... vérolés.
Suintant, hoquetant, repris par l'abîme de la démence ; l'engeance de diptère faiblit puis calanche. Encore un combat gagné mais la progression du groupereste incertaine. Le cœur du jardin reste devant nous, nous ne devons pas faiblir même si la nuit s'assombrit. Auparavant protectrice face à la pluie, les frondaisons se font plus aggressives, filtrant avec timidité les reflets de la lanterne d'argent... Et flirtant avec les insectes que l'on aperçoit parfois cramponnés aux écorces qu'ils sucent. Ô Nature, toi-même victime de l'étalement de la corruption, te serais-tu dévoyée par pure duplicité ?
Le cliquetis des armes fourbies me mit en alerte. Lux s'était mise devant un Gultan encore tremblant, sans toutefois en mener large. Elle devinait une menace et même si je suis parvenu à tendre le cou, ce nouvel obstacle m'a immédiatement alarmé : un visage de gamin, emmitouflé entre vêtements et chapeau, nous dévisageait. Il reporta son attention sur un arbre mais Furion l'appela, lui demanda qui diable pouvait-il être !
À nouveau, le regard insondable nous paralysa malgré son calme. Une goutte d'eau s'écrasa contre mon coup mais même la crainte d'un moustique ne parvint pas à m'extraire de ce nouveau danger. À mieux y regarder, je compris même que deux sihouettes escortaient l'étranger et entendre l'un d'eux vomir me fit accuser un frisson.
Soudain la robe se déchira, percé par la croissance d'un abdomen qui engouffra aussitôt les jambes de l'inconnu. Un de ses bras se détacha, puis un nouveau craquement révéla des pattes ravisseuses dignes d'une mante religieuse de la taille d'un enfant.
« En formation défensive ! »
Quoique pouvait être ce mantide, ses intentions étaient clairement hostiles : après s'être saisi d'une bouteille, il la projeta sur nous. De sa hache, Gultan sembla parvenir à la dévier au moment où l'ennemi approchait. Furion écarta ses pattes d'un large coup d'épée alors que Lux, jaillissant avec sa lance, l'encastra dans une partie du corps inhumain. Sans avoir le temps de reculer, le monstre subit les assauts combinés de Daceïa et Viden.
En dépit des blessures, la créature ne semblait pas défaillir : il coulait de ses entailles un autre liquide que le sang de son hôte. Un fluide qui attirait les larves et...
Une gueule monstrueuse surgit des entrailles vrombissantes : une sorte de parasite tentait d'enfoncer un dard gigantesque dans l'un d'entre nous... à moins que ce ne fut une trompe ? Lux eut le courage d'abattre la pointe de sa lance dans le noyau de l'infâmie, lui provoquant une souffrance gutturale. Piqués d'une hargne épouvantée, chacune de mes camarades frappa, tailla, martela la créature. Dans une sorte de gémissement, elle s'effondra sur elle-même. Seul son abdomen ressortait, gonflé avec indécence et suppurant encore.
Les deux autres créatures, quant à elles, n'avaient pas bougé.
« Préparez-vous : je vais leur ficher autant de flèches que possible avant qu'ils n'approchent ! »
Gultan protesta dans un grognement et leva un bras avec maladresse. Quelque chose le gênait, peut-être avait-il pris un coup ? En tout cas il refusait un assaut aussi frontal. Quel dommage que ce ne soit pas lui qui commande...
« Gultan, écarte-toi ; nous n'allons pas prendre plus de risques. »
Le pauvre homme avait déjà franchi les restes de la créature et sa démarche mal assurée ne ralentissait pas : ne le suivîmes à contre-cœur sans baisser les armes. En avançant, la scène me parut plus distincte : il avait retrouvé la demoiselle que nous avions croisé mais...
« Par tous les Dieux ! »
En un clin d'œil, la demoiselle s'était jetée sur lui, mordant son cou resté à nu. Gultan parvint à la repousser, chancela sur quelques mètres et perdit l'équilibre sans cesser de fuir. À la trace de sang qu'il avait laissée, nous réalisâmes qu'un dard vicieux l'avait aussi touché dans le ventre, ou peut-être même au cœur ! Le plus terrifiant cependant était ce piaffement obscène par lequel la demoiselle se délectait du nectar vital. Bien qu'elle l'absorbait par sa bouche, on devinait qu'une besogne révoltante activait d'autres membres ; peut-être même que d'autres bêtes s'agitaient en elle ! Dans le même temps, ses vêtements gonflaient et se déchiraient par endroit, laissant apparaître...
La flèche d'Avarosa surprit tout le monde, sauf sa cible. D'un pas gracieux en dépit de son apparence, la demoiselle esquiva vers l'autre silhouette. Sans aucun romantisme, brute lubrique, elle engouffra les lèvres de son partenaire. Son cri aurait pu ressembler à un gémissement, n'était qu'il paraissait souffrir à s'en arracher la peau... Et très vite, des pattes arachnéennes lui poussèrent.
Malgré l'horreur, jamais nous n'avions senti pareille cohésion, ni une telle détermination face à l'indignité de l'adversité. Nous savions que nous nous apprêtions à faire face à la reine de ces jardins vérolés.
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