Je reste quelques secondes dans la piscine sans comprendre ce qu’il s’est passé. Les rouages de mon cerveau sont rouillés mais je parviens à m’extraire mollement du bassin. Lorsque je regarde autour de moi, seules les lumières du jardin éclairent les ombres du feuillage.

Mécaniquement, je prends ma serviette laissée sur le transat puis je monte les marches. Je prends une douche rapide sur pilote automatique avant de me glisser sous les draps en pyjamas.

Enfin, je parviens à faire mouliner mon cerveau pour revenir aux derniers évènements.

Putain ! Matéo m’a embrassé !

Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça ! Il est clair que je suis amoureuse de lui et que ça ne devrait pas me déranger mais il me considère comme sa sœur. Mon Dieu ! Je ne sais plus où me mettre.

Qu’est que je vais pouvoir lui dire quand on va se revoir ? Comment dois-je réagir à ça ?

Mon cerveau adopte le fonctionnement inverse à présent. Il carbure à mille à l’heure en cherchant diverses réponses à mes questions.

Le bip de mon téléphone coupe cours à mes pensées. Je suis mortifiée. Et si c’était un message de Matéo ? Je n’ose même pas regarder mon portable posé sur mon bureau. Pourtant, il faut bien que je le prenne à un moment donné.

Bon, courage. Je me lève lentement puis je me dirige vers mon bureau. Je prends mon téléphone en main puis la lumière de l’écran m’aveugle.

Je soupire de soulagement. Ce n’est qu’un message de mes parents. Ils seront là dans une heure. J’ai également reçu un mail d’Irina.

Coucou,

Je suis super contente que tu ne sois plus avec Alex, c’est une pourriture. Par contre Matéo je l’adore même si je ne l’ai jamais rencontré. Ça se voit qu’il tient à toi d’après ce que tu m’as raconté. Est-ce que tu es encore amoureuse de lui ? Ce serais amusant que vous sortiez ensemble ahah. Ton rêve de petite fille serait réalisé. Bon, je te laisse avec Matéo, je suis contente que tu passes le week-end avec lui et j’espère qu’il y aura rapprochement. Je te taquine bien sûr.

A plus, Irina.

Je suis abasourdie par ce message. Comment mon amie a-t-elle pu soupçonner une chose pareille ? Je suis si transparente dans mes émotions et ma façon de parler ? Heureusement, elle semble prendre notre potentielle histoire d’amour à la rigolade.

Je ne sais pas du tout quoi faire avec Matéo, c’est vraiment délicat. Notre relation a pris un nouveau tournant si rapidement.

Je cogite encore longtemps sur des questions sans réponses. J’entends mes parents rentrer malgré leur discrétion.

Au bout de quelques heures, je parviens toutefois à m’endormir.

***

Lorsque je me réveille, il est assez tard et presque l’heure de manger. J’ai eu un sommeil agité mais je ne suis étrangement pas très fatiguée. Je suis boostée par l’adrénaline sans savoir pourquoi. Peut-être que mon cerveau se prépare à affronter Matéo tout à l’heure.

Mon portable n’affiche pas de message de Matéo et je suis presque déçue. Souvent, je me réveille avec un petit mot gentil de sa part.

Je mange seule dans la cuisine dans une maison déserte. Je passe un peu de temps à me prélasser dans la piscine puis à lire lorsque mon téléphone émet un bip. Je me précipite dessus persuadée que c’est un message de Matéo mais non.

C’est un message de Laura qui m’indique qu’elle est déjà en ville avec Anne-Lise et qui m’invite à les rejoindre comme convenu la veille.

Je commence sincèrement à me poser des questions sur Matéo tout en me préparant pour sortir. Il est bientôt quinze heures et je commence à m’inquiéter. D’habitude ses messages arrivent bien plus tôt, je ne comprends pas ce qu’il se passe.

Matéo regrette peut-être ce geste et veut m’éviter pendant un temps pour réfléchir ? Ou bien il occupé avec sa copine ? Oui c’est peut-être ça.

Bon, il faut vraiment que j’arrête de chercher sans arrêt des réponses pour tenter de me rassurer. Je dois agir !

Une fois prête, je prends l’initiative de passer chez les Di Angelo. Si je veux avoir des réponses, c’est là-bas que je dois commencer.

Je me dirige vers la baie vitrée et j’aperçois Alma Di Angelo en train de tourner en rond dans le salon. Passer par cette entrée est une vielle habitude que j’ai vite reprise.

Dès qu’elle m’aperçoit, elle se précipite pour m’ouvrir. Je peux lire de la panique dans son regard, quelque chose la tracasse.

- Que se passe-t-il Alma ? je demande pour en savoir plus.

- Tu tombes bien Valentina, je voulais te parler, s’écrit-elle affolée.

Je la sens vraiment très perturbée et sur le point de fondre en larme.

- Expliquez-moi pourquoi vous êtes dans cet état, je lui indique doucement en l’aidant à s’asseoir sur le canapé.

- C’est Matéo, je ne comprends pas, bredouille-t-elle en secouant la tête.

- Qu’est-ce qu’il a encore fait ? je l’interroge de plus en plus malaisée.

- Quand je suis arrivé dans sa chambre, il n’était pas là, explique-t-elle les larmes aux yeux. J’ai envoyé une tonne de message mais il ne répond pas. Il est parti avec tous ses papiers mais il reste ses vêtements. Matéo n’a laissé aucun message et j’ai peur qu’il me fasse le même coup qu’il y a dix ans.

Ce que me raconte Alma me sidère. Comment Matéo peut-il faire une chose pareille ? Ce n’est pas possible qu’il soit à nouveau parti, il m’avait promis. L’espoir de cette promesse me porte à croire qu’il va revenir.

- Je suis sûre qu’il va rentrer, je tente de la rassurer. Il ne peut pas s’enfuir une deuxième fois comme ça.

À mon grand étonnement, Alma me prend dans ses bras.

- J’espère que tu as raison, je ne supporterais pas de le perdre une deuxième fois, sanglote-t-elle.

- Moi non plus, je murmure.

Je me dégage de ses bras lorsque mon téléphone retentit dans la pièce. Madame Di Angelo me regarde avec espoir mais ce n’est qu’un message de Laura.

- Je dois aller rejoindre des amies en ville, j’explique. Quand Matéo reviendra, n’oubliez pas de lui passer un savon.

Elle hoche la tête avant de se lever pour me guider vers la sortie.

- Je vais aller travailler à l’étage en attendant, soupire-t-elle.

- C’est le mieux à faire, j’approuve en sortant.

Après un trajet épouvantable dans le métro, je parviens à rejoindre les filles qui sont posés dans un café du centre.

- Enfin, tu es là ! s’écrit Laura en me voyant. Tu en as mis du temps.

- Désolée, j’ai été retardée, je me justifie en restant vague.

- On a appris que tu n’étais plus avec Alex par Charlie, enchaine Anne-Lise. Que s’est-il passé ?

Je suis heureuse de constater que le carnage de la fête du Commencement ne se soit pas propagé. Je pense que le cercle privé a dû ébruiter ce qui s’est réellement passé et c’est mieux que tous le monde oublie cette histoire.

Il est préférable qu’elles ne soient pas au courant puisque venant d’un milieu plus modeste, mes amis ne fréquentent pas le même cercle que moi. L’avantage est qu’elles doivent avoir moins de pression sociale sur les épaules.

L’image de Matéo me revient en tête, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter. Une part de moi a peur d’être abandonné comme dans le passé. J’efface ce film de ma tête en me concentrant à nouveau sur le présent.

- Nous n’étions pas faits l’un pour l’autre voilà tout, je réponds sur un ton détaché.

- Ce qui m’étonne c’est que vous n’ayez pas encore couché ensemble, commente Laura. Alex est tellement beau !

Je ne vais pas leur tenir rigueur de ces propos étant donné qu’elles ne peuvent pas savoir qu’Alex est un potentiel agresseur sexuel. Je ne préfère pas connaitre ses antécédents à cause ça. Qui sait ? Peut-être qu’il est allé jusqu’au bout avec une fille.

- La voie est libre, tu peux sortir avec lui, rit Anne-Lise.

- Non, je préfère avoir plusieurs mecs sous le bras pour passer la nuit, je ne veux pas me caser, renchérit Laura.

J’avais oublié à quel point Laura était du genre à boire et à se réveiller sans se souvenir du mec avec qui elle a passé la nuit. Quant à Anne-Lise, elle est plus tranquille et sort avec son copain depuis la fin du collège.

- Et si on allait faire un tour dans les boutiques ? je propose pour changer de sujet.

Les filles approuvent avant de se lever de leur table. Laura sort une cigarette et s’éloigne quelques secondes.

- Qu’est-ce qu’elle fait ? je demande à Anne-Lise.

- Elle va demander du feu à un mec et un numéro au passage.

En effet, je vois Laura en train de discuter avec un homme un peu plus âgé. Elle revient assez vite le regard triomphant.

- On peut y aller ! se réjouit-elle en nous devançant.