Chapitre 16 ~ Born to gaze into night skies…

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Mon corps refuse de bouger. Pourtant, la lumière faiblement filtrée par mes paupières closes me pousse à quitter mon lit. Mes yeux s'ouvrent lentement et clignent plusieurs fois avant de pouvoir rester ouverts. Je constate qu'il fait grand jour et que, par conséquent, Almia n'est plus à côté de moi. Avec difficulté, je m'extirpe des draps. Je ne me souviens pas de la veille au soir. Cela me reviendra sûrement d'ici une dizaine de minutes.

Je saisis un aliment quelconque dans mes placards et commence à le mastiquer. Une pomme. Juteuse et sucrée. Tout sauf farineuse. Parfaite. Mon esprit, embrumé, laisse mes yeux vagabonder, se posant tantôt sur mes étagères, tantôt sur ma petite table, tantôt sur les murs du studio. Quelque chose y est accroché. Je m'en approche et découvre mon calendrier. Je coche la case d'hier, réalisant par la même occasion que nous sommes le 24 décembre.

Et merde, pensé-je, je n'en ai pas parlé avec Almia, je ne sais pas si elle comptait le fêter avec moi, si elle voulait qu'on fasse quelque chose…

Je dois bien être capable de lui trouver quelque chose… Cela dit, ça risque d'être compliqué. Un bouquet ? Je ne suis pas sûr qu'elle soit capable de sentir le parfum des fleurs. Un bijou ? Un vêtement ? Pourrait-elle seulement le porter ? Étant morte, passant toutes ses nuits ici, de quoi pourrait-elle avoir besoin ? Mon dieu, j’ai toujours été terrible en cadeaux.

La journée passe à une vitesse hallucinante. Je ne dors qu'une paire d'heures et le soir est déjà là. Je regarde le coucher du soleil le cœur battant, moins insouciant à l’idée de son arrivée que d’habitude. Je n'ai rien trouvé, et pourtant pas faute d’avoir cherché. Penaud, je l'accueille, le regard fuyant.

— Qu'est-ce que tu as ? s'inquiète-t-elle.
— On est le 24 décembre, demain matin, c'est Noël et je n'ai pas été foutu de te trouver quoi que ce soit.
— Au contraire, j'aurais été bien embêtée car, étant donné qu'il n'y a que toi que je peux toucher, à quelques exceptions près, je suis moi-même incapable de te faire le moindre cadeau, me répond-elle avec, dans la voix, une compassion néanmoins légèrement teintée de rire.. Alors ne t'inquiète pas. Si tu crois que c'est ça qui va nous empêcher de passer le meilleur réveillon de notre vie, tu te trompes !

Si j’avais su à quel point Almia avait raison ! J'ai passé un Noël magique, unique, tellement inoubliable. Nous avons passé la soirée à rire, à chanter… Je n'ai pas eu l'esprit aussi léger depuis une éternité. À minuit pile, la fenêtre ouverte, nous avons, en coeur, entonné les célèbres paroles :

We wish you a Merry Christmas
We wish you a Merry Christmas
We wish you a Merry Christmas
And a Happy New Yeeeaaaar !

Almia chantait à la perfection, j'étais plus approximatif. Dommage que je sois le seul audible pour les habitants du quartier…

Les cris des mécontents du bruit n'ont pas réussi à casser notre bonne humeur, parvenant néanmoins à me faire fermer la fenêtre. Il était 5h du matin lorsqu'elle a décidé de lancer une valse. Elle a saisi mes mains pour me faire tourner lentement, au rythme de la musique. J'ai l'impression d'avoir passé la danse entière à marcher sur les pieds de ma partenaire, ce qui ne l'a pas empêchée de rire et de relancer le morceau. La deuxième fois, je paraissais déjà moins pathétique, mais il a fallu attendre la quatrième danse pour que je semble expérimenté aux yeux d'un spectateur tel que Koridwen.

À la dernière note jouée, son aura flottant encore dans l'air, je m'éloigne d'elle et la regarde entièrement, le cœur au bord des yeux, ému par le flot de passion qui me submerge. Elle s’approche de moi et m’embrasse tendrement. Je lui rends son baiser un instant, puis m’éloigne, poussé par le trop plein de sentiments au fond de moi.

— Je t’aime, Almia.

Elle a un brusque mouvement de recul, et soudain je panique.

— Oh Almia s’il te plait écoute-moi jusqu’au bout. J’ai besoin que tu saches à quel point tu comptes pour moi. Du premier jour où je t'ai vue, mon coeur a été transpercé, transformé, et il est désormais incapable de fonctionner correctement sans toi. Chaque seconde passée en ta compagnie guérit mon âme, décédée d'amertume et de monotonie il y a des années. Chaque fois que tu disparais, c’est comme si cet abîme de désespoir m’absorbait à nouveau, alors je t’en prie ne pars pas.

Et soudain, la flamme dans ses yeux se rallume, et elle m’enlace avec une douceur infinie. Sa joue contre la mienne, elle reste ainsi ce qui me paraît être une éternité. Puis, alors que je referme mes bras sur elle, je sens mon visage s’humidifier. Sans cesser de pleurer, elle murmure à mon oreille :

— Je suis terrifiée, Sam. Je suis morte, tu sais. Dans quoi on se lance, là ?
— Et alors ? Je t’aime.

Je lui caresse les cheveux et, sentant sa respiration s’emballer, je poursuis :

— Moi aussi j’ai peur, mais j’ai encore plus peur de ne pas te voir revenir, que le miracle se brise. Alors j’avais besoin de te le dire, que tu saches que tu es celle qui fait battre mon cœur et couler le sang dans mes veines. J’ai conscience que ça fait beaucoup d’un coup, et tu n’es pas obligée de me répondre quoi que ce soit, mais je ne pouvais plus vivre en imaginant que tu pourrais totalement disparaître, en ayant gardé tout ça pour moi.
— Je ne sais pas quoi dire. Tu as changé ma vie. J’ai débarqué chez toi en pleine nuit sans que tu aies rien demandé, après tous ces événements, et c’est toi qui as peur que ça fasse beaucoup d’un coup ? Sam, je t'aime, je t'aime, et je te suivrai jusqu'au bout du monde, que ce soit celui-là ou un autre, si cela nous permet de rester ensemble pour l'éternité. Mais s'il te plaît, ne dis plus jamais que tu es le seul à ne pas pouvoir vivre sans l'autre, car sans toi, qui sait si je serais encore sur cette terre. Tu es celui qui, chaque nuit, m'arrache à la mort et à l'oubli pour revivre une nuit de plus.

Elle m’étreint d’autant plus fort puis recule pour m’embrasser. J’ai l’impression de disparaître dans cette étreinte. Ce baiser a un goût particulier, de promesse d’avenir et d’une plénitude absolue. Sous mes doigts, sa peau a une chaleur que je ne lui ai jamais connue. L’amour amenuiserait-il la frontière entre la vie et la mort ?

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