Sablier de neige. (Jour 5: 500 mots)
Les flocons tombaient lentement, imposant doucement leur fraîcheur tout autour de moi. Un frisson parcourut tout le long de la colonne vertébrale, faisant vibrer l’entièreté de mon corps. Visiblement mon manteau, mes deux pulls, mes grosses chaussures, mon écharpe de laine et mon bonnet tricoté par mon amie Louise ne suffisaient pas à me réchauffer. Pour un mois de mai en Floride, il fallait avouer que je pensais être plus qu’équipée. J’étais déjà bien contente d’avoir retrouvé quelques vêtements de mon ancienne vie à Quebec. Ces habits que je ne pensais jamais devoir remettre, ici, à Miami, mais que j’avais tout de même gardés, souvenir du grand froid canadien.
Sur le pas de ma porte, je regardais les gens dans la rue, les touristes mélangés aux locaux. J’observais deux types de réactions face à cette folie météorologique, les premiers, dubitatifs, essayaient de comprendre, d’analyser la situation, les seconds, euphoriques, courraient simplement sous les flocons et profitaient de cet évènement exceptionnel qui leur arrivait. Deux enfants entreprenaient même déjà la réalisation d’un bonhomme de neige sur le trottoir d’en face.Ils s’apprêtaient à poser la deuxième boule, lorsqu’un vent chaud vint surprendre tout le monde. D’un coup, la neige s’arrêta de tomber, juste quelques flocons voletaient encore, mais le ciel lui était dégagé et le soleil printanier de Miami reprit ses droits.
Je souriais, je me savais la seule à comprendre ce phénomène. J’enlevai mon écharpe et mon bonnet et m’en retournai dans ma maison. J’enlevai ce qu’il me restait de vêtements chauds, heureusement les quelques minutes de temps hivernal à l’extérieur n’étaient pas suffisante pour faire déscendre la température intérieure. Je m’installai dans mon sofa et admirai l’objet insolite posé sur la table basse. À première vue, je sais, ce sablier n’avait pourtant rien de spécial, il me venait de ma meilleure amie, qui me l’offrit lorsque quitta le pays - «Si un jour tu as trop chaud là-bas» - m’avait-elle dit avec un sourire en coin.Ce n’est qu’aujourd’hui que je compris ce qu’elle voulait dire.
Le temps était écoulé, la partie du haut demeurait vide, ou presque... collée au socle supérieur, on pouvait distinguer plusieurs des buildings de Montréal, la tête en bas, comme le Pointe-à-Callière museum et l’Olympic Stadium, l’inscription «Monreal» y était même gravée à même le verre. Dans la partie inférieure, recouverte en grande partie par le sable blanc: Miami.
Je retournai le sablier, la ville Montréal était maintenant à l’endroit et Miami la tête en bas, le sable se déversa à nouveau sur la ville québecquoise tandis que la plage reprenait ses droits en Floride, j’allai voir à la fenêtre et ne put empêcher un petit rire lorsque je vis les deux garçons effondrés devant leur bonhomme de neige fondue. Dans ma grande générosité, je décidai de leur offrir une nouvelle chance, je retournai à nouveau le sablier et le ciel de Miami se retrouva nouveau pour la deuxième fois en à peine une demi-heure envahie par les flocons de neige qui tombaient lentement pour transformer la plage en un beau manteau blanc.
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