10. M
Ses paroles glissent sur moi comme de l'eau savonnée : je ne me souviens de rien, je ne comprends rien. Une migraine s'est installée dans ma tête, telle une aiguille qui s'enfonce lentement en moi. Au dessous des silhouettes qui s'animent et m'oppressent, je vois le ciel. Sa vision me pique les yeux, et je me rends compte que quelques perles salées s'écoulent sur mes joues.
- Failli te noyer... Ambulance... Trop loin... semble me hurler doucement le tatouage de sirène.
Mon cerveau parvient à traiter quelques informations. Oui, j'ai failli me noyer, je m'en souviens. La pâte gluante qui paralyse ma conscience se dissipe peu à peu.
J'étais sorti en courant, soudainement, au bord des larmes. La mer m'avait appelé et je m'y étais enfoncé corps et âme, je m'étais laissé ballotter par les vagues. Tout était sourd, et j'avais hurlé sous l'eau comme si j'y vomissais mes démons. Je noyais ma peine. Et puis une vague m'avait balayé, j'avais cru ne plus jamais revoir le jour, et j'avais, l'espace d'une seconde, regretté amèrement le temps où une main tenait la mienne.
Finalement, ce n'est pas si mal que je m'en sois sorti. J'ai encore quelque chose à faire.
Je me redresse. La foule attroupée autour de moi s'écarte en chaloupant comme un banc de poissons. L'homme au tatouage me tapote le dos et pointe quelque chose au loin : des lueurs bleues clignotent et foncent vers la plage.
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