Dans ma cage d'escalier

2 minutes de lecture

Dans ma cage d’escalier.

Dans ma cage d’escalier, il y a d'abord la concierge. Elle fait souvent semblant de râler, lorsque le temps est pluvieux. Parce qu’elle doit nettoyer tout plusieurs fois. Et parce que le facteur oublie de refermer la grande porte. Mais souvent, lorsque Madame Chenu du quatrième va chez le dentiste, elle accepte sans un mot de garder ses deux petites en leur préparant du chocolat.

Dans ma cage d’escalier il y a Monsieur Forrez. Il est plutôt âgé, et met la télé très fort. Souvent la Une. Sans doute qu’il a perdu la télécommande. Ou bien il a oublié où elle était. J’aime bien passer devant chez lui sur le palier, parce que j’entends les infos. Ou bien la fin d’un jeu musical quand je rentre plus tard le soir.

Devant chez la Dame du Premier, ça sent toujours bon. Des odeurs de coriandre d’Alexandrie. Ou parfois celle du Miel du Bosphore. Elle ouvre rarement, mais on vit par procuration, le nez collé aux épissures de sa porte d’entrée. Combien de fois ai-je rêvé de voir apparaître un jour sur son paillasson, une assiette de loukoums ou de cornes de gazelle...

Parfois aussi au niveau du palier, il faut enjamber le vélo de monsieur Alain. Il sort tard la nuit pour aller travailler. Mais vu qu’il s’est fait réprimander par la concierge pour avoir réveillé tout l’immeuble alors qu’il essayait de le faire rentrer dans la cage d’ascendeur vers une heure du matin, depuis, il le laisse là.

Dans ma cage d’escalier il y a des rires, venant des petites filles de madame Chenu. Ça tape des pieds et ça cavale. Mais comme le voisin du dessous c’ est Monsieur Forrez et qu’il est sourd comme un pot, on va dire que c’est juste très bien comme ça.

Dans ma cage d’escalier il y a aussi tous les autres : les livreurs de pizza qui se perdent parce que personne n’a mis d’étiquette sur sa sonnette, l’amoureux trop transi de Mlle Livre, dont j’ai perdu le nom mais qui travaille à la bibliothèque. Il y a l’infirmière que Monsieur Alain aimerait bien garder un peu plus longtemps, et le dentiste de Mme Chenu qui parfois la raccompagne.

Il y a des chansons, provenant d’un poste oublié ou bien d’un vieux vinyle. Il y a les oiseaux, qui nichent au printemps sous le toit en répandant des brins de paille un peu partout sur les marches de l’escalier.

Et puis tout en haut de l’escalier il y a Yanis.

Le beau Yanis, avec ses yeux gris berbère et sa peau mate comme un pain d’épice. Qui me donne l’eau à la bouche avant même d’avoir ouvert. Avec son air endormi, quand je le réveille en rentrant sur la pointe des pieds. Yanis et son corps chaud lorsque je me glisse à ses côtés pour épouser ses formes. Mon doux et amoureux Yanis, qui me cueille par la taille pour m’enfouir dans ses jambes fermes.

J’aime ces matins où la cage d’escalier ne s’éveillera que plus tard. Où le jour se lèvera sans doute pour allumer toutes ces touches de vie et les bruits de la journée. Où nos corps emmêlés ne livreront que des souffles. Où nous devenons pour quelques heures, les uniques souverains de ce royaume perché.

* * *

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire chimère nocturne ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0