Chapitre 12 ~ Your lips, my lips, Apocalypse

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Lorsqu’elle colle ses lèvres aux miennes, elle s’éloigne aussitôt, comme soudain consciente de son acte, ou inquiète de ma réaction. Sans la moindre hésitation, je pose ma main sur sa joue et l’embrasse comme j’ai tant rêvé de le faire. Je comprends enfin le sens du mot bonheur, goûtant au paradis. Je me dis que je pourrais m'éloigner d'elle, une seconde, le temps de lui dire ces mots qui me brûlent, mais il m'est impossible de laisser le moindre interstice d'air entre nous, alors j’encercle sa taille de mes mains. Je réalise qu'elle n'a jamais été à ce point humaine depuis un mois.

Autour de cette misérable chambre de bonne, Paris dort, silencieuse. Demain, le temps reprendra son cours normal, mais cette nuit, l'instant est dédié à la force des sentiments reliant nos deux âmes solitaires, perdues, en marge de ce monde. Cet amour qui lui a permis de revenir à la vie, pour qu'elle sauve mon cœur meurtri.

Nous oublions tout ce qui nous entoure, ne songeant qu'au moment présent, exécutant les gestes tant de fois rêvés et refoulés ces derniers jours. Je redécouvre la douceur de sa peau et, ses doigts perdus dans mes cheveux, elle me fait perdre la tête. Almia semble ressentir la même chose puisque nous restons longtemps ainsi, dans les bras l'un de l'autre. Dans le ciel étoilé, la lune exécute son parcours inexorable au milieu des quelques nuages, comme depuis la nuit des temps, insensible à notre désir de rester ensemble pour l'éternité. Les minutes s'écoulent, devenant heures. Le jour se lèvera d'ici quelques minuscules instants.

Lorsque nous nous séparons, mon cœur se froisse. Elle me rassure par un sourire qui me fait fondre et je comprends qu'elle m'assure sa présence ce soir. Et soudain, elle n’est plus que filet de brume, me laissant seul avec mon bonheur qui m'empêche de dormir. Néanmoins, je me force à m'allonger et à fermer les yeux.

Des images de cette nuit magique et de cette femme devenue pour moi une véritable addiction refusent de quitter ma tête. Je tente de me rappeler ce qui me poussait à me lever chaque matin avant qu'Almia entre dans ma vie, ce dont je pouvais bien rêver chaque nuit ou encore quel était mon but, ce à quoi j'aspirais. Je ne trouve pas de réponse. À me demander si j'étais le même homme.

Il reste cependant un doute, une peur qui me ronge les entrailles, qui ternit quelque peu le bonheur qui grandit en moi. Ces angoisses me font redouter chaque soir que tout s’effondre, et m'empêchent d’apprécier pleinement ma chance.

Ne pas voir Almia revenir. La source de tous mes cauchemars. Malgré le miracle de sa présence auprès de moi chaque nuit, rien ne peut m'assurer que cela durera. Elle transgresse déjà je ne sais combien des règles de notre monde à chaque apparition, alors il est difficile de deviner ce que nous réserve le futur.

Parfois, le temps d'une seconde, je me dis qu'il serait plus simple de ne pas l'aimer, je perdrais alors cette peur qui me tient au ventre, je pourrais reprendre une vie normale, je vivrais aux moments où le soleil brille dans le ciel, je rencontrerais des gens… Je redeviendrais quelqu'un de banal, mais tout naturellement heureux, qui pourrait simplement profiter d’un jour de beau temps ou des bêtises de Koridwen. Sauf qu'il me manquerait quelque chose. Ayant goûté au vrai bonheur, comment retourner à une vie fade ? à un quotidien creux ? Comme si les sentiments qu’elle me fait ressentir étaient ce qui fait de moi un humain à présent. C'est donc ce qui me pousse inlassablement à me battre pour nous, pour que je puisse vivre avec la femme que j'aime, quitte renoncer totalement à cette société, à inverser jour et nuit, à me couper de tout contact humain autre que le sien.

Il n'y a qu'elle dont j'ai vraiment besoin.

J'en arrive même à me demander comment c’est possible d'aimer à ce point sans y jouer sa vie. Tout compte fait, ai-je vraiment raison ? La relation dans laquelle je m'avance est-elle aussi saine que je le pense ? Elle m'est indispensable, j'en conviens, mais je m'interroge malgré tout sur l'avenir qu'Almia et moi aurons.

Une morte et un vivant. La blague.
Où va le monde ?
Notre monde ?

Il n'y a que moi qu'il faille écouter, éloigne toi d'elle, me murmure ce qu'il me reste de raison, dans un bruissement presque inaudible. Elle est la seule qui puisse te conduire au bonheur, ne la quitte pas, me susurre mon cœur. 

Dans ce chaos intérieur, Morphée m'attire entre ses bras, me fermant les yeux et me décrochant de la réalité. «Attends ce soir,» me souffle-t-il, «Seule Almia a tes réponses.» J'ai beau tenter de résister, il m'entraîne, imparable, vers l'inconscience. J'abandonne cette lutte contre la fatigue, perdue d'avance, mais avec l'espoir de trouver un dénouement heureux à mes tourments internes.

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