10.3

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Gerane peinait à tirer la moindre réponse de son otage, que de crises de tout intempestive empêchait de parler. L’huldra finit par le laisser retomber au sol pour lui permettre de se purger.

— Rena, s’impatienta Lith, arrête de t’acharner. Achève-le.

— Il connait Yogaela ! s’obstina-t-elle.

— Il n’a fait que dire son nom. Ton arcane ne va pas durer toujours, il faut s’occuper des créatures.

Joignant le geste à la parole, Lith se chargea de libérer le principal intéressé de son intervention : le dragon dont la cage la cage bordait les coulisses. Lith crocheta le verrou de la pointe de son gantelet. Le dragon s’extirpa de sa prison avec souplesse pour se précipiter vers Gerane autour de laquelle il piétina en reniflant frénétiquement. Elle le gratifia d’une caresse avant de reporter son attention sur Rin.

Elle se pencha vers lui, sa queue de renarde sinuant dans la poussière.

— Entends-moi. Ta vie m’importe peu, mais je peux te la garantir si tu m’aides à retrouver Yogaela. Parle !

Plongeant son regard dans l’encre des yeux du moribond, elle réitéra sa promesse :

— Tu vivras si tu m’aides, tu entends ?

— Yue… finit-il par articuler.

— Qu’est-ce que tu dis ?

— Yue, répéta-t-il. Je n’ai jamais aimé ce prénom, c’est le mestre qui l’a choisi la veille de… sa naissance.

— Qui est Yue ?

— Ma fille ! se récria Rin sur le ton de l’évidence. Ma fille… que je n’ai pas choisi d’avoir. Que je ne voulais pas avoir. Sa mère non plus… Mais elle aimait le prénom.

— Je te répète que tu perds ton temps, s’impatienta Lith.

Assis sur la cage vide du dragon, il attendait, jambes ballantes, à la façon d’un enfant coincé entre deux adultes. Gerane n’y prêta pas attention, Ayant pratiquement élevé Lith, elle était pour ainsi dire imperméable à ses nobles enfantillages.

— Je te parle de Yogaela, insista-t-elle, pas de ta fille ou de sa mère.

— Je sais. Elle s’appelait comme ça.

— Qui ?

— Sa mère ! s’exaspéra-t-il à nouveau. La mère de ma fille est Yogaela. Elle ne parlait presque jamais et encore moins à moi, mais, ce jour-là, elle… c’était la seule fois. Elle parlait à Strega, comme si elles pouvaient se comprendre… Elle disait qu’elle aimait mieux les prénoms courts, que Yogaela, c’était trop long… que Yola, c’était mieux et que Yue, ce serait parfait.

Fut-ce rire ou quinte légère, les épaules de Rin s’agitèrent. Par opposition, ni la queue de Gerane ni les jambes de Lith ne bougeaient plus du tout. Sensible à la tension naissante, le dragon aussi s’immobilisa. Tous s’étudièrent mutuellement, confus. Par-delà le chapiteau qu’ils occupaient seuls, les échos du jeu de Violette déchiraient les nues.

— Yola ? reprit Gerane, visiblement émue. Tu dis qu'elle préférait être appelée Yola ?

Elle jeta un regard éloquent à Lith, un regard qui jurait qu’il ne pouvait y avoir méprise.

— Oui, Yola, confirma Rin. Si c’est elle que vous cherchez, désolé pour vous, mais vous arrivez presque dix ans trop tard. La Yogaela que j’ai connue est morte sous ce chapiteau.

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