105.2

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Une impression de déjà vu ? C'est normal, j'au bougé des trucs. En gros, j'ai inséré une partie au 105.1 du coup, y a un peu de vieu et un peu de nouveau de chaque côté. Désolée...

Ana, qui joue au légo avec ses chapitres.

Shen ne tenait pas l’alcool. Il le savait et aurait dû s’abstenir de boire la veille de son premier jour de service mais l’entrain général avait eut raison de son bon sens. Résultat, il se réveillait les paupières collantes, la langue pâteuse, la gorge sèche et le crâne lourd.

Retrouver ses repères dans la caserne fut laborieux, au moins autant qu’enfiler ses chaussures dans le bon sens. La veille, un officier dont le nom ne lui revenait pas lui avait fait visiter les locaux. Il n’en conservait qu’un trop vague souvenir, qui se mêlait à ceux de son année de formation et une odeur persistante de bière. Sa priorité : retrouver où se laver et de quoi se changer.

Le temps de s’y retrouver et de s’arranger, il n’entra au mess qu’à l’heure où les désignés du jour débarrassait la table du petit-déjeuner – voire du dîner pour les officiait de garde qui avaient patrouillé la nuit. Il n’osa rien demander, de peur d’attirer l’attention sur son état, son retard, faire honte et mauvaise impression au supérieur direct dont il ne savait encore rien… Il soupira en baissant les yeux sur son ventre vide. Sa carrière dans la draconnerie commençait mal.

— Hé ! Shen, c’est ça ?

Il recula d’un pas en se retournant une figure rouquine, parfaitement androgyne, que d’énormes cernes creusaient. Instinctivement, Shen lui chercha un insigne ou une marque de statut quelconque.

— Je ne suis pas draconnier. Tu peux me tutoyer et m’appeler Taliesin.

Il lui fourra dans les mains une bouteille d’eau légèrement de trouble et une énorme galette farcie.

— Pour la gueule de bois.

Les yeux écarquillés de confusion et de reconnaissance, Shen vit un sourire équivoque barrer le visage fatigué de son bienfaiteur.

— Je vais te la faire courte. Je t’aide parce que tu me fais de la peine, mais c’est la première et dernière fois. Je ne veux pas être mêlé aux problèmes que tu vas avoir avec la petite princesse.

Shen commençait à se soupçonner d’avoir oublié une conversation importante de la veille.

— J’ai contrarié une princesse ? s’inquiéta-t-il.

— Pas encore, ou pas que je sache. Mais ça arrivera. Ça arrive à tout le monde. Sauf à Roserille, mais Roserille est trop parfaite pour que ça compte.

Il lui fit signe de le suivre. Shen prit une bouchée avide de son petit déjeuner providentiel avant de lui emboiter le pas vers une pièce voisine. Il eut tout juste le temps de l’avaler avant de se retrouver face à un comptoir cerné d’armoires et d’étagère. Taliesin se traina derrière en se cognant à tous les meubles, bailla ou ouvrant un tiroir ; il en sortit un feuillet dont il posa les pages entre eux une à une.

— Liste des officiers de caserne et des relais environnants, plans du complexe, plans de l’archipel et de nos zones de patrouille, calendrier prévisionnel pour les six prochaines lunes… Ne t’y fie pas trop, il change tout le temps. Passe à l’aile médicale dès que tu peux. Pour les missions, le matériel et ce qui s’ensuit, passe par ton draconnier.

Tracés à l’encre rouge, de petits schémas passablement grotesques complétaient chaque document, les plans en particulier : couverts au niveau du mess, marmite pour la cuisine, un petit dragon endormi sur la volière… Une couronne, placée au-dessus de ce qui ressemblait à un bureau, rappela à Shen qu’il avait été question d’une princesse, une minute plus tôt.

— Est-ce je dois éviter cet endroit ? montra-t-il. Pour ne pas avoir d’ennuis avec la… petite princesse ?

Taliesin éclata d’un rire faux, sans joie.

— En tant normal, oui, mais dans ton cas, ça ne va pas être possible. Tu devais bosser pour Rafèl Llaros, pas vrai ?

Shen acquiesça.

— Il a eu un accident, hier matin. Pendant qu’il se soigne, ta patronne, ce sera la petite princesse.

Il pointa un nom sur la liste des officiers : Yue –

— Elle n’utilise pas de nom de famille, mais c’est une dame duché d’Haye-Nan. Tous le monde le sait, il paraît même que duc l’adore.

Une princesse, donc, convint Shen.

Il en avait côtoyé un certain nombre à la cour de Nym par l’entremise de ses mères. L’idée de travailler pour un descendant royal – ou ducal – ne l’effrayait pas outre mesure.

Shen posa encore quelques questions à Taliesin – des questions probablement déjà posées la veille à quelque autre, mais dont rien ne lui restait, notamment sur les habitudes particulières de la caserne et les personnes à connaître pour bien s’y intégrer. Malgré sa promesse de ne l’aider qu’une fois, il le renseigna d’assez bon cœur, ce jusqu’à l’interruption d’un draconnier.

À son approche, l’expression de Taliesin passa de détendue à excédée. L’aspect de celle qui le troublait n’appelait pourtant pas la grimace. Petite de taille mais solide de carrure, blanche de peau et noire de cheveux, ses traits conjuguaient des contrastes de façon saisissante. Shen aurait eu du mal à lui donner un âge précis. Vus sous un certain angle, ses grands yeux noirs évoquaient ceux d’une biche. Sous un autre, ils hurlaient à Shen de baisser les siens. Il comprit à ce sentiment qu’il s’agissait de la petite princesse.

— Taliesin.

— Oui, dame, soupira-t-il.

— Ton travail est propre et exhaustif. Je suis satisfaite de tous les documents que tu as composé pour moi, y compris les cartes de ce matin. J’aimerais ne pas avoir à te harceler pour les obtenir dans les temps, mais toujours est-il que j’en suis contente. Merci.

La mine fatiguée se chiffonna.

— Vous… vous venez de me faire un compliment ? douta Taliesin. Vous allez bien ?

Ignorant ces questions – ou plutôt ces moqueries déguisées – Yue se tourna vers lui.

— Tu dois être Shen. Je serai ton draconnier pendant les quatre prochains décans. Profite d’aujourd’hui pour prendre tes marques, j’ai encore besoin de temps pour m’organiser. Retrouve-moi demain à la volière. Sept heures. Ne sois surtout, surtout pas en retard.

Un sourire artificiel, millimétré, ponctua sa réplique. Shen le trouva malaisant, presque laid. À nouveau, les yeux de biche clouèrent les siens au sol.

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