Chapitre 15 ~ Has melancholy taken you for good ?

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Attraper la clé.
La faire rentrer dans la petite serrure.
Ouvrir la boîte.
Saisir le courrier.
Le sortir de ce petit coffre.
Refermer le tout.

C'est simple, non ? Eh bien, je ne me suis jamais senti autant décalé de la réalité qu'à ce moment.
Revenir dans le quartier où Almia et moi avons vécu jusqu'il y a deux ou trois mois me demande un effort plus important que celui que j'avais présumé. Ma bouche est sèche et j'ai l'impression que mes tripes font du tricot tant elles sont nouées. Je monte lentement, pas à pas, la cage d'escalier de l'immeuble, en direction de mon appartement. Il faut que je ramène quelques affaires au cocon pour ne pas plonger dans l'insalubrité. Il me faut également un sac pour le courrier. Je n'aurais jamais imaginé en avoir autant. Mes mains tremblent lorsque la clé débloque la serrure.

Je pénètre alors dans un salon, peu rangé, exactement comme je l'ai laissé. Mes yeux redécouvrent sans nostalgie l'ensemble de ma vie d’avant et je me rends dans ma chambre. Le lit à même le sol, l'armoire en bois sombre, le bureau désordonné recouvert de stylos et de feuilles, les étagères croulant sous les livres, les murs recouverts de post-it permettant à mon ancienne créativité débordante de ne pas achever mon cerveau. Tout cela paraît étranger à la personne que je suis désormais. Je me retourne alors vers le miroir accroché au mur. D’autres petits papiers colorés collés sur la glace entourent un visage cadavérique de par sa maigreur. On lit sur ce reflet les vestiges de tourments intenses, dont ces traits peinent à se défaire. Désormais, les fines lèvres de ce jeune homme s'étirent, avec difficulté, dans le but de sourire. Je cherche dans ces courts cheveux ternes, dans ces yeux marrons fatigués ou encore dans ces mains tremblantes ce qui me permet de ne pas faire pâle figure aux côtés d’Almia. Exempt de réponses, j’abandonne ces pensées. Je détaille ensuite le corps de la personne qui me fait face. Malgré l’enveloppe d’angoisses qui lui colle à la peau, et son manque de vivacité, il dégage une chaleur particulière, puisée dans un bonheur indescriptible

Je me détourne du miroir pour chercher des valises que je remplis au maximum de vêtements, objets du quotidien et souvenirs matériels dont je ne peux me séparer. Je fourre le courrier dans un sac en tissu et saisis un morceau de papier auto-collant sur lequel j’inscris quelques mots. Je fais une dernière fois le tour de l'appartement. J'espère ne rien avoir oublié car j'ai envoyé un message à mes parents. Cet appartement n'est plus le mien. Tout ce qui s'y trouve est désormais leur propriété. Qu'ils vendent, donnent, jettent ou brûlent ce qu'ils veulent, cela ne me concerne plus.

Derrière moi, je ferme à clé et quitte l'immeuble d'un pas léger, mon cœur vide cherchant la nostalgie qu'il ne parvient pas à ressentir.

Il sera 15h37 lorsque le premier habitant de l'immeuble trouvera, collé sur une des boîtes aux lettres, un papier rose, griffonné des mots ci-dessous :

Merci de transférer le courrier au nom de Sam Merlioz au 9 rue Joseph Dijon, 75018
Bonne journée :)

***

Mes affaires déballées au beau milieu de mon studio fraîchement débarrassé, le courrier posé sur ma table, je m'attèle au rangement des valises. Retrouver ces vieux vêtements, mais aussi quelques souvenirs me fait me sentir étrangement bien. J'ordonne les rares étagères présentes autour de moi dans l'espoir de créer davantage d’espace. Passer d’un appartement de taille relativement importante pour une personne vivant seule dans Paris à un studio pose quelques problèmes de place, bien que je n’aie que peu d’affaires.

— Quelle motivation ! constate Almia.

Sa voix me fait sursauter, aussi je me retourne brusquement.

— Tu es déjà là ? lui demandé-je.
— Tu as l'air heureux de me voir, dis donc... Le soleil est couché, je te signale.
— Tu as raison, pardon.

Je me lève et m'approche d'elle. Ma main se pose sur sa taille.

— Me pardonnez-vous, très chère ?

Je me penche vers elle pour l'embrasser. Mes yeux se ferment pour profiter de l'instant et je sens quelque chose de froid se poser sur mes lèvres. Mon élan se brise alors que je la regarde à nouveau. Son doigt posé sur ma bouche.

— Je n'ai pas dit oui…

Je fais la moue et tente de l'apitoyer par un regard que j'espère mignon. Elle secoue la tête pour me signifier que cela ne fonctionne pas. Je décide alors de changer de stratégie. Almia explose de rire dès que je commence à la chatouiller.

— Non ! Non ! Tout ce que tu veux, mais pas ça ! parvient-elle à formuler malgré son hilarité.
— Je crois que je n'ai pas bien entendu, tu me pardonnes ?
— Oui ! Mais pitié arrêêêêête !

Mes mains s'immobilisent après quelques secondes supplémentaires et je la regarde d'un air satisfait. Mon sourire moqueur tente de formuler une dernière une raillerie, mais elle se jette sur moi, posant ses lèvres sur les miennes. Elle entoure mon cou de ses bras, plonge ses doigts dans mes cheveux, m'empêche de ne serait-ce qu'imaginer m'éloigner d'elle. Je recule, pas à pas, lentement, sans diminuer l'espace entre nous, jusqu'à ce que mes jambes butent contre mon matelas. Je lui saisis les hanches et, me laissant tomber, l'attire avec moi. Elle pousse un cri de stupeur, très vite étouffé par notre étreinte qui reprend de plus belle.

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