78.2

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Habiter la ménagerie royale avait donné à Ombre le goût de la cachette. Aline passait parfois plus de temps à chercher son chat qu’à profiter de sa compagnie lorsqu’elle le visitait. Cela ne l’amusait pas, mais elle se consolait par la pensée que son animal devait aimer sa nouvelle demeure pour se l’être ainsi appropriée. Le neuvième prince n’envisageait aucun retour, ni au chalet de Braviq ni à la baronnie de Lismel, avant l’accouchement de Denève. Leur séjour pouvait encore être long.

Ce jour-là, Aline trouva son favori perché sur un auvent en haut duquel il prenait le soleil au gré d’une sieste. Le trouvant si bien endormi, elle n’eut pas le cœur de le déranger.

— Je reviendrai ce soir, se résigna-t-elle.

Elle remonta dans les étages le cœur serré. Il lui semblait que la journée venait de s’allonger de plusieurs heures. Par chance ou par malheur, elle rencontra sa mère au détour d’un couloir.

— Aline ! s’écria celle-ci. Tu tombes à merveille, je te cherchais. Reviens-tu de la ménagerie ?

— Oui. Vous vouliez me parler ?

— Asseyons-nous, proposa Denève en désignant une assise bâtie dans l’alcôve d’une fenêtre. Ce bébé ne me laisse en paix que lorsque je suis au repos.

Elles prirent place. Inquiète, Aline se renfrogna.

— Je vous trouve pâle, Maman. Votre santé est-elle bonne ?

— Tout à fait bonne, n’aie aucune crainte. Ce n’est pas de cela qu’il est question aujourd’hui. Je veux te parler de ton futur.

Un élan d’espoir raviva Aline.

— Avez-vous réfléchi à ma requête ? Vais-je pouvoir aller en pension ?

— Ne sois pas si pressée de me quitter. Tu sais que je ne veux pas te voir partir si vite.

— Alors de quoi est-il question ?

— D’un compromis. J’entends que tu n’aimes pas voyager et que tu te sens négligée. Tu penses qu’entrer en pension est ta seule issue, mais nous en avons bien d’autres.

— Je ne vois pas lesquelles.

— Laisse-moi t’en proposer une. S’il te plait.

Aline croisa les bras sur sa frustration.

— Chérie… Tu n’es plus une petite fille, je puis te parler d’affaires sérieuses. As-tu déjà songé à au mariage ? Envisages-tu de prendre époux ?

La question choqua l’adolescente.

— Non ! Me marier à mon âge ?

— Pas immédiatement, la rassura Denève. Un jour… Le voudras-tu un jour ?

— Oh. Oui, dans ce cas. Naturellement. Il parait que les jeunes nobles se marient toutes entre dix-huit et vingt-quatre ans. Je le ferai aussi, si je puis trouver un bon parti. Aurais-je une dot suffisante pour épouser un grand nom ?

Denève parut choquée à son tour. Il lui fallut du temps pour se recomposer.

— Ta dot sera conséquente. Ta grand-mère Lauraline t’a légué une petite fortune avant de nous quitter. Je l’ai doublée depuis ta naissance et ton père la triplera aisément pour t’assurer une union prestigieuse.

Aline se renfrogna derechef.

— Avez-vous dit mon père ?

Sa mère lui prit la main.

— Exact. Léopold t’adopte avec ma bénédiction. Je crois qu’il est plus qualifié que moi pour élever une personne de ton ambition. Nous possédons une maison de ville à Réelle. D’ici moins d’un an, nous y emménagerons pour que tu puisses faire les études auxquelles tu aspires au collège impérial sans avoir à quitter la maison ou prendre des vacances au milieu de l’année.

— Il m’adopte ? Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

— Pour que tu sois la sœur de notre enfant ; parce qu’il veut s’occuper de toi, t’aider à compléter ton éducation.

— N’est-il pas toujours occupé par celle de Yue ? Toujours en voyage ? Si je dois être seule deux tiers de l’année, je préfère encore la pension permanente.

— Yue ne sera plus un problème. Léopold s’est arrangé avec Mestre Selemeg pour lui faire intégrer une draconnerie. Elle sera loin de la maison au moins quatre ans. Si des obligations appellent Léopold à l’étranger, il ira seul. Une jeune épouse, cela voyage. Une jeune mère, bien moins. Nul ne s’étonnera que je ne le suive plus partout où il ira une fois que j’aurais accouché. Je serais tout à toi.

— Alors… Si je comprends bien, vous avez demandé à beau-papa de m’adopter et d’envoyer Yue à l’armée dans l’unique but de me garder auprès de vous ?

— Je lui ai seulement demandé de te consacrer plus de temps à toi et un peu moins à elle. Le reste vient de lui. Tu sais que Léopold n’aime pas l’ingérence. Je ne peux pas lui imposer mon point de vue sur tout.

Aline reprit sa main à sa mère, geste qui attrista Denève.

— Ne sois pas si difficile. Avec la supervision de Léopold, tu pourras enfin commencer ta collection ; et puisque Yue n’emmène pas son esclave, nous pourrons la mettre à ton service, si cela t’agrée. Je t’assure que nous trouverons le moyen de te rendre la vie plus agréable que n’importe quelle pension. Ensemble.

— Ensemble ? C’est-à-dire que vous me consulterez avant de prendre ce genre de décision à l’avenir ou seulement que vous me garderez enfermée avec vous jusqu’à mon mariage ?

Le château se remplissait d’échos, annonçant le retour de ses occupants et la fin du jour. Denève y vit une échappatoire fortuite.

— Allons saluer nos hôtes, proposa-t-elle. Je n’ai pas encore eu le temps de saluer Kalta, aujourd’hui.


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