Méthodes Cabalistiques

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Il regagne son bureau, toujours au ralenti, et se rassoit sur sa chaise. Il invite Brett d’un simple geste de la main à s’asseoir sur un des fauteuils en cuir. Brett, une fois relevé sur le palier, rejoint le fauteuil indiqué par le docteur en s’époussetant. Un instant de silence s’installe, le patient attendant les instructions du docteur, et ce même docteur remplissant divers papiers. Pour briser la glace, l’Épouvantail commence par parler d’un sujet anodin.

« Vous êtes bien le docteur… »

— Equinoir c’est exact. Dit-il en levant la main pour l’interrompre. Mais de la même façon que je ne vous appelle pas par votre nom, j’aimerais que vous utilisiez uniquement mon patronyme, et non pas mon titre, s’il vous plaît. »

Equinoir se lève finalement et rejoint son patient avec sa démarche fantomatique. La lune vient se refléter dans ses lunettes rondes. Il s’accroupit au niveau de son patient. Sa face blafarde est constellée de petites cicatrices circulaires, comme les cratères de la lune. Le psychologue scrute Brett, avant de finalement l’interroger :

« J’imagine que personne ne vous a parlé de mes méthodes ? Voire que certains m’ont déconseillé à cause de ces mêmes méthodes ? »

Brett, intimidé par l’allure si sérieuse et pourtant si déconcertante du docteur, se contente de hocher positivement la tête.

« Dans ce cas je vais vous demander d’avoir la plus grande confiance en mon expertise. La seule chose que je vous impose est simplement d’obéir à mes consignes et n’en déroger à aucune sous aucunes conditions. Ai-je votre parole ? »

Le patient approuve, mais garde la bouche fermée.

« Bien. J’imagine sans peine que vous avez peur du feu. Vous êtes même anxieux par la simple évocation de cette idée si je ne me trompe ?

Le visage de l’Épouvantail se contracte. Il lâche une faible affirmation :

— Oui

— Mes collègues pensent que les pyrophobes craignent seulement l’éventualité que ces dernières provoquent un incendie. Cette peur ne serait donc qu’une réaction exacerbée d’un réflexe de survie primitif. Avez-vous plus peur de mourir dans les flammes que par une autre mort ?

— N-non mais… Dit-il en hésitant.

— Cela ne m’étonne guère. Dit-il en interrompant le patient. »

Equinoir se relève, son rat toujours sur l’épaule, et contemple les étoiles à travers sa baie vitrée. Aucun des deux individus ne parle. Seul le spectre mouvant de la lune traversant la pièce rappelle que le mouvement existe encore.

Le psychologue reprend son discours après quelques instants de silence :

« Le cerveau humain est merveilleusement complexe, et une explication si banale ne peut convenir à cette même complexité. Vous n’avez pas peur directement de mourir, que ce soit par les flammes, les balles, ou la vieillesse. Pas exactement. »

Il saisit une vieille pipe sur son bureau, qu’il bourre de tabac, avant d’utiliser une allumette pour faire brûler le combustible. Réaction prévisible du patient, il recule dans son fauteuil. Il ne se détend uniquement quand le docteur éteignit l’allumette. Des petits amas de fumée s’élèvent de la pipe, faisant tousser le rongeur juché sur l’épaule d’Equinoir :

« J’ai une autre question pour vous. Vous regardez-vous régulièrement dans le miroir ? Interrogea le docteur.

— P-pas forcément.

— En avez-vous peur ?

— Non.

— Certain ?

— Oui.

— Bien. Dans ce cas, nous touchons du doigt le problème.

Equinoir continue à fumer tranquillement sa pipe. Il s’affaire sur une étagère où sont rangés divers bocaux et livres.

— Nous allons commencer plus sérieusement la séance. Je vais vous demander de rêver.

Brett est surpris de cette demande. Surpris à un point qu’il en lâche un pouffement.

— Je vous en prie, c’est extrêmement sérieux.

— Pardon. Mais en quoi cela va m’aider ?

— Vous n’arrivez pas à supporter la vision du feu dans la réalité. Il est probable que vous la supportiez mieux en rêve, et donc de pouvoir poursuivre notre séance.

— C’est n’importe quoi.

— Ce n’est pas n’importe quoi ! Répond le psychologue, ténébreux.

— En quoi dormir peut-il changer quoi que ce soit ?

— Vous m’avez promis de ne pas vous soustraire à mes consignes.

— Certes, mais on m’avait dit que vous m’aideriez, pas que vous vous moqueriez de moi. Finalement, les rumeurs ont raison sur votre compte. Je ne peux que vous souhaiter une bonne nuit, docteur Equinoir. »

Brett se relève, se préparant à prendre congé d’Equinoir. Mais, surprenamment, ce dernier se retourne, et avec une vivacité étonnante, se jette sur son patient et lui plante une seringue dans son bras gauche. L’Épouvantail voulut pousser un cri, mais sa mâchoire lui semblait si lourde qu’il ne put articuler un mot, avant de s’écrouler dans le sol, endormi. Equinoir se relève et porte le pyrophobe à son fauteuil.

« Je ne peux que vous souhaiter la même chose, monsieur Brett. »

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