Mise en bouche
Nouveau repas généreux autant dans l'assiette que dans le verre. L'équipe hôtelière est aux petits soins pour les deux groupes qui mangent chacun à leur table après avoir dégusté l'apéritif ensemble. Qui d'ailleurs pour imposer cette distance ? La discrète Malia ? L'impétueuse Sallie ? Non. Lucie. Par respect pour Vida, elle souhaite que les groupes gardent une certaine autonomie et ne partagent pas tout leur temps ensemble.
— Je vais être honnête les filles, pour une fois, même si je me retrouve en huit-clos avec un homme qui me plaît, mettre une certaine forme de limite est extrêmement plaisant, voire même très excitant. Alors certes, je le fais pour toi ma Vida, mais sincèrement j'y trouve bien mon compte, avoue Lucie lors du repas.
Jamais à la même place, Vida se retrouve ce soir-là face à la table des garçons. Dans sa ligne de mire, Ken. Casquette désormais tournée, son visage ce soir est plus lumineux. La raison ? Sa décision, sans nul doute. Perdue dans sa contemplation, l'alcool embuant ses songes, Vida perçoit Maria au loin, qui se moque ouvertement de la coiffure de Théo. Combien de fois l'homme avait expliqué refuser catégoriquement de tremper sa tête sous l'eau de la piscine de peur d'abîmer la coloration de ses locks ? Sallie ne cessait de s'en moquer. Dieu qu'il avait faire rire les deux groupes lorsque Moussa et Seydou l'avaient jeté à l'eau cet après-midi là ! Pas de doute, ce groupe s'est bien trouvé. Entre Lucie et Seydou, les choses évoluent avec un naturel désarmant et son amie en devient presque méconnaissable de sagesse, au grand dam de Sallie, éternelle célibataire qui ne trouve pas son compte au sein de cet hôtel, ne cesse-t-elle de clamer.
L'ambiance est délicieuse. Le vin également. Les verres s'enchaînent et des regards s'échangent. Discrets, muets, presque secrets, au fil de la soirée, les iris de Ken plongent dans ceux de Vida. Parviendrait-elle à expliquer ce que son corps ressent ? De l'appréhension ? Un nouveau malaise ? Lorsque ce dernier se lève et s'excuse auprès de ses trois compères pour se diriger vers l'étage, aucun regard n'est échangé. Rien. Et pourtant, tout est dit. Non, ce n'est pas un malaise. Elle détaille ce corps, cette allure, cette démarche si assurée. Quelque chose a muté. La vie s'immisce partout lorsque l'espoir renaît. Et ce soir, cet homme ressuscite. Non le corps de Vida n'appréhende pas. Ce que ces synapses ressentent n'est rien d'autre que de l'envie. Les lèvres posées sur sa joue quelques heures auparavant font une incursion dans ses pensées. Son corps sanglottant contre le sien dans sa chambre, la puissance et l'assurance que dégageaient ses bras... Le bouclier empêchait toute évasion. En baissant les armes, le corps de Vida s'éveille. La bête s'étire. Non loin, la voix de Maria qui s'alanguit de connaître les détails de la première nuit de Lucie et Seydou la raccroche à l'instant mais la vie autour d'elle est comme en suspend. Rien n'est fantasmé. Le désir est bel et bien présent. Ken peut-il réellement endosser le rôle de David, un temps ? Ses mains pourraient-elles devenir les siennes ? Ses caresses seraient-elles aussi épicées que celles de son mari ?
— Veuillez m'excuser les filles, annonce alors Vida d'une traite. Je vais rejoindre ma chambre si vous le voulez bien, je pense que j'ai un peu trop bu.
En miroir, Maria se lève brutalement. Que fait-elle ?
— Tout va bien, vraiment, j'ai juste perdu l'habitude de boire autant en si peu de jours, soyez tranquilles. On se voit tout à l'heure si vous êtes encore à la piscine. J'ai juste besoin de m'allonger un peu.
Son amie se rassoit et toutes s'excusent d'avoir rempli encore et encore son verre pendant que l'intéressée quitte le restaurant sans accorder un seul regard à la table masculine.
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