80.3

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La mi-journée, chaude à faire hurler les grillons, promettait des heures singulièrement pénibles à tous ceux qui auraient à s’exercer en plein air dans la journée. Il était midi. Les uns observaient leur temps d’étude obligatoire à l’ombre des salles de travail et les autres s’acquittaient de leurs corvées quotidiennes. L’entretien du complexe incombait aux aspirants. Ils se relayaient pour l’entretien et la mise en place du matériel, le rangement, le nettoyage, le ravitaillement, ainsi que pour la lessive et la cuisine.

Les marmitons du jour s’affairaient autour d’une soupe de riz peu ragoutante tandis que, de son coté, Io Ruh disposait des plats de sa confection dans les compartiments consacrés de la boite repas de sa mestresse. Elle soignait les détails de son dressage lorsque Bard la rejoignit. La venue du fabuleux l’interpella au point de l’interrompre ; il ne devait rien avoir à faire en cuisine. Io Ruh craignit tout de suite le pire.

— Qu’y a-t-il ?

— Rien de grave, ne panique pas.

Il tira nonchalamment un tabouret sous lui pour s’assoir en face d’elle.

— Je suis seulement venu discuter.

— Tu fais bien mauvais usage de ton temps libre, dans ce cas. Je ne discute pas en travaillant, trancha-t-elle en reprenant son activité.

— Justement, je suis venu discuter de travail. Je ne vais pas être disponible prochainement alors je voulais savoir si tu avais besoin d’aide aujourd’hui.

— Pourquoi ne serais-tu plus disponible ? Qu’a ordonné la mestresse ?

— Ce n’est pas une décision de la mestresse. Je sors de chez le professeur Xhoga et il veut que je vive sous forme pendant quelques jours.

— Pourquoi le veut-il ?

Ayant tiré son mouchoir de sa poche, Bard le déplia sous les yeux de sa comparse, révélant un agrégat de cristaux scintillant en formes d’écailles. La surprise figea Io Ruh une seconde fois.

— Qu’est-ce ?

— Mon ancienne peau.

— Pardon ?

— Ma forme draconique est en train de muer et la mue de vulcanien ressemble à ça. Xhoga dit que c’est plus précieux que du diamant et que c’est en partie à cause de ce matériau que les vulcaniens sont au bord de l’extinction. Et selon lui, il faut que je vive sous forme draconique quelques jours pour que ma transformation se passe bien.

— Cela convient-il à la mestresse ?

— Je suppose qu’elle va devoir l’accepter, d’autant qu’à la fin du processus, elle sera assez riche pour prendre son indépendance à la fin de son service militaire sans avoir changer de niveau de vie.

Bard parlait d’un tel projet sans bien y croire. Il savait que Yue souffrait d’une forme de dépendance qui dépassait toutes considérations financières. Pourtant, la savoir à l’abri du besoin et des caprices de son mécène soulageait le fabuleux.

— Merci pour ces informations. Je n’ai pas besoin de ton aide dans l’immédiat.

— Tu es sûre ? Pas même pour le problème de ce matin ?

— Je ne vois pas en quoi tu pourrais m’aider pour cela. J’ai déjà écrit la lettre que m’a ordonnée la mestresse.

— Si tu penses que cette lettre suffira à obtenir son pardon, tu te trompes. Elle est partie pour te faire la tête longtemps si tu ne fais rien pour t’excuser.

— Elle est libre de me traiter avec dureté si elle le souhaite.

— Sans vouloir te vexer, parfois, j’ai l’impression que c’est exactement ce que tu veux, qu’elle soit dure avec toi, qu’elle ne te laisse rien passer, qu’elle soit… exactement le genre de mestresse qui n’autorise pas son esclave à aller pendre un thé avec une amie d’enfance.

Io Ruh ferma la boite aux compartiments garnis avec plus de force que nécessaire, trahissant une frustration contenue.

— Aurais-je tort de le vouloir ? Ne serait-ce pas plus simple qu’elle use de moi comme de ce que je suis supposée être ? Tu penses que c’est facile pour moi de réapprendre mon métier quand je pensais le connaitre à la perfection ? Ou de me rendre compte que j’ai déjà tellement changé en deux ans que je ne suis plus capable de gérer correctement mes émotions ?

Elle inspira profondément pour se ressaisir. Bard se senti coupable du plaisir courant qu’il prenait à la taquiner. Avait-il mal jaugé l’effet que cela produisait sur elle ?

— La mestresse devrait sortir de l’étude d’ici un quart d’heure, reprit-elle de sa voix la plus neutre. Il faut absolument qu’elle mange avant son entraînement avec le commandant Klalade. Je dois lui apporter son repas.

— Veux-tu que je m’en charge ? Elle m’a prêté sa clef tout à l’heure, je m’apprêtais à aller la lui rendre.

— Mes responsabilités me sont inaliénables, surtout celle de pourvoir à son alimentation. Fais ce que tu as à faire et j’en ferai autant, mais cesse de me distraire.

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