Silence

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Vida ne réalise que les caresses s’étaient suspendues qu’au moment où celles-ci reprennent. Silencieuse, hagarde, seuls les mots de Ken résonnent. Fatima brise le silence de la pièce et lui propose de s’installer sur le dos. 

— Ma chérie... 

— Fatima, je n’ai pas envie de...

— Moi aussi je suis veuve. Depuis si longtemps maintenant d’ailleurs. Trop longtemps pour certains, mais ma vie était avec mon mari et personne d’autre.  

Où veut-elle en venir ? Entre veuves, la douleur est-elle palpable et se partage-t-elle à ce point ? 

— Avant toute cette merde, avant David, avant Ken, j'étais une femme joviale, drôle, au caractère bien trempé et à la langue bien pendue. C'est difficile à envisager n'est-ce pas ? Serais-je un jour capable de faire revenir la femme d'avant tout ça ? La femme qui n'a jamais souffert ? Celle qui doit tant manquer à ses amies ? 

— Le désires-tu seulement ?

La rudesse de la question réchauffe la banquise autour du cœur de Vida. Son interlocutrice comprend. Là où elle est, tout est éteint, et ainsi, tout est facile. La sagesse de cette femme ayant traversé des tempêtes similaires pourrait lui être bénéfique. Son torse se redresse.

— Désires-tu seulement redevenir la femme d’avant ? Ne penses-tu pas avoir vécu ces horreurs justement pour faire de toi la femme que tu es à présent ? 

Fatima porte alors ses doigts sur sa boucle d'oreille. La masseuse explique avoir gardé cette unique trace de son mari en symbole de leur amour. Pour elle, l'alliance était un supplice. Un continuel rappel de l'horreur de son deuil. Elle avoue même ne pas comprendre comment fait Vida pour continuer de la porter.

— J'en suis fière et je n'envisage pas de l'enlever. Avec cet anneau, je ne suis jamais seule. Il est toujours là en moi, sur moi et m'accompagne du mieux qu'il peut. Il est ma chance, mon instinct. 

Pense-t-elle qu'il puisse l'accompagner à aller de l'avant, interroge avec pudeur la sœur de la gérante ?

— Je pense qu'il a tenté. Il a mis sur mon chemin une personne à laquelle je me suis attachée. Une bouée de sauvetage en somme, en qui j'ai fondé tous mes espoirs. L'une des plus grandes erreurs de ma vie comme tu l’as compris... Depuis, ma confiance en cet instinct est rompue... 

— Ton mari est-il seulement responsable de cette débâcle ? Qui a désiré Ken ? Pas lui... Se cacher derrière son deuil est facile. Ça empêche de se remettre en question et d’avancer. Crois-moi, j’ai erré des années comme toi. Mais ici ma chérie, ta souffrance a besoin d’être mise de côté. Mets-la en pause quelques instants, et regarde autour de toi. D’autres ont besoin de toi. 

Lucie et son regard effrayé font alors irruption dans ses pensées. Fatima a raison. L’égoïsme de sa souffrance a assez duré. 

— Tu es jeune... Tu as encore tant à offrir au monde qui t'entoure. J'ai trouvé ici, la raison de mon bonheur auprès de ma sœur et de sa famille. J'ai enfermé mon esprit dans quelque chose que personne ne pouvait ruiner. Ce projet, cet hôtel. Plonge ton esprit dans quelque chose qui n’appartient qu’à toi, ou à tes proches. Ce mariage est peut-être le meilleur moyen de mettre le pied à l’étrier. Il y a encore tant à faire ! 


Après cet échange, Vida, épuisée, se retranche dans sa chambre le temps d’une sieste. En s’enroulant dans la couette, elle se promet une chose. Au réveil, rien ne sera plus jamais pareil. 

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