Chapitre 7 - Petite sœur
- Où est-ce que tu as rencontré un bouffon pareil ? demande Matéo en se retenant de rire.
- Ne commence pas, je lui ordonne d’un air faussement menaçant.
C’est la première fois que je le vois avec une humeur emprunt au rire et ça me fait du bien.
- Je crois que toi aussi tu as des choses à me raconter, constate-t-il.
Nous entrons dans la maison et Maria vient à notre rencontre.
- Le repas est prêt et je suis ravi que vous restiez manger Matéo, dit-elle toute joyeuse. Cela fait si longtemps que je ne vous ai pas vu.
Matéo semble gêné, tout le contraire de notre femme de maison. Il hésite à rester mais plus jeune il adorait Maria et ne pouvait rien lui refuser.
- Valentina ne sera plus seule pour dîner, l’encourage-t-elle. Sa mère travaille toute la semaine à mi-temps et ne revient pas encore. Concernant son père, même pas besoin d’en parler.
À la mention de son père, Matéo se crispe légèrement mais il s’assoit tout devant le second couvert en face de moi.
Maria est satisfaite de son numéro et nous apporte des pommes de terre à la vapeur avec de la viande de canard.
- J’avais oublié à quel point Maria est un cordon bleu, commente Matéo en engloutissant une quantité impressionnante de pomme de terre.
Maria a dû en rajouter quand Matéo est venu car d’habitude il n’y en pas autant.
- Alors, s’enthousiasme mon invité. Comment as-tu rencontré un abrutit pareil ?
Je vois Maria lâcher un sourire et hocher la tête.
- À l’université, j’explique en levant les yeux au ciel. Je viens de terminer ma première année de droit et j’ai rencontré Alex en cours.
- Je suppose que tu es au Capitole, poursuit-il. L’université la plus côté où tous ces abrutis de bourges vont pour faire plaisir à papa.
- Je te signale que nous sommes tous les deux des abrutis de bourges, je lui renvoie d’un ton à moitié sérieux.
- J’étais comme eux avant, un sale fils à papa qui reste dans le rang, avoue-t-il avec rancune.
Nous finissons de manger avant d’aider Maria à débarrasser la table.
- Tu ne devrais pas sortir avec un mec comme ça, me conseille Matéo.
- Tu viens de revenir dans ma vie et tu veux déjà contrôler mes relations, je lui reproche une pointe de colère dans la voix.
- Ton copain représente tout ce que je déteste chez un gars et je n’apprécie pas son comportement envers toi.
Je soupire avant de l’amener dans ma chambre pour plus de tranquillité.
- Nos familles ont prévu un mariage pour l’été prochain, je lui indique.
Son visage se décompose et il tape le poing sur mon bureau, ce qui me fait sursauter. Il n’était pas impulsif comme ça dans mon souvenir.
- C’est n’importe quoi ! Tu es beaucoup trop jeune.
- Stop ! Je ne suis pas ravie non plus mais je pense donner une seconde chance à Alex. Tu ne le connais pas, au fond c’est quelqu’un de gentil.
- Une seconde chance pour quoi ? demande-t-il avec méfiance. Il t’a fait du mal ?
Étant donné ses réactions, je ne pense pas lui parler de ce qu’il s’est passé à la fête de Charlie. De plus, je suis un irrité par son comportement si possessif.
- Bien sûr que non, il s’agit d’une simple dispute, je mens. Pourquoi tu te montres si agressif envers lui ?
- Je suis désolé, se calme-t-il en s’asseyant sur mon lit. J’ai envie de te protéger. Je n’ai jamais cessé de penser à toi durant toutes ces années. Tu es la sœur que je n’ai jamais eue.
Je m’approche de lui puis je m’installe à ses côtés.
- Qu’est-ce que tu as fait pendant tout ce temps ? je lui demande avec douceur. J’ai l’impression de te connaitre et à la fois d’être en face d’un inconnu.
Il se tourne vers moi et me regarde avec des yeux verts profonds. J’ai toujours aimé son regard. S’il y a une chose qui n’a pas changé, c’est bien ça.
- Comme je te l’ai expliqué, je suis parti à cause mon père, commence-t-il. J’ai fait le choix de tous quitter même si je devais blesser des gens au passage. J’ai voulu commencer une nouvelle vie alors je suis entrée dans l’armée et j’ai terminé un contrat de cinq ans. J’ai eu un toit, de la nourriture et une nouvelle « famille ». J’étais un bon soldat jusqu’au jour où les fantômes du passé sont revenus. Je suis sorti du cadre militaire pour replonger dans la désobéissance comme je l’ai fait avec mon père. J’ai passé les autres années à faire des petits boulots et vivre quelques semaines à la rue.
- Oh mon Dieu ! je ne peux m’empêcher de m’exclamer.
- J’ai appris beaucoup plus de chose à l’armée et dans la rue que dans l’entreprise de mon père, continue-t-il. Je suis passé d’aristocrate italien à rien du tout, mais je ne me sentais pas comme une merde. En passant de l’autre côté de la barrière, j’ai appris beaucoup de choses sur la vie et sur la société. Je suis devenu quelqu’un d’autre. Avant j’étais comme Alex, prétentieux mais qui aboie plus qu’il ne mord. Je ne pensais qu’à la fête et aux filles. Les seuls moments de douceurs étaient avec toi, c’était la seule facette de moi que tu connaissais.
Il a raison, je ne l’ai jamais vu de cette façon. Même jeune, il ne ressemblait pas du tout à Alex. Mais peut-être qu’il ne se comportait pas de la même façon avec moi qu’avec ses amis. Je suis contente d’avoir vu et de voir encore son côté doux et amical.
- Tu es revenu parce que tu voulais une vie meilleure ? je lui demande.
- Non, dit-il en secouant la tête. Tu ne comprends pas. Je suis revenu parce que ma mère a passé des années à remuer la France pour me retrouver. Je suis parti dans le nord du pays pour tout recommencer mais ma mère est plus tenace que je ne le pensais : elle m’a trouvé. Elle m’a annoncé que depuis quelques années elle a divorcé de mon père. Ils faisaient que se disputer par rapport à moi et elle lui en voulait horriblement à cause de mon départ.
- C’est pour ça que ton père ne vient plus au club de golf et que nous ne voyons jamais ta mère ? je demande pour être sûre d’avoir compris.
- Ma mère est en dépression depuis mon départ et mon père a accepté de lui laisser la maison avec une maigre pension, affirme-t-il. Cela fait une semaine que je suis là pour aider ma mère. Je me suis fait discret mais ces abrutis de voisins de bourges ont toujours la langue bien pendue.
Il me lance un regard amical avant de me prendre une nouvelle fois les mains.
- Je n’ai jamais osé venir te voir car je ne savais pas comment tu allais réagir. J’ai eu peur à nouveau et je m’en veux d’être aussi lâche. L’armée ne m’a pas rendu plus courageux avec les gens que j’aime. À vrai dire, je ne savais pas que c’était toi la fille qui n’arrêtait pas de me fixer au bar. J’ai fait le rapprochement quand je t’ai vu à la piscine avant que tu ne t’enfuies.
- Désolé pour ça, je m’excuse gênée. C’est perturbant de voir une personne qu’on a connu réapparaitre tout à coup.
- Je comprends.
Matéo fait une pause avant de reprendre :
- Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est que tes parents t’aiment à leur manière. Parfois, ils prennent des décisions à notre place parce qu’ils pensent que c’est la meilleure chose pour nous. Seulement, nous sommes les seuls à savoir ce qui est juste pour notre avenir. Ne déteste pas tes parents, je suis sûre qu’ils t’aiment.
Je suis convaincu que Matéo a raison au sujet de ma famille. Il a vécu tellement plus de trucs que moi et ses expériences me portent à croire que je peux lui faire confiance sur beaucoup de choses.
- Ma vie à moi est quand même plus calme, je déclare pour revenir à une atmosphère plus amusante. Que tu sois là ou pas, elle a toujours été calme.
- À part quand ton copain y est entré, fait-il remarquer en riant.
- Je t’en prie, arrête de t’acharner sur lui, je lui dis en le suivant dans son jeu.
J’aime son rire, il est viril et met immédiatement à l’aise. Je ris à mon tour parce que je me rends compte qu’Alex est parfois ridicule avec ses manières guindées.
- Ma meilleure amie s’appelle Irina, elle est polonaise et vraiment adorable, je lui confie. On se connait depuis un an mais c’est comme si je la connaissais depuis le lycée.
Ni lui ni moi n’avons le temps d’ajouter quoi que ce soit car un téléphone sonne. Matéo regarde l’appelant et ses yeux rieurs sont remplacés par un regard dur.
- Ouais, je te rejoins chez toi, dit-il désinvolte.
Il voit que je me pose des questions et décide de me répondre.
- C’est ma petite amie, me renseigne-t-il avant de descendre doucement les escaliers.
Mon cœur se serre quand il dit ça et je ne comprends pas pourquoi. Je ne devrais pas être jalouse d’une autre fille. Par le passé, il savait très bien jongler entre moi et sa copine.
Une fois devant la porte, il me regarde avec des yeux chaleureux.
- Je suis content que tu m’aies accepté dans ta vie Tina, concède-t-il avec sincérité.
Il me fait un bisou sur le front avant de quitter la villa. Je reste sur le palier jusqu’à ce qu’il disparaisse en voiture. Maintenant, j’ai deux affaires à régler. Ma mère. Mais surtout Alex.
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