Chapitre 26 ~ Too lazy for a suicide, I just watch the days pass hoping to die

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Les larmes roulent sur mes joues. Me voilà seul. Définitivement. Koridwen, parti. Almia, disparue, son dernier message lu. Même le désespoir n'est plus assez fort pour me faire tenir debout.

J'ai tout essayé, du plus au moins raisonné, mais rien ne fonctionne. J'ai lu et relu le journal d'Almia, espérant découvrir de nouvelles lignes où elle me dirait qu'elle reviendra bientôt. À la trentième fois, j'ai arrêté de compter. Et j’ai continué à relire. Quelques heures plus tard, j'ai fini par le brûler. Cela ne m'a été d'aucune utilité. Je connais chaque ligne qui recouvre ces pages du bout des doigts. Et je ne parviens pas à me les retirer de l'esprit. Elles me hantent. Elles tournent autour de moi quand je tente de m'endormir. Néanmoins, elles ne sont rien en comparaison de ce qui me ronge. Ce silence. Cette absence. J'ai l'impression d'être un lycéen en peine d'amour. Bien que ce soit infiniment plus fort.

Je tente d'occuper mes journées, mais l'air extérieur est comme un poison lorsqu'il s'infiltre dans mes poumons et mon studio est vide. Vide de tâches à accomplir. Vide de choses à écrire. Vide d'amour. Vide de sens. Je me meurs d'ennui. Mes démons ont libre court pour me tourmenter. Je ne tente pas de leur résister. Quand bien même, cela me serait impossible. Et je ne suis pas de taille à affronter un nouvel échec. Mentalement. Et physiquement. Car j'ai sombré.

Alcool. Cigarettes. Tout ce que je peux trouver pour m'abrutir.
Une bouteille trouvée dans un coin, un aller retour dehors et c'en était fini de moi. J'ai toujours été de nature faible, résistant difficilement à la moindre tentation. Mais désormais, mon corps brisé par la peine n'essaye même plus. Je me suis jeté à bras ouverts dans ces addictions, n'espérant rien d'autre que le néant, à proprement parler.

Chaque fois que je me réveille, ma tête me lance atrocement. Mon sang pulse dans mes veines avec la force d'une fanfare et me pousse à saisir un paquet de ce qui me tue à petit feu, au vu de la quantité disparaissant chaque jour. J'allume le tube d'herbes séchées et en inspire la fumée jusqu'à ce que seul un mégot ne persiste. Je l'écrase quelque part, ingurgite une gorgée de rhum. La puissance du liquide m'éveille suffisamment pour que je saisisse une deuxième cigarette que je fume au bord de ma fenêtre. Mon rythme de vie est de moins en moins régulier. De plus en plus insalubre. J'ai au compteur plusieurs insomnies, constamment en augmentation.

Une fois, je me suis regardé dans le miroir fixé au mur. Il était beau avec son cadre métallique et sa chaîne qui le maintenait au mur. Magnifique, même. Jusqu'à ce que je le brise d'un coup de poing en pensant avoir affaire à un étranger. Le visage blanc et cadavérique que revoyait la glace m'a terrifié. Les yeux globuleux, débordant des orbites de cette tête, se sont écarquillés et des lèvres sèches, pâles, se sont imperceptiblement éloignées l'une de l'autre.

Ma main en sang a mis quelques heures avant d'attirer suffisamment mon attention. Une bande de tissu, achetée à une pharmacienne blanche comme un linge, enroulée autour de la plaie, je l'ai oubliée à nouveau. L'alcool et la cigarette aidant. Bordel de vie.

***

Il est minuit et je ne peux pas dormir. J'ai vomi tout le liquide que je pouvais. N'en avoir jamais consommé autant auparavant ne m'aide pas. Je suis roulé en boule sur mon matelas. Les draps sentent le tabac. Cette odeur m'écœure. Si seulement mes jambes pouvaient me porter jusqu'à cette fenêtre où je me suis brûlé les doigts et les poumons ; je pourrais faire entrer l'air frais et chasser cette puanteur. Mais je suis prisonnier de mon lit et de mes cauchemars. Autour de moi la pièce tourne, et je ne sais pas lequel de l'alcool ou de la folie en est la raison. Je voudrais disparaître, oublier tout cela, mais le sang qui pulse dans mes oreilles fait écho aux rares pensées qui courent encore dans ma tête.

***

Tu es stupide, Sam. J'ai beau me sermonner, la dépendance m'a rattrapé. Une cigarette se consume entre mes doigts. De temps à autre, je l'approche de mes lèvres, aspire profondément la fumée produite en fermant les yeux, éloigne l'objet du délit, puis expire lentement, faisant flotter dans l'air ambiant un nuage blanchâtre. Je l'observe voler et imprégner chaque parcelle de mon petit studio avant que mes entrailles ne crient leur besoin de cette horreur. J'en reprends une taffe. Dire que mon corps me demande ce qui le détruit. C'est absurde. 

Les canettes de bière forment des collines sur mon parquet. Je les contemple distraitement.

Mes journées ne consistent qu'à chercher le sommeil, fumant et buvant pour l'attendre. Je me dégoûte. Mais il reste encore au fond de moi un espoir de la voir apparaître dans un de mes rêves, qui sait.

Sur des feuilles atrocement blanches, j'ai brisé plusieurs centaines de mines de crayons en tentant de retranscrire la beauté de ses traits, la douceur de ses mains liées aux miennes, l'harmonie de ses yeux vert émeraude où je me perdais il y a si longtemps, la finesse de sa bouche que je ne pouvais qu'embrasser… je n'y suis pas parvenu. J'ai gratté ce papier pendant des heures, peine perdue. À chaque fois que je lis ce que ma main écrit d'elle-même, je me retiens de brûler ces feuilles. Les mots sont tout simplement fades, bateaux, incapables de restituer un centième de la réalité d’Almia. Et moi qui me disais écrivain... 

Elle est au-dessus des mots. Au-dessus de ce que ma pauvre mémoire de mortel parvient à restituer. Au-dessus de ce monde, désormais. Mon cœur en saigne encore.

J'allume ma dernière cigarette. Avec quoi me réveillerai-je demain ? Il faudra que je retourne en acheter. Braver l'air, corrosif pour mes pauvres cellules pulmonaires, pour les calciner un peu plus. Je tourne ma tête vers l'horloge accrochée au mur. Voilà tant de temps que je ne l'avais pas observée avec autant d'attention. Son cadran orange m'avait permis de la payer moitié moins cher. Personne n'en voulait. Et je ne voulais qu'elle. Ses aiguilles, des plus simples, sont toujours restées à l'heure, et ce depuis des années. Simple. Efficace. Et si jolie. Mes yeux prennent quelques secondes pour que le flou qui les obstruait s'efface. Je plisse le regard et déchiffre avec difficulté l'heure affichée.
8h02. Almia. Non. Je ne veux pas me souvenir.
Je saisis une bouteille. L'alcool fort me brûle l'œsophage, mais je veux oublier. Le black out. Je n'attends que toi. Mais certains mots tournent toujours dans ma tête. Des mots ? Non. Des chiffres. Une lettre.

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Silence radio.

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