Chapitre 5 : Lune de minuit (2)

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 Cassius avait en effet eu la réponse à toutes ses questions liées à Pansy. Il n'aurait pas pu rêver mieux. Pourtant, il y avait encore quelque chose d'autre, il restait dans son ventre comme une sensation étrange quand il y repensait. Ce n'était pas de la colère du fait d'avoir perdu. C'était autre chose. Un peu plus comme… oui, comme de l'admiration.

 Ce soir-là, il se repassa en boucle la conversation dans sa tête. Tout avait plus de sens désormais, les éléments coïncidaient parfaitement. Elle avait utilisé plus de ruses que de spectaculaires sortilèges. Exactement comme devait le faire un bon Serpentard. Cassius s'endormit sur cette dernière pensée et plongea dans le monde des rêves.

 Montague réveilla Cassius seulement quelques heures plus tard, pour leur cours d'Astronomie de minuit. Cassius se frotta les yeux et s'étira avant de se lever. Adrian dormait encore. Ses paupières étaient à peine closes, ses sourcils relâchés, ses traits doux et son visage éclairé d'un mince sourire entouré par ces perpétuelles fossettes. La pure innocence d'un enfant. Cassius s'en voulut presque de devoir y mettre un terme.

 Quelques instants plus tard, ils descendaient dans la salle commune où ils virent Drago et Pansy qui semblaient s'être bien réconciliés, puisqu'ils s'amusaient à parler à un scarabée sur le rebord d'une fenêtre.

 Ils se rendirent enfin en cours d'Astronomie où, comme à chaque fois, ils devaient commencer par actualiser leur carte du ciel. Cassius regarda donc dans la lunette du télescope pour observer le vaste espace mais c'est un toute autre genre de vision qui vint à lui. Tout d'un coup, il n'y eut plus de télescope, plus d'espace, plus de planètes, plus rien à part le monde qui basculait sous ses pieds.

 Les images n'étaient pas nettes. C'était comme un rêve qui lui échappait au moment de se réveiller mais auquel il tentait tout de même de s'accrocher. Tout allait si vite. Il pleuvait de la lumière sous le toit des arbres. Le chant de la rivière susurrait son nom. Et le pont. Le pont n'attendait que lui. Mais il ne pouvait pas le rejoindre, il ne faisait que s'éloigner, s'éloigner, s'éloigner jusqu'à devenir une minuscule tâche grise au loin. Puis il sentit son dos tomber sur quelque chose de dur. Il tourna la tête vers la gauche tout en faisant passer sa main sur la surface rocheuse. Il était sur le pont, enfin. Il releva alors la tête et cette fois ce fut la voûte étoilée qui lui fit face. Il n'y avait plus de forêt, plus de pont, que le sol de la tour d'Astronomie en-dessous de lui et la nuit impénétrable au-dessus.

 Un son blanc siffla à ses oreilles et Cassius se sentit écrasé par les regards anxieux qui l'entouraient. Il se dépêcha de se relever et chercha des yeux ceux d'Adrian. Le monde cessa de tanguer quand il les trouva. Maintenant, il savait ce qu'il devait faire.

 Il prétexta de devoir se rendre à l'infirmerie pour pouvoir quitter le cours accompagné de son ami, ce à quoi la professeure Sinistra ne rechigna pas, étant donné qu'il venait de s'évanouir sans raison apparente. Alors qu'il descendait les interminables escaliers en direction de l'extérieur, Cassius expliqua à Adrian ce qu'il avait vu, du moins dans son esprit, le pont au-dessus de la rivière, la forêt dont il était persuadé qu'il s'agissait de celle de Poudlard et cette étrange sensation que le pont l'attendait.

 Adrian le regardait avec un air de plus en plus préoccupé au fur et à mesure qu'il racontait son histoire.

 — Tu comptes vraiment y aller ? demanda-t-il alors qu'ils traversaient les immenses portes de bois de l'entrée dans le silence nocturne. Les visions sont rarement de très bons augures.

 — Qui sait ? ajouta Cassius en haussant les épaules. J'ai peut-être le Troisième Œil.

 Et ils se lancèrent ainsi dans des imitations du professeur Trelawney tandis qu'ils marchaient à travers le parc.

 — J'ai vu dans ton âme, mon enfant, et j'y ai vu la mort.

 — Ne m'approchez pas, jeune innocent. Votre aura est chargée de menaces ! Je vous conseillerais l'isolement en quarantaine jusqu'à l'ascendance des satellites de Jupiter.

 — Vénus chuchote à ma Troisième Oreille que vous connaîtrez un sort indubitablement tortueux.

 Leurs pas et leurs rires s'arrêtèrent simultanément à la lisière de la forêt. Face à eux, il n'y avait que l'inconnu et le danger. Adrian se tourna vers Cassius.

 — Il doit y avoir une raison pour qu'elle s'appelle la Forêt Interdite.

 — Pour rendre encore plus excitant le fait d'y entrer seuls et de nuit ?

 Sur ces mots, Cassius fit un premier pas entre les racines des arbres et fut rapidement suivi par son ami. Ils marchaient sous l'infinité des feuilles, dans la lumière de la lune de minuit. Ils avançaient et avançaient, leurs visages plongés dans la pénombre, parfois traversés par les lueurs argentées d'une lumière qui se faisait de plus en plus rare tandis qu'ils s'éloignaient toujours plus du château et que le feuillage s'épaississait.

 Ils avaient l'impression d'avoir marché pendant des heures. Là où ils étaient, il n'y avait plus que le noir et le froid, la peur et le silence.

 — Adrian ? appela alors Cassius en chuchotant, comme pour ne pas réveiller les ombres de la forêt et pour s'assurer que sa voix existait toujours, qu'il existait toujours.

 — Cassius ? lui revint celle d'Adrian.

 C'était un son incroyablement rassurant dans ce néant.

 — C'est plus par là.

 Sans comprendre pourquoi, ni comment, il savait où il fallait aller. Et même si Adrian ne put rien voir, il se remit totalement entre les mains de l'intuition de son ami et suivit le bruit de ses pas. C'est alors qu'ils virent au loin, si inespérée qu'elle en paraissait irréelle, une tâche de lumière. Ils s'y accrochèrent comma à un dernier espoir et les virent grandir tout deux tandis qu'ils s'avançaient.

 Ils arrivèrent finalement dans une clairière illuminée par le clair de lune de minuit et traversée par une rivière. L'eau coulait dans son lit, plus bas que le sol, qui semblait s'être affaissé pour la laisser passer. À travers la terre de ces petites falaises se croisaient des racines nues.

 C'était exactement l'endroit que Cassius avait vu, mis à part que la lune presque pleine l'éclairait moins qu'en plein jour. Et qu'il n'y avait pas de pont. Cassius s'approcha du rebord en-dessous duquel s'agitait le torrent et s'y agenouilla en touchant la terre humide. Il n'y avait rien d'autre que le vide entre lui et l'autre rive. Durant un instant, il observa un rat sur la branche d'un arbre de l'autre côté de la rivière en se demandant comment il avait pu monter là-haut.

 Et puis il remarqua quelque chose d'étrange. Les racines en face de lui semblaient s'agiter. Au début, il crut avoir mal vu et se frotta les yeux. Mais bientôt, il fut impossible de s'y tromper. Des deux côtés, les racines émergeaient de la terre, se nouaient et se renouaient entre elles dans une danse complexe, pour enfin se rencontrer au-dessus de l'eau. Elles s'accrochaient entre elles pour créer un lien solide entre les rives.

 Puis, alors que Cassius et Adrian croyaient le spectacle terminé, des pierres se mirent à léviter tout autour d'eux et ils s'accroupirent pour les laisser voler au-dessus de leur tête jusqu'aux racines, sur lesquelles elles s'entassèrent dans un enchevêtrement parfait pour former un pont solide.

 Les deux garçons étaient encore sommés par la scène surréelle qui venait de se dérouler sous leurs yeux quand quelque chose d'encore plus magique se produisit. Un objet de pierre rond descendit du ciel en passant dans la silhouette de la lune, comme si celle-ci le leur envoyait. L'objet inconnu acheva sa descente sur la rive opposée, à hauteur de bras. Il se révéla qu'il contenait une substance liquide et argentée dans laquelle le clair de lune de minuit se reflétait avec une telle puissance que le reste de la clairière sembla soudainement plongée dans le noir.

 Cassius s'appuya sur son poing droit et se releva sur ses deux jambes. Il tourna la tête. Adrian avait l'air aussi désemparé que lui. Cassius regarda à nouveau devant lui et vers la bassine de pierre au liquide mystérieux. Le pont était là maintenant et n'attendait que lui pour l'y mener. Alors il posa précautionneusement un premier pied devant lui et attendit. Mais rien ne se produisit. Pas de piège et un pont qui semblait bien solide. Alors il fit un autre pas, puis un autre et un autre et il se retrouva bientôt au milieu du pont, à s'avancer vers la colonne de lumière émergeant du ciel et plongeant dans la bassine sans fin.

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