Chapitre 5 : Lune de minuit (3)
Il acheva sa descente et se retrouva enfin face à l'étrange objet. En y regardant de plus près, il put y voir un fluide noir qui s'y mouvait comme une créature vivante. Cassius s'approcha alors un peu plus car il lui semblait bien que… Oui, le fluide n'était pas simplement noir. Il était fait de plusieurs nuances, de profondeurs insondables et de quelques couleurs. Cassius s'y pencha encore plus et remarqua que, étrangement, le liquide ne lui renvoyait pas son reflet. Il y baignait une autre image, une image qu'il voyait de mieux en mieux, une image qu'il pourrait discerner s'il s'approchait encore un tout petit peu plus…
Alors, son visage toucha le liquide. Il ne ressentit non pas la sensation d'être mouillé mais celle de faire désormais partie de l'image qu'il voyait auparavant. La clairière avait disparu et il observait maintenant une pièce s'éclairer devant lui, tandis qu'une porte sur sa gauche s'ouvrait en grinçant. Il était à l'extérieur et à l'intérieur, partout et nulle part à la fois.
La scène se précisa. C'était une grande salle mais à peine meublée. En son centre trônait un fauteuil de velours rouge, qui faisait face à un feu qui s'essoufflait. La porte acheva de s'ouvrir sur un homme trapu et chauve au regard fatigué.
— Votre Excellence souhaitait me voir ? dit-il.
Cassius se demandait à qui il pouvait bien parler jusqu'à ce qu'une voix ne s'élève du fauteuil qui lui faisait dos.
— Entre, Queudver, je t'en prie.
L'homme entra en poussant la porte derrière lui sans pour autant la fermer complètement. Cassius comprit qu'il s'agissait de Queudver. Quant à son interlocuteur, Cassius ne savait toujours pas à quoi il ressemblait mais sa voix froide et pénétrante ne lui donnait absolument pas envie de le voir.
— Comment s'en est sorti le champion ? susurra avec curiosité la voix de l'inconnu.
— Lequel, Maître ?
— Le mauvais, Queudver ! s'emporta l'autre. Mon fidèle serviteur m'a déjà rapporté des nouvelles de Potter.
— Warrington ? Oh, il s'en est très bien sorti, Maître.
Cassius sentit un coup dans son estomac. Lui, le mauvais champion ? Il était bien plus légitime que Potter... Il ne savait pas qui était ce Maître, mais il le portait déjà peu dans son cœur.
— Il a apporté beaucoup d'honneur à votre maison, Maître, ajouta Queudver avec hésitation au bout d'un moment. Vous pouvez en être fier.
Le Maître, qui soutenait Potter et méprisait la participation de Cassius, était donc un Serpentard. Il avait apparemment oublié les valeurs de son ancienne famille. Il y eut un long silence qui sembla mettre Queudver très mal à l'aise.
— Fier ? souffla le Maître avec mépris. Il faut qu'il perde, pauvre idiot, et Potter doit gagner, pour le plan. C'est le seul moyen de le tuer et de me rendre mes pouvoirs. L'aurais-tu déjà oublié ?
— Absolument pas, Votre Excellence, s'empressa d'ajouter Queudver. Mais Potter a obtenu un meilleur score que lui.
— Ce n'est pas suffisant, Queudver ! Le garçon doit absolument gagner et le champion de Serpentard se montre trop compétent. Il pourrait se révéler un obstacle au plan.
— Il n'est pas nécessairement...
— Ne mens pas à ton Maître, Queudver ! s'énerva la voix sifflante. Personne ne ment à Lord Voldemort. Tu le sais, et tu sais aussi que le mauvais champion est un danger.
Le temps sembla se figer sous le coup de la stupeur. Ainsi, le Maître, l'inconnu dissimulé derrière le fauteuil, l'homme à la voix pétrifiante était donc Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Le Seigneur des Ténèbres, devenu ombre parmi les ombres, s'accrochait encore à la vie et échafaudait des plans pour assurer la victoire du garçon qui avait survécu. Cela n'avait aucun sens.
— Que... Que dois-je faire dans ce cas, Maître ?
— Dis à Warrigton qu'il doit laisser gagner Potter.
Tout d'un coup, les évènements de cette soirée, la vision et la bassine de pierre avaient plus de sens. C'était la façon de Queudver de le prévenir.
— Très bien, dit Queudver en repartant.
Il s'arrêta sur le pas de la porte.
— Et comment vais-je convaincre un Serpentard de perdre, Votre Excellence ?
— Rappelle-lui que ses parents sont de mon côté.
À peine ces mots prononcés, la scène s'évapora et se transforma en une autre, complètement différente. Il faisait bien plus clair, il était jour. Il y avait deux garçons sur les marches de pierre de Poudlard. Cassius ne les connaissait pas même s'il lui sembla que leurs visages lui étaient familiers. L'un d'eux était grand et fin, avec un visage marqué par la fatigue mais empli de douceur. L'autre était plus petit et empoté. Il avait les poings serrés et des larmes de rage coulaient sur ses joues rougies.
L'autre garçon posa alors une main sur son épaule.
— Parfois, la meilleure des victoires est d'accepter sa défaite.
Encore une fois, la scène disparut, trop vite au goût de Cassius, et cette fois, elle ne fut pas remplacée par une autre. À la place, il n'y eut que le monde réel dans lequel il émergea et l'herbe qui chatouillait ses doigts.
Il s'appuya sur ses coudes et regarda autour de lui. Il faisait toujours aussi nuit et aussi froid dans la clairière. Quelqu'un derrière lui le souleva alors du sol. Adrian. La bassine était encore là mais le liquide qu'elle contenait était devenu aussi limpide que de l'eau, même s'il était sans fin et donnait l'impression que la bassine n'avait pas de fond. L'esprit de Cassius était au contraire plus trouble que jamais.
Il se retourna vers son ami, l'empoigna par le bras et le tira de l'autre côté du pont et à travers la forêt. Il avait besoin de mettre le plus de distance possible entre eux et cet endroit. Sur le chemin du retour, il expliqua à Adrian tout ce qu'il avait vu.
— La meilleure des victoires est d'accepter sa défaite. Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? demande celui-ci tandis qu'ils arrivaient aux portes d'entrée du château.
Cassius s'appuya sur le battant de chêne en soupirant.
— Ça veut dire, répondit-il en le poussant, que ma défaite au Tournoi des Trois Sorciers amènera Tu-Sais-Qui au pouvoir, et Potter à la mort.
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