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Comme promis, Amis Lecteurs, voici un petit aperçu de l'arc qui se mijote ! La suite va prendre un certain temps à venir, le temps que je fasse un peu de ménage dérrière et que je rattape mes lectures, mais j'espère que ça vous plaira !


Ana, chez qui il fait horriblement chaud.


La jungle se refermait en arche au-dessus du sentier sinueux. Les troncs se tordaient, s’enlaçaient, inclinaient leurs branches comme pour en présenter les fleurs et répandre leurs essences. Un pollen scintillant flottait dans les rayons de soleil que découpaient la canopée, embaumait l’air humide d’un parfum capiteux. Roserille s’efforçait de respirer lentement. Chaque inspiration lui alourdissait les poumons. Une force surnaturelle ajoutait à la lourdeur de l’atmosphère, peut-être un arcane de protection contre un certain genre d’intru ?

Par-delà les rideaux de lianes, des voix se mêlaient aux crissements des insectes – trois, ou peut-être quatre dont deux qui se ressemblait beaucoup. Bientôt, Roserille put les entendre distinctement. Leur conversation mêlait météo et projet de mi-décan, banalités qui eurent le mérite de la distraire de son épuisement jusqu’à ce qu’elle arrivât devant l’école des art arcaniques de l’archipel, ou plutôt devant sa porte, immense bas-relief couronné de végétation qui, fermé, évoquait une impasse plutôt que l’entrée d’un établissement quelconque.

En marge de la sculpture, le groupe qu’avait entendu Roserille discutait encore. Trois d’entre eux se tenaient debout autour de ce qui ressemblait à un cadran solaire et un quatrième restait en retrait, assis sur une racine sortie du sol pour faire office de banc. Absorbé par les pages du livre ouvert sur ses genoux, il fut le seul à ne pas tourner la tête à son approche.

— Hum… Bonjour, hasarda Roserille. Lequel d’entre vous est Isaac ?

Les gestes lui répondirent à défaut des mots, désignant de concert celui qui, à l’appel de son nom, avait fermé son livre.

— C’est moi. Bonjour, Madame.

Lorsqu’il se leva pour la saluer, le soleil joua de ses rayons sur les bagues dorées qu’ornait ses tresses couchées en sillon, aveuglant Roserille. Elle leva la main en visière au-dessus de ses yeux plissés.

— Ta sœur a eu un imprévu, elle m’envoie te chercher.

Pour preuve, elle présenta le billet tamponné cinq fois, ordre des draconniers, agent de l’ombre, caserne centrale de Nepterre, maison de l’Héliaque et duché d’Haye-Nan Avec un tel document, Roserille se serait facilement fait ouvrir les portes de n’importe quel lieu de pouvoir de Terre Connues, ce qui rendait la situation un tantinet ridicule compte tenu de fait qu’il ne s’agissait que de raccompagner un garçon assez grand pour se déplacer tout seul. À bien le regarder, il ne devait pas être beaucoup plus jeune que sa sœur.

— Est-ce que Yue va bien ? s’inquiéta-t-il.

— Oh, elle, oui. C’est un autre draconnier s’est blessé à l’entrainement, ce matin, alors elle patrouille à sa place.

— Ta sœur est draconnier ? se récria un des trois autres.

Isaac acquiesça, lançant malgré lui une conversation qui le mit visiblement mal à l’aise. Yue possédait-elle un dragon ? Oui, deux. Avait-il déjà pu en monter un ? Non, et sa sœur l’interdisait. Quel était son grade ? Question compliquée. Son appartenance à un ordre spéciale lui conférait un statut à part dans la chaine de commandement. À cette question, Isaac se contenta de hausser les épaules.

— Et vous travaillez pour elle ? l’interrogea subitement un des curieux.

Celui-ci aussi portait des bijoux éblouissants. Un collier, notamment, dont le maillage plat et les pendants ouvragés évoquaient la joaillerie d’Opral. Un petit noble aussi, songea Roserille. Rien d’étonnant compte tenu de ce que coûtait des études en magie.

— Je travaille pour toute la caserne, pas pour dame Yue spécifiquement, mais je suppose qu’elle me donne des ordres et que je les suis alors… Oui. Je travaille pour elle. On y va, Isaac ?

Il rangea le grimoire qui lui était resté dans les mains, rajusta la bandoulière de son sac et s’inclina pour dire au revoir. Ses manières polies et timides contrastaient avec celles, impérieuses et froides, de sa sœur. Roserille songea que cela, plus que leur différence d’âge, poussait Yue à le surprotéger.

Une fois les au revoir dits, Roserille et lui se mirent en route.

— La marche va être un peu longue, s’excusa-t-elle d’avance. J’espère que tu n’es pas trop fatigué.

— Non, ça va. Je suis content de pouvoir visiter le lieu de travail de ma sœur. Je ne sais même pas à quoi ressemble son bureau à la maison.

— Ta sœur traite beaucoup de documents confidentiels. Ce serait irresponsable de sa part de les laisser voir à n’importe qui. Tu ne verras peut-être pas son bureau de la caserne non plus, mais tu vas pouvoir rencontrer tous nos collègues, visiter la volière, monter au sommet de la tour d’observation et manger plein de bonnes choses.

— Yue est tellement occupée depuis qu’on a emménagé que je suis surtout content de pouvoir passer du temps avec elle.

Roserille dut se retenir de pouffer à cette idée. À quoi pouvait ressembler une interaction agréable avec une personne qui incarnait à ce point la condescendance ?

— J’imagine, mentit-elle. Tu dois beaucoup tenir à elle.



Taliesin contemplait son œuvre avec contentement. Il lui avait fallu du temps pour donner l’air festif au mess. Personne ne s’était bousculé pour l’y aider, de tels apprêts ayant été jugés superficiels, mais pour lui, rendre la caserne plus accueillante en ce jour de fête importait beaucoup.

Ils célébraient tout à la fois le retour de mission de leurs confères ailes de l’eau, l’entrée en poste de deux nouveaux auxiliaires et le départ à la retraite de leur sentinelle. L’occasion valait bien la peine de dresser une belle table et de suspendre quelques banderoles.

La cloche de la tour de guet sonna, propice, annonçant le retour des officiers en patrouille. Il allait falloir expliquer à supérieurs la demi-journée de retard qu’accusait son travail mais Taliesin s’en moquait. Au moins, la fête serait jolie.

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