Chapitre 13 ~ Take me back to the night we met…
Qui aurait cru qu’après tous les bouleversements de ces trois derniers mois les choses finiraient par trouver leur place, comme un nouvel équilibre. Je reprends à peine mon souffle des angoisses qui ont secoué mon corps, puis des baisers ardents qui les ont apaisées, et me voilà soudain dans un vie monotone. Les longues soirées de confidences ont été remplacées par cette faim insatiable de contact entre nos deux corps. Les premières nuits de passion, où nous avons cédé à nos envies trop réprimées, ont laissé place à un amour fusionnel et harmonieux.
Nos nuits où je ne fais que me perdre dans son regard émeraude se ressemblent, mais chaque baiser a l’intensité du premier. Qu'il soit long et langoureux après une séparation toujours trop longue pour moi, ou rapide, chaste, volé du bout des lèvres, je ne peux m'en lasser. Je trouve dans ses étreintes un bonheur que jamais aucun autre amour ne m’avait fait ressentir. À son contact, mes peurs de la voir disparaître se font imperceptibles. Je voudrais ne jamais avoir à la lâcher, mais je ne veux pas l’étouffer totalement alors je la laisse se détacher de moi, en sachant que nous nous retrouverons presque aussitôt.
Je voudrais tellement que cette proximité ne soit pas que de surface, et apprendre à la connaître réellement, mais je ne veux pas la brusquer. J’ai déjà tellement de chance d’avoir vaincu sa défiance pourtant solide… Alors je prends mon mal en patience. Nous ne sommes pas pressés, nous avons l'éternité devant nous. En attendant, la plupart du temps, je lui raconte des histoires, constamment différentes. Mes histoires. Mais ce soir, je lui en raconterai une plus importante que les autres.
***
— Almia, quel jour sommes-nous ?
— Le 20 décembre, il me semble. Pourquoi ?
— L'histoire que je vais te raconter se déroule donc il y a plusieurs mois. Nous sommes à la fin du mois de janvier... Ferme les yeux et imagine.
Nous nous dirigeons vers le lit, amas de couvertures et oreillers poussés dans un coin du studio. Je m’assieds à l'angle des deux murs et elle se blottit contre moi. Je l'entoure de mes bras, pose une couverture sur son corps, la borde et lui passe mes doigts sur les yeux, lui fermant les paupières. Notre rituel achevé, je me lance :
— Il est 8h02. Un gars attend à un arrêt de bus. Le véhicule sera là d'ici trente secondes. Bien qu'un peu en retard sur ses bonnes résolutions, il cherche du travail. Il aimerait bien écrire des livres, tu sais, mais malheureusement la vie en a décidé autrement. Alors il attend dans le froid, l’air morose. C’est là qu’une fille magnifique, le regard d'un vert émeraude, sort de chez elle. Le jeune homme la regarde comme il contemple chaque personne qu'il croise... Il a toujours trouvé son inspiration en observant le monde qui l'entoure. Cette femme a quelque chose de plus qui fait qu'il ne peut détacher son regard d'elle. Il monte à sa suite dans le bus et, au bout de quelques stations, réalise qu'il descend au même arrêt qu'elle.
— Sam…, sa voix tremble, Ne me dis pas que…
— Laisse-moi finir... garde les yeux fermés... tu les vois ces deux jeunes ?
— Oui mais…
— Chuuuut… Le garçon, appelons-le… Sam, par exemple, va l'oublier, se disant qu'il ne la reverra jamais. Sauf que le soir, elle remonte dans le même bus, en même temps que lui, au même arrêt, pour emprunter le même chemin que lui. Il n'y voit pas un signe du destin, mais il découvre sa nouvelle source d'inspiration.
La nuit est bien avancée au moment où mes deux personnages échangent leur premier baiser.
— Alors, qu'as-tu pensé de mon histoire ?
— Je trouve le personnage de Sam particulièrement attachant, drôle, prévenant… juste parfait. En revanche, la fille, Almia, ne le mérite pas.
— Oh, Almia, si…
— C'est à mon tour de parler… Je disais donc qu'elle n'était pas assez bien pour lui… Mais j'ai aussi remarqué que, si tu sembles connaître ton personnage Sam sur le bout des doigts, des fragments d'Almia paraissent t'échapper. Si tu le veux, je pourrais te les raconter.
— Tu ferais ça pour moi ?
Ses yeux s’enflamment et sa voix fait disparaître tout mon univers. Il ne reste plus que ses mots et ses iris.
— Je ferais tout pour toi, Sam, tu es celui qui m'a sortie du gouffre dans lequel j'étais plongée. Si tu savais à quel point les moments passés avec toi comptent pour moi. Sans toi, il y a longtemps que j'aurais arrêté de hanter cette terre. Là où tant d'autres m'ont laissée, tu as tout fait pour que nous restions ensemble, quitte à te déconnecter de ce monde qui n'est plus le mien. Si tu savais, Sam, à quel point je te suis redevable. Tes mots, si justes, qui touchent mon cœur à chaque tentative, ont beau panser les blessures de mon âme, je ne peux m'empêcher de penser que ça ne devrait pas être moi à tes côtés. Tu es tellement... parfait.
Ses paroles me laissent vide de tout. Vide de réponse. Vide de certitudes. Nos regards, ancrés l'un dans l'autre, prennent la place des phrases et, dans cet échange silencieux, mes lèvres ne parviennent à donner forme aux quatre pauvres mots que mon âme crie.
Je t'aime, Almia.
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