4. I REALLY LIKE YOU
REESE
J'ai passé une nuit plutôt difficile, à me demander pourquoi mon frère ne sait jamais confier à moi sur ces sentiments ? Pourquoi il ne cesse de me les cacher, de faire semblant ?
Je descends alors l'escalier épuisé, épuisé car mon frère doit être quelques parts dehors à se saouler ou pire. Malheureusement pour lui je n'ai plus la force de le résonner, de me battre contre lui, de perdre du temps avec ça alors qu’il m’en reste peu.
Quand je rentre dans la cuisine, l'incompréhension me gagne. Scott est là, assis sur la table avec une assiette rempli de pancakes. Ce même frère qui pendant des jours m’a évité comme la peste.
— Chalut frangin t'a bien dormir ? dit-il la bouche pleine.
Je souris, pour la première fois depuis des semaines, j'ai l'impression de le retrouver. Ce frère avec le sourire et qui respire la joie de vivre. Mais tout ça n'efface pas les mots d'hier soir, je sais qu'il souffre, mais il a décidé d'occulter une nouvelle fois ses sentiments, de faire semblant que tout va parfaite bien. Il a utilisé cette technique des milliers de fois, il suffit que je lui demande si il va bien pour qu’il m’affiche un immense sourire me disant que je ne devais pas m’alarmer. Jusqu’à maintenant j’ai ignoré, mais hier et les jours d’avant s’était différent, il ne pouvait plus faire semblant, il n’en avait plus la force et ça commence à m’inquiéter, parce qu’un jour il s’effondrera telle un château de carte et je ne serais plus là pour l’aider. J'ai envie qu'on en parle, qu'on discute de ce qu'il ressent, mais je sais qu'on finira par se disputer comme hier soir, qu’il partira de nouveau et je veux tout sauf ça.
— Allô Reese ici la Terre, tes pancakes vont disparaître dans ma bouche, dit-il tout en agitant sa main devant mon visage.
— Oh, je suis désolé, j'étais perdue dans mes pensées.
Scott commence à rire.
— Quoi ?
— Tu pensé à Angel.
J'ai bien faille m'étouffe avec mon lait, renforçant le fou de rire de mon frère.
— Pour… Pourquoi je… Je penserais à elle, dis-je en bégayant, devenant rouge de honte.
— Parce que tu es à fond sur elle depuis l'école primaire. Ne me regarde pas comme ça, je suis ton frère, je sais tout.
Actuellement, je suis pire que gêner, comment fait-il pour savoir tout sur moi ? C’est comme si j’étais un énorme livre ouvert, il lui suffise de lire le prochain chapitre pour connaitre la moindre partielle de ma vie. Sans déconner, j’ai caché ça depuis des années, je n'ai jamais eu le courage de l’avouer à Angel, à personne d’ailleurs. Mais lui il le sait depuis le début et il ne m’en a jamais parlé.
— Tu as gagné, il est possible que je sois amoureux d’elle, mais qu’est-ce ça peut te faire ?
— Ce que ça me fait, mec c'est ta dernière chance tente le coup. Je refuse de te voir mourir vierge.
— Je vais faire comme si tu n'avais rien dit.
Pourquoi je m’entête encore à avoir un jardin secret. Je ne peux apparemment rien lui cacher et c'est frustrant. Mais ce qui m'inquiète le plus actuellement, c'est le regard qu'il me jette. Ce regard comploteur qu'il a utilisé des centaines de fois, bordel quelle bêtise il veut qu'on fasse.
***
2016
— Reese tu te souviens de la peau de vache ?
— Comment l’oublier.
— Figure-toi qu’elle est revenue de vacances.
Je soupire. Cette vieille est une horreur, le nombre fois où elle nous a criés dessus, parce que d’après ses soi-disant règles, il est interdit de marcher sur la pelouse ou même de lui sourire. C’est pour ça que Scott et moi, on a décide de lui pourrir la vie en retour. On lui à presque fait toute les crasses possible et inimaginable, on lui à même fait croire qu’elle était folle. Mais elle est toujours là comme un Facehugger, elle s’accroche. Alors mon frère me regarde avec cet air cachottier sur le visage :
— Ce soir, on pisse sur ses géraniums chéris. On va voir si elle survie à ça. Peut-être qu’elle déménagera pour de bon.
J’adore cette idée et le soir même nous sommes dans son jardin, l’oiseau sorti en train d’arroser ses végétaux. Des policiers finissent par nous demandent de fermer nos braguettes et de mettre les mains sur la tête. J’avais complément oublie que ce soir il ferait leur ronde dans le quartier. Je suis rouge de honte et cet imbécile de Scott se retient de rire.
Pendant une heure, on se retrouve à expliquer pourquoi on a fait une chose pareille. Scott ne peut plus s’empêcher de glousser. Ils vont finir par nous mettre en cellule s’il continue. Mais nos parents débarquent avant que ce soit le cas. Par la suite, on a une longue discussion avec eux et on a été privé de sortir.
***
Je me prépare psychologiquement à ce qu’il va me dire.
— Je lance aujourd'hui l'opération Pancakes. Première mission arrangée un rendez-vous avec Angel. La deuxième plus complexe, lui dire la vérité sur ce qui se passe.
C'est moins pire que ce que je pensais, mais il a tout de même appelé son opération Pancakes. Je sais qui les adore, mais il y a une limite quand même. Malgré ce nom de plan affreux, j'accepte, de toute façon, je ne peux rien lui refuser.
C'est avec la boule au ventre que mon frère et moi traversons l'allée pour nous rendre chez Angel. Je stresse et je ne devrais pas, c'est ma meilleure amie après tout. Scott m'encourage à sonner à la porte à l'aide de pouce en l'air et de "tu vas y arriver".
C'est facile à dire pour lui, les filles se jettent littéralement à ses pieds. Il a plus de conquêtes que les sportifs du lycée. Moi, je suis timide, presque insociable. Une fois, j'ai voulu inviter une fille au bal du printemps, j'ai tellement bégayant, bafoué qu'elle a cru que je mettais échapper d'un asile.
Enlevant les souvenirs de ses filles qui m'ont repoussé, je prends mon courage à deux mains et sonne.
— Salut les garçons, qu'est-ce qui vous amène ?
— Euh, bah, je me disais que toi et moi… On…Pourrait se faire un ciné ce soir, je-demande avec le sourire le moins naturelle de l’univers.
Je n'ose même pas regarder mon frère.
— OK, envois-moi l'heure et le film que tu veux voir. C'est tout ce que tu avais à me demander ?
Je hoche la tête et elle referme la porte. Mon frère me met une claque à l'arrière de la tête, je n'ai pas le temps de comprendre qu'il est déjà rentré.
— Mec pourquoi tu ne lui pas dit ? s’emporte-t-il quand j'ai passé la porte.
— J'ai pas pu, je ne veux pas qu'elle me regard comme les parents ou toi. Je n'ai envie pas qu'elle sorte avec moi juste parce que je vais mourir.
— Elle le découvrira d'une manière ou d'une autre. Je sais que tu as peur, mais plus tu le gardes pour toi, plus les conséquences seront grandes.
Je soupire, je sais qu'il a raison, mais c'est au-dessus de mes forces. Je veux que pour une fois, on ne me regarde autrement que comme un mourant, je ne veux pas qu'on me regarde comme si j'étais déjà parti. Mais ce n'est pas mon principal problème, ma mission de la journée : trouver un film qui plaise à Angel.
C'est comme ça, que je me retrouve enfermé dans ma chambre à chercher désespérément un film qui nous plaira. Je marmonne dans mon coin, trouvant les films trop flippant ou trop niais. Mais un seul retient mon attention, malgré ma phobie des films d'horreur, je suis près à regarder Happy Birthdead. On va dire que c'est le film le moins effrayant et le plus sujet à plaire à Angel.
— Scott tu peux venir voir, j'ai besoin de ton avis.
— Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il en rentrant dans ma chambre.
— Tu penses que pour un premier rendez-vous Happy Birthdead, c'est bien.
— Oui à condition que tu ne meurs pas de peur, ça serait con quand même.
Puis il se marre comme d'habitude, c'est à cause de lui si j'ai autant peur de tout ce qui entoure Halloween.
***
2010
— Ce soir, Reese je te propose de regarder un film d’horreur.
— Tu sais que je ne suis pas fan de ça et puis on n’a pas l’âge.
— On s’en fiche les parents sont pas là.
J’accepte à contre cœur, Scott va chercher un film dans la collection des parents. Il revient dans le salon triomphant :
— Paranomal Activity ! crie-t-il en brandissant le DVD.
Il le met dans le lecteur, pendant que je fais chauffer du pop-corn. Nous nous installons ensuite sur le canapé, et dans le noir complet Scott met le film en marche.
À chaque son ou image étrange je saute en l’air, le laid devant les yeux. Contrairement à mon frère, lui, ne paraît pas perturber une seconde, on a l’impression qu’il regarde un dessin animé. Pourquoi j’ai accepté de regarder ça ?
— Faut que j’aille aux toilettes, me dit-il en mettant en pause
Il part me laissant tout seul face à Katie qui regard Micah en train de dormir. Ce n’est pas du tout flippant, j’ai l’impression qu’elle va se retourner vers moi et me sauter dessus. C’est alors que je sens quelqu’un se jeter sur moi, je crie, je me débats.
— Scott ! À l’aide, le démon veut ma peau !
C’est alors que j’entends son rire, mon frère s’écroule sur le canapé ne pouvant plus s’arrêter. Cette nuit-là j’ai fait un cauchemar comme TOUTES les mois qui ont suivi.
***
Après qu’il se soit foutu de ma tête une fois de plus, je lui donné un coup-de-poing dans l'épaule. Par la suite, j’envoie un message à Angel.
Le soir, je préviens mes parents de mon départ.
— Papa, maman, je vais au cinéma avec Angel.
— Chéri, on peut parler avant ? me demande ma mère.
— OK, qu'est-ce qu'il y a ?
— Avec ton père, on a remarqué que tu n'avais versé aucune larme depuis le diagnostic, en fait tu te comportes comme si tout allait bien et ça nous inquiète. On pense qu'un groupe de soutien ou voir un psychologue te ferait du bien, tu pourrais parler de tout ça avec des gens dans la même situation.
Elle me tend alors des dépliants, je scrute mon père en s'espérant qu'il dise quelque chose, mais il fuit mon regard. Je m'assois à l'îlot de la cuisine et inspire un grand coup. Je pensais que j'échapperai à cette discussion.
— Écouter, je n'ai pas envie de penser à ça, de parler de ça. La nouvelle m'a fait un choc s'est sûr, mais je n'ai pas envie de m'apitoyer sur mon sort, de perdre du temps avec ça. Je n'abandonne pas comme la prétendue Scott, parce que la bataille est perdue d'avance. Je vous demande juste de faire comme si tout était normal, même si c'est dur.
Puis je me lève le cœur lourd, ils auraient aimé une autre réponse, mais je ne veux pas leur mentir. Oublier tout ça, c'est mon moyen de l'affronter, même si les médicaments, mon humeur changeante, ma mémoire qui déraille un peu et autres me rappelle que je me bats contre un ennemi invincible qui finira par gagner. Je ne peux que me battre pour une vie normale.
Après le repas, Scott me donne les clés du pick-up :
— Tu vas tout déchirer frangin.
— Merci Scott.
Je sonne chez Angel et l'invite à monter dans la voiture. Je ne peux m'empêcher de lui jeter des coups d'œil, qu'est-ce qu'elle est belle avec son carré châtain, ses yeux vairons sont d'une beauté sans pareille, mais son sourire surpasse tout, c'est celui qui me rend heureux, amoureux.
Nous arrivons au cinéma où je paye les deux places, Angel a beau rouspéter, je ne me laisse pas faire. Je nous prends aussi un énorme pot de pop-corn, parce que c’est impossible pour moi de regarder un film sans. Mon frère est tout à fait d’accord avec moi.
Dans la salle, je n'arrête pas de bouger sur mon siège, le film n'a même pas commencé que je suis déjà terrifié, pourquoi j'ai choisi ce film ? Angel, elle, se fout de moi, pourquoi personne ne me respecte ?
Le film a commencé depuis quelques minutes que j'ai déjà sursauté, crier et que je suis à la limite de faire une crise cardiaque. Mais le fait de voir Angel rire, s'amuser me fait plaisir. J'aimerais tellement avoir plus de temps avec elle, pourvoir l'aimer toute ma vie, vieillir à ses côtés, avoir des enfants. J'avais tout planifié, mais ma maladie, ma mort ne rentrait pas en compte.
C'est avec un énorme soulage que je vois le générique de fin défilé.
— Alors tu en as pensé quoi ? me demande Angel dans la voiture.
— Stressant, paniquant, flippant et tout les adjectifs qui font référence à la peur.
Une nouvelle fois, elle rigole m'entraînent avec elle. Je me sens débile, je l'ai emmené voir un film dont je déteste le genre.
Je la dépose devant chez elle et avant de sortir elle m'embrasse sur la joue :
— Merci pour cette soirée, mais la prochaine emmène-moi voir quelque chose qui te plaît.
Je rentre alors chez moi, le cœur rempli de bonheur. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'étais si heureux. Mais la réalité me rattrape, Angel connaîtra un jour ou l'autre la vérité et à ce moment-là plus rien ne sera comme avant…
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