Premier Contact
Brett marche dans les rues du vieux bourg éclairés par la lumière fade des lampadaires. Le phobique continue à battre ses cartes. Sa coiffure épineuse ne laisse qu’un noir profond dans son sillage. Sa veste bleue se balance à la cadence de ses pas. Son chapeau laisse reluire un bandeau jaune crue dans l’obscurité. Ses petits talons marquent le tempo d’une chorégraphie fantaisiste, un orchestre complet à une seule mélodie. L’Épouvantail ne se cache pas dans cette rue aux masures délabrées. Guindé comme il est, il en devient totalement décalé avec son environnement. Une vaine tentative de magnifier des bâtisses froides par une touche vestimentaire colorée.
Enfin, Brett arrive à l’adresse du docteur Equinoir. Un petit immeuble à la façade défraîchie coincé entre une bicoque en bois et une route. L’épouvantail s’engouffre dans l’encadrement de la porte, et appuie sur une sonnette usagée. Un papier en dépasse, indiquant à l’encre rouge le nom du psychologue : K. Equinoir.
Quelques secondes après que le bruit de la sonnette est retenti, la porte s’ouvre dans un déclic. Une voix grésillante résonne :
« Entrez »
Brett prend la poignée de la porte à pleine main et l’ouvre. Il entre dans un corridor poussiéreux, se frotte les pieds sur un paillasson délavé, puis rejoint un escalier branlant au bout du couloir. Il commence son ascension, observé par des rats aux yeux émeraude. Brett parvient à atteindre sans encombre le palier de la porte du docteur. Celle-ci arbore un énorme « quatre » peint en noir.
Le pyrophobe lève son bras pour toquer à la porte, mais avant que ce dernier n’ait pu faire quoique ce soit, une voix grave, mais légèrement éraillée, l’interrompt dans son geste :
« Inutile de frapper, je vous ai entendu. »
Brett, hésitant, approche doucement sa main de la poignée ronde. Il la tourne et l’ouvre d’un coup sec. À peine la porte ouverte, l’Épouvantail tombe à la renverse sur le palier, et recule en rampant pour fuir la pièce, s’accrochant aux marches de l’escalier. Ce n’est pas la baie vitrée affichant le ciel nocturne qui l’a effrayé. Ce n’est pas non plus la personne assise derrière un bureau, malgré son air famélique et le rat posé sur son épaule. Non, la cause de cette frayeur est la simple lueur d’une bougie, éclairant la blafarde face du psychologue.
Celui-ci tourne légèrement la tête et regarde la bougie. Il regarde son patient, puis éteint la bougie en pinçant la mèche de ses deux doigts. Le phobique pousse un soupir de soulagement. Le docteur se lève lentement de sa chaise, éclairé par la lune dans son dos. Arrivé sur le palier, il se penche vers le jeune homme. Il lui tend la main :
« Monsieur Brett je présume ?
Bien qu’indigné par le fait qu’on prononce son nom, Brett accepte la main tendue par le docteur et bredouille :
— Oui m-m’sieur. Est-ce que vous pouvez juste…
— Ne pas prononcer votre nom ? Si vous le souhaitez. »
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