Chapitre 3 ~ Can't escape the need to know what the future holds

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8h02 tapantes. Almia sort de son appartement.
Ça me paraît étrange d'assister à son départ quotidien depuis ma fenêtre et non en empruntant le même chemin qu'elle, mais c'est le seul moment où je pourrai rentrer dans son immeuble sans la croiser. J'appelle la boulangerie et prétends un état de santé juste assez dramatique pour disparaître tranquillement, tout en vérifiant du coin de l'œil qu'elle monte bien dans son bus. Il ne faudrait pas qu'elle revienne sur ses pas alors que je suis en pleine conversation avec le gardien. Heureusement pour moi, son quotidien réglé à la seconde près limite ce risque.

Je me présente à 8h05 devant son immeuble. Il ne m'a jamais paru aussi imposant. Sa lourde porte de bois vernis, tel un mur infranchissable, m'empêche de passer. Pourtant, il suffirait de presser le bouton pour appeler le concierge, qui est par ailleurs l'homme que je cherche. Mais cela m'est impossible. Mes mains tremblent. Des pensées jusque-là refoulées m'assaillent. Quelle excuse donner ? Qui prétendre être ? Et en cas d’échec, que faire ensuite ? Ma conscience me pousse à ignorer ces doutes mais, maintenant qu'ils font partie de moi, qu'ils se sont insinués en moi, je ne peux plus les repousser. Il faudra donc que je fasse avec. 

Mes doigts se dirigent en tremblant vers le petit interphone rouillé, appuient faiblement sur le bouton et… rien ne se passe. Pas le moindre bruit à l'intérieur.
Dites-moi que c'est une blague ! Ça ne peut pas se passer comme ça. Je ne peux pas rester planté là, comme un imbécile. Je rassemble toute la force que je trouve dans mes membres pétrifiés pour frapper le battant de bois.
J'ai l'impression que ça n'a servi qu'à me tordre le poignet. Pourtant, moins d'une minute plus tard, un vieil homme m'ouvre la porte. Il n'a plus un cheveu sur le haut de crâne, ses yeux sont vairons, et celui de droite a l'air vitreux, trouble. Malgré sa petite taille et sa faible carrure, il arrive à être imposant dans son attitude.

— Excusez-moi, vous sauriez où est le concierge ?
— Qu'est-ce que vous lui voulez ?

Allez, s'il te plaît, l'inspi, j'ai besoin de toi, là. Que toutes ces années à écrire des histoires sorties de mon esprit n'aient pas servi à rien.

— Je cherche une cousine et je crois qu'il pourrait m'aider.

Quelle originalité, Sam !

— C'est moi le gardien de cet immeuble, celui que vous cherchez. Donc, cette cousine ?
— Elle s'appelle Almia. Almia Fersetta. C'est une cousine éloignée. Je suis de passage en ville et j'aimerais profiter de ce séjour pour la rencontrer. Malheureusement, je n'ai pas pu la contacter à l'avance et je n'ai donc aucune idée de ses horaires, ou de quoi que ce soit d'autre qui aurait pu m'aider.

Avec un peu de chance, si, pour ma part, je ne l'ai jamais vu de près, il en sera de même pour lui. Je croise les doigts pendant qu'il semble réfléchir profondément. Puis d'un coup la lumière se fait, il semble associer enfin nom et visage, et un léger sourire apaise ses traits. Je poursuis :

— Mais dites-moi, elle habite ici depuis longtemps, vous la connaissez assurément mieux que moi, vous pensez que ça lui fera plaisir que je passe ? Je sais à peine quel genre de fille c'est…

Je tente le tout pour le tout. Après tout, c'est ma curiosité qui m'a mené ici, non ?

— Vous n'avez pas de chance. Elle est partie il y a une vingtaine de minutes.

Je regarde ma montre. 8h19. Il y a dix-sept minutes exactement.

— Elle devrait rentrer chez elle vers 18h. Réessayez de passer la voir à cette heure-là, poursuit-il d'un air enjoué.

Merci vieil homme, mais l'idée était d'innover en termes d'informations. Son emploi du temps est pour le coup la moindre des choses après des mois d'observation. Qu'est-ce que j'espérais, aussi, ce n'est pas comme s'il avait un power point spécial Almia prêt pour moi…

— Aussi, plutôt que de toquer à la grande porte pour entrer dans l'immeuble, frappez à ma fenêtre, celle tout juste à gauche. Je vous ouvrirai.

Pour ça faudrait-il encore que je revienne, étant donné qu'elle n'est ni ma cousine, ni mon amie, ni quoi que ce soit d'autre. Elle ne me connaît pas. Le deuxième essai n’a jamais été une option. Et ce vieux ne m'aura rien appris. Je me retourne vers la sortie, attendant derrière moi le bruit du lourd battant de la porte.

— Monsieur !

Je me retourne. C'est bien à moi qu'il parle. Il tient dans sa main tendue un carnet rouge.

— Puisque vous allez rendre visite à Mlle Fersetta, pourriez-vous lui donner ça de ma part ? Un des voisins l'a trouvé et me l'a confié, mais monter les six étages menant à son appartement, c'est trop pour moi.
— Il n'y a pas d'ascenseur ?
— Cet immeuble est bien plus vieux que vous, jeune homme. Il doit largement avoir mon âge, voire plus. Il n'en a jamais été équipé. Donc, vous acceptez ?

Ma conscience m’assène une claque sonore, mais je ne peux m'empêcher de jubiler.

— Bien sûr, cela va de soi !

Je saisis le journal et tourne les talons pour retourner à mon appartement, le cahier entre mes mains. Cette visite n'aura peut-être pas été vaine, au vu du titre du carnet que je tiens. S'il commence par "cher journal", cela ne peut que m'intéresser…

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