Chapitre 2 : Le Jeu des Souterrains (1)
Cassius n'avait jamais eu une telle quantité de devoirs à faire que cette année. Par moments, il serait volontiers reparti dans le passé pour profiter de son temps libre, durant ces années où il savait encore que cela pouvait exister. Cela ne s'appliquait pas qu'à lui, tous les élèves de sixième année semblaient penser la même chose.
En cours d'enchantements, ils travaillaient avec les liquides, qui se révélèrent grandement imprévisibles et incontrôlables. Quand il s'agissait de transformer de l'eau en vinaigre, des explosions retentissaient à tous les coins de la salle et, quand il fallait faire apparaître de l'eau, c'était du vinaigre qui jaillissait des baguettes. Certains élèves tentaient de le retransformer en eau pour camoufler leur échec mais de nouvelles explosions les trahissaient. Il arrivait parfois aussi que le sort marche un peu trop bien et qu'un puissant jet d'eau les fasse tomber à la renverse. À la sortie du cours, les élèves avaient plus d'eau sur eux que dans le verre qu'ils essayaient en vain de remplir.
Dès le début de l'année, lorsqu'ils avaient abordé les Inferi, la défense contre les Forces du Mal était déjà devenu un véritable enfer. En plus des devoirs longs de plusieurs parchemins dans lesquels ils devaient décrire ces créatures morbides dans leurs plus sordides détails, le cours en situation plus que réelle de Maugrey achevait d'effrayer tous les élèves. Pourtant, une vague de terreur encore plus grande avait traversé la salle quand ils avaient appris qu'ils allaient travailler sur les Détraqueurs, ces horribles créatures avec lesquelles ils avaient eu la chance de faire connaissance l'année précédente (et qui mettaient votre moral au plus bas).
Le cours de Botanique, quant à lui, aurait très bien pu être rebaptisé Monstrologie. Toutes les plantes avec lesquelles ils travaillaient semblaient créées pour tuer. Elles était dotées de milliers de tentacules et d'autant d'épines et cherchaient constamment à les mordre ou à les piquer. Des racines aux feuilles, tout était toxique ou venimeux, si bien que Mme Chourave consacrait plus de temps à emmener des élèves à l'infirmerie qu'à leur enseigner, ce qui, pour rattraper le retard, menait à une pile de devoirs supplémentaires à rendre.
Au grand soulagement de Cassius, le E qu'il avait obtenu à l'épreuve de BUSE de Potions, jugé insuffisant par le professeur Rogue, lui avait épargné ce cours qui semblait plus dangereux et compliqué que jamais, si l'on en croyait ce que rapportaient dans un murmure effaré les élèves traumatisés.
Mais, bien pire que tout cela, il y avait les sortilèges informulés.
Le jeudi qui suivit l'Examen des Baguettes, Cassius entra dans la salle d'enchantements pour y découvrir une immense pile de gobelets cassés. Il faillit ne pas remarquer le professeur Flitwick qui, même perché sur sa pile de livres, peinait à dépasser derrière cette montagne. Intrigués, les élèves s'assirent.
— Vous avez devant vous, couina le professeur tout en faisant voler les gobelets vers les tables des élèves, le matériel que vous avez endommagé ces dernières semaines. Nous allons aujourd'hui nous entraîner à les réparer.
Il avait terminé sa phrase en haussant la voix, ce qui lui donnait l'air d'être très fier de son idée. Les élèves, eux, ne purent s'empêcher de rigoler : le sortilège de Réparation était un sortilège de première année !
— À ceci près, ajouta Flitwick, que je ne veux entendre aucune formule magique.
Les rires se turent instantanément. Tout le monde regardait son voisin ou sa voisine dans l'espoir de voir quelqu'un qui ait compris. Certains commençaient à croire qu'il s'agissait d'une blague quand le professeur leur fit une démonstration en agitant sa baguette, sans rien dire, et rendit sa forme initiale à un verre dont plusieurs débris volèrent depuis le tas au centre de la salle pour venir se coller parfaitement aux autres morceaux devant lui. Après cela, les élèves purent s'entraîner immédiatement puisqu'ils n'avaient rien de plus à apprendre sur ce sort qu'ils connaissaient déjà et que tout le secret résidait dans la volonté et la force d'esprit, ce que le professeur ne pouvait pas leur enseigner.
Tout le monde fit face à un échec cuisant. Malgré tous les mouvements de baguette acharnés, aucune magie ne se produisit et, quand c'était le cas, c'était pour créer plus de morceaux qu'il n'y en avait au départ. À la fin du cours, Flitwick demanda à ce qu'ils s'entraînent pour la prochaine fois à conjurer ce sort sans formule, en plus du travail de recherche sur les propriétés magiques de l'alcool qu'ils devaient déjà rendre.
— VIGILANCE CONSTANTE ! leur hurla dessus Maugrey à l'heure suivante. Si j'étais un Inferius, que feriez-vous là-maintenant-tout-de-suite ?
— Lumos ! s'écrièrent les élèves, habitués à ces questions surprises.
Maugrey se laissa tomber sur sa chaise.
— Lumos ! répéta-t-il d'un air moqueur. J'aurais eu le temps de crever la première rangée avant que vous ne me prononciez ça !
La première rangée recula d'effroi face à la menace de Maugrey, bientôt suivie par les autres, lorsqu'elles comprirent de quoi il voulait parler.
— Il est temps que vous appreniez à maîtriser les sortilèges informulés, acheva-t-il, confirmant ce que tout le monde redoutait.
Cette heure-ci fut aussi ridiculisante que la précédente. Ils eurent beau crier « Lumos ! » dans leur tête, le bout de leur baguette resta aussi sombre que leur esprit démoralisé.
Le midi, Cassius mangeait avec son meilleur ami quand Daphné Greengrass, une élève de quatrième année qui était amie avec Adrian, vint les prévenir que le Jeu des Souterrains allait avoir lieu le lendemain. C'était une fille à la peau très blanche qui avait des cheveux blonds épais et ondulés qui descendaient plus bas que ses épaules. Elle avait un corps fin et droit qui lui donnait un air impressionnant, en contraste avec son visage doux et toujours souriant.
— Oui, bien sûr, vous pouvez nous compter, répondit Adrian pour eux deux.
Cassius, qui avait la bouche pleine de gratin dauphinois, leva les deux pouces en l'air pour approuver, après quoi Daphné resta discuter avec Adrian puis repartit.
L'après-midi, Adrian se rendit en cours de Potions et Cassius s'amusa à essayer de désarmer en silence des jeunes élèves qui s'entraînaient dans la cour de métamorphose, en vain. Le soir, après avoir fait autant de devoirs qu'il le pouvait, Cassius se coucha, épuisé par les échecs de sa journée. Ses camarades firent de même et ce fut la fin des soirées en l'honneur du champion de Serpentard.
Le lendemain, Cassius se réveilla en réalisant que, encore une fois, Adrian s'était volatilisé durant la nuit. Il ne le revit pas de la journée mais il espérait qu'il serait de retour ce soir, pour participer au jeu. L'après-midi, il se rendit donc seul en cours de métamorphose. Ils avaient fini de travailler sur le Sortilège d'Apparition d'oiseaux le mercredi, aussi ne savait-il pas ce qui l'attendait cette heure-ci.
— Les sortilèges informulés, démarra McGonagall de but en blanc, sont une compétence indispensable pour la réussite des différentes épreuves de vos futurs ASPIC. Aussi, du fait de leur difficulté, vous devez commencer à vous entraîner dès à présent. Ils requièrent assurance et détermination. Si vous doutez de vos capacités, vous échouerez. Si vous savez que vous pouvez le faire, vous réussirez.
Ils devaient transformer une allumette en aiguille, un sortilège qu'ils avaient appris lors de leur premier cours de première année, et pourtant même Cassius parvint seulement à lui donner une couleur argentée. Il sortit du cours abattu de faire face pour la première fois depuis longtemps à un échec dans cette matière.
Il était cependant soulagé que ce soit la fin de la journée. Il avait attendu avec impatience le Jeu des Souterrains pour se détendre après ces deux semaines épuisantes. Mais Adrian n'était toujours pas revenu et Cassius se retrouva à attendre seul dans la salle principale de la salle commune, au milieu des autres participants qui trépignaient d'excitation et discutaient déjà de leurs stratégies.
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