabota d'un grand coup de hache.
« Pourquoi s'en prendre à ces machines ? Demandai-je. Ce n'est pas comme si elles allaient vous faire quoi que ce soit ! »
Le guerrier ne répondit pas et s'en alla par le même chemin que son camarade.
Nous nous battons pour ce que nous croyons être juste.
Les paroles de Creslad me revinrent en tête. Les guerriers pensaient-ils que les détruire étaient une bonne chose ? Question bête. Les personnes comme Naje devaient tout faire pour fuir ces machines. Dans un sens, cela me rendait service car mon coéquipier était en sécurité loin elles.
« Maître !
– Je sais, va prévenir les chasseurs. »
Je me levai et obéis.
Les chasseurs avaient ordonné à ce que la ville soit en état d'urgence et avaient allumé l'alarme des pompiers. Les citoyens étaient cloîtrés chez eux pendant que les chasseurs fouillaient chaque recoin pour débusquer un guerrier.
Le chasseur qui avait été blessé avait été amené à l'hôpital. Le maître nous avait retrouvés Teny et moi, puis nous avions rejoint les recherches. Ou à cette chasse à l'homme. Nous ratissions la forêt proche de la ville, nous doutant que les guerriers iraient là-bas.
Devrais-je vraiment continuer ? J'avais une dette envers eux. Je devrais plutôt éviter de me les mettre à dos. Mais d'un autre côté, ils devaient être plusieurs. C'était impossible qu'ils sachent tous qui j'étais et ce que je leur devais. Tout ça était prise de tête !
Avec mon épée en mains, j'avançai prudemment aux côtés de mon maître, tout comme Teny. Nous cherchâmes la moindre trace des guerriers en espérant tomber sur eux avant qu'ils ne tombent sur nous. Ou ne pas tomber sur eux tout court.
Chaque bruit était inquiétant. La moindre brindille craquant sur nos pieds nous faisait trembler. À un moment, je me demandai si je n'étais pas trop lâche mais les guerriers étaient en quelque sorte l'une des pires choses sur lesquelles on pouvait tomber. Après tout, ils osaient tenir tête aux kimmanix.
« Bande de bâtards ! »
Nous entendîmes un homme hurler, certainement sur des guerriers. Nous courûmes vers lui mais quelqu'un surgit de derrière un arbre et me percuta. C'était un guerrier, certainement un adolescent, fuyant la zone de combat avec quelque chose dans ses mains.
« Maître ! »
J'avais besoin de son avis. Devrais-je poursuivre ce guerrier ? Oui suivre mon maître ? Je n'avais pas envie de recommencer le fiasco dans lequel j'avais failli me noyer. Heureusement, Naje n'était pas là, il ne risquerait pas de se retrouver congelé.
« Allons-y. »
Nous changeâmes de direction pour poursuivre le guerrier. Nous courûmes quelques temps et Teny fut la première à le rattraper. Elle sortit l'une de ses dagues et se prépara à la lancer. Mais quelqu'un lança un bâton sur ses jambes, la faisant tomber.
Je me précipitai alors sur cette personne, oubliant le guerrier, dégainant mon épée. Mon premier coup fut paré par une épée. Non, un katana noir. Je regardai ma cible. Elle était plus petite que moi, habillée de noir avec un masque blanc. Ce n'était pas un guerrier de l'ombre. Elle ressemblait plutôt à un FS.
Je me reculai pour lancer une nouvelle attaque, sachant que Teny faisait de même à côté de moi. Nous le chargeâmes ensemble mais le maître nous attrapa et nous tira en arrière.
« On n'attaque pas un FS, les enfants, dit-il.
– Mais il a protégé un guerrier ! Protesta Teny.
– Je sais. Peut-être qu'il y a quelque chose qu'on ne doit pas empêcher. »
Nous nous relevâmes et vîmes que le FS n'avait pas bougé.
« Mais le guerrier est parti ! Cria Teny.
– Ce n'est pas considéré comme une trahison ? Demandai-je.
– C'est un FS !
– Ça ne veut pas dire qu'il a raison ! Dit-elle.
– Il a un grade bien plus élevé que le tien.
– Ils ont des grades les FS ? Demanda Teny.
– Je crois. Et peu importe. Allons voir ailleurs.
– Non ! »
Teny fonça sur le FS, qui broncha à peine. Il bloqua sa dague avec son katana dégainé et lui fit un croche-pied. Lorsqu'elle voulut se redresser, le FS lui mit sa lame sous sa gorge, elle n'osa plus bouger, regardant le FS.
« Teny, appela le maître, attaquer un FS pourrait te faire radier des sodurs. »
Le FS retira son arme de son cou. Teny se leva et retourna près du maître. Le FS ne bougea pas et je pus prêter attention au katana. Je l'avais déjà vu quelque part. C'était…
« Nous avons des choses à faire, dit le maître en mettant sa main sur ma bouche. »
Message reçu. Je ne devais pas parler.
Nous allâmes là d'où venait le guerrier fuyard. Les chasseurs étaient désormais seuls et dans un mauvais état. Nous leur donnâmes les premiers soins et les ramenâmes à la ville pour les soigner. Finalement, le temps que nous avions passé avec le FS était suffisant pour que les guerriers se sauvent, laissant derrière eux des chasseurs blessés et des bâtiments endommagés.
Les chasseurs nous avaient ensuite envoyés nettoyer la bibliothèque pendant qu'ils continuaient à protéger la ville. J'aurais aimé les aider, mais ils avaient dit qu'il y avait des adultes parmi les guerriers. Des guerriers adultes, bien plus forts que ceux que j'avais combattu. Je m'étais déjà fait laminer par un jeune de 13 ans, alors je ne voulais pas savoir ce que ça pouvait donner.
Nous nettoyions les machines, nous assurant de ne laisser aucun débris ou aucune trace du passage des guerriers.
« Ce n'est pas normal ! Remarqua Teny. »
Elle ne voulait pas lâcher l'affaire à propos du FS.
« Je suis certaine que ce n'était pas un FS ! Il avait notre taille !
– Ce n'est pas à toi de décider ça !
– Je…
– Suffit ! »
Le maître s'approcha d'elle.
« Les FS sont supérieurs aux sodurs. Tu devrais leur montrer tout le respect que tu as. Ce FS a atteint un poste que tu n'auras probablement jamais et ce n'est pas à toi d'en décider. Tu ferais mieux de ne plus parler de ça, sinon tu pourrais perdre ta place. »
Il l'envoya emporter une caisse des bouts de la machine au poste des chasseurs, en lui disant de bien repenser à ses paroles. Et une fois qu'elle fut partie, le maître me regarda.
« Je n'ai rien dit.
– Je sais, mais comme elle n'est plus là, nous pouvons parler tranquillement. »
Le maître tira deux chaises et m'indiqua de prendre place. Mais il resta debout.
« La deuxième chaise est là pour…
– Pour ton crétin de coéquipier. »
Il se tourna vers un coin de la pièce, regardant le haut des étagères.
« Naje ! Descends de là ! »
Il était là depuis le début, bien évidement. Je le vis descendre, son agilité était toujours incroyable à regarder. Comment faisait-il pour ne pas glisser et tomber ? Le maître lui montra la chaise. Naje, son masque à la main, le regarda sans bouger. Sateo le força donc à y prendre place en le poussant par les épaules.
Une fois qu'il était assis, il osa regarder le maître. Ce dernier était le fixer sévèrement, les bras croisés. Il était en colère. Vraiment.
« Tu n'as rien à dire ? Demanda-t-il.
– Pour avoir sécher la mission ? Tenta mon coéquipier.
– Et voilà ! Tu as fait tellement de choses que tu ne sais même pas pour laquelle je te fais asseoir ici !
– C'est à dire que je ne sais pas vraiment ce que vous savez. »
Je me sentais mal pour lui.
« Alors faisons une liste. Être un FS, oui je le savais depuis un moment, sécher les missions d'équipe pour partir en faire d'autres seul, potentiellement et très certainement dangereuses, pactiser avec les guerriers, entraîner Shoyo dedans, les couvrir ce soir… Le tout sans même prévenir quelqu'un au cas où il t'arriverait quelque chose ! »
Naje baissa la tête.
« Maître, il a fait tout ça pour Jared, dis-je. Et j'ai été d'accord avec ça.
– Je sais. Je ne lui reproche pas ça.
– Alors pourquoi êtes-vous dans cet état ? Demanda Naje.
– Parce que t'es mis en danger ! Et tu n'as prévenu personne ! »
Il savait que je n'étais pas au courant vu ma réaction.
« Hagop ne t'a jamais appris à prévenir quelqu'un ? Demanda le maître.
– Je peux faire ce que je veux tant que je ne me fais pas remarquer.
– Quoi ? »
Naje ne dit plus rien. Le maître se retourna et alla râler dans un coin. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il disait. Mais je savais qu'il était en enragé, mais pas contre lui. Il l'était contre tous les autres. Hagop. Isak. Tsuyo. Tout le monde à part nous deux. Et peut-être même contre lui-même pour ne pas s'être impliqué avant.
« Il est vraiment en colère, remarqua-t-il.
– Il s'inquiète pour toi.
– Pourquoi ?
– C'est notre maître, il s'inquiète pour nous. »
Et davantage pour lui.
« Ça n'a aucun sens… »
Il se sentait tellement à l'écart des autres qu'il ne comprenait même pas pourquoi le maître s'inquiétait pour lui.
« Il veille sur toi.
– Il ne devrait pas. Je suis simplement tomber dans son équipe. »
Je laissai échapper un petit rire.
« Il te voulait, avouai-je.
– Quoi ?
– Il veille sur toi depuis environ deux ans.
– Pourquoi ? »
Mince. J'en avais trop dit. Si j'expliquais, Naje saurait pour Tsuyo.
« Tu t'es posé la même question pour moi. Pourquoi je t'ai aidé. Tu es tellement habitué à ce que les gens t'ignorent que tu te demandes pourquoi certains ne le font pas. Hagop aurait dû te montrer que ce n'était pas normal. »
Au final, Hagop était tout simplement plus intéressé à calmer les choses pour éviter les problèmes qu'il avait fait la même chose que tous les autres. Il était un sodur-chef admirable, mais en tant que tuteur, il avait tout raté.
« Le maître et moi, on n'est pas comme eux. On veille sur toi parce qu'on tient à toi. Et tu ne devrais pas te demander pourquoi. Parce que ça, c'est normal. »
Il regardait dans le vide, les yeux remplis de… D'un mélange de peur, d'inquiétude et de regret. Et avant que je puisse dire quoi que ce soit, je vis quelque chose se figeait dans son regard.
« On devrait tout arrêter. »
Quoi ?
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