LA FEUILLE
Un doux enfant rêveur, pour tromper son ennui,
Appelle du regard une feuille dernière,
Qui tarde à s’envoler - en sorte de manière -
Du haut d’un arbre nu qui s’agace avec lui.
L’enfant dit : « saute donc, d’une façon burlesque,
En un vol gracieux qui soit original !
Avant de te poser sur l'onde du canal,
Pour moi seul, s’il te plaît, dessine une arabesque ! »
Et l’arbre, en agitant sa branche à tous moments,
S’emploie à décrocher l’intruse pourpre et blonde :
« Va-t-en, je dois dormir, c’est dans l'ordre du monde,
Ou crains de provoquer d'affreux dérèglements ! »
La feuille cède alors et, le temps de sa chute,
Illumine l’endroit et s’abîme à la fin ;
L’un s’ennuie à nouveau, l’autre s’endort enfin,
Et le Vouloir poursuit sa lourde marche hirsute.
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